Reportages
Mai
2002 : photos prises par Ammar lors d'un voyage dans les Aurès...
Taberdga
La ville ancienne est une magnifique citadelle bâtie en nid d'aigle au dessus
d'un éperon rocheux lové dans une large boucle formé par
l'oued, superbe canyon surmonté de falaises abruptes.
La ville nouvelle est sans cachet, anonyme et laide comme tout ce qui se fait
avec le béton et les parpaings.
C'est Taberdga qui donne tout son sens au toponyme " Chir ". Toponyme
que l'on trouve un peu partout en Algérie et particulièrement en
Aurès.
Chir doit signifier éperon, belvédère, en tout cas un lieu
quelque peu élevé, qui permet sinon la défense de la ville
du moins il donne un excellent panorama.
Il y a bien sûr Chir,
village après Menaâ que j'ai traversé, mais il y a aussi
le village baptisé aujourd'hui Cité Ben Ali, à 5 km de
Ighzer n'welma et à 15 km de Mérouana, qui s'appelait à
l'origine Chir (où ils subsistent des conduites d'eau, des jardins et
des villas datant de l'époque romaine). Il y a également Henchira
(prononciation arabisé de Henchir) situé à mi-chemin entre
Mérouana et Ighzer n'welma. Cette localité n'est pas à
proprement parlé située sur un éperon mais sur le piedmont,
cependant le prolongement de ce piedmont qui meurt en légère "
balustrade " surélevée et dominant la vaste plaine des Ouled
M'henna, eux-mêmes dominés par l'imposante Mestaoua.
Après quelques dizaines
de km de Babar en direction de Taberdga, la route devient très sinueuse
et même mauvaise de Taffasourt jusqu'à Djellal (lové dans
une boucle, Djellal et sa petite cascade donnent une fraîcheur et une
humidité très appréciée) et Tamamaït, puis
elle redevient bonne, enfin, de Khangat Sidi Naji jusqu'à Biskra, c'est
un velours, mais le soleil s'étant déjà couché,
nous avons roulé de nuit de " Sidi Okba " à Biskra où
nous y avons passé la nuit chez Salah Boumaaraf, un gai luron à
l'humour cynique et la lecture des papiers de son parti (le FAAD) y était
pour quelque chose !
Les Monts Nememchas sont
splendides, c'est une immense succession de bourrelets et un moutonnement de
crêtes, de pics, d'arêtes dentelées et le tout dénudé,
aride, où les couleurs jaunes, rouges, violettes dominent ; c'est un
paysage lunaire et même martien si l'on ose comparer !
Terchiouine
Lieu " inconnu ", perdu, ignoré de tous et par ceux-là
mêmes qui lui doivent tout. Car Terchiouine a énormément contribué
à la lutte de libération nationale bien plus que d'autres régions
plus peuplées, plus riches et plus escarpées. Et comme récompense,
c'est une " commune " abandonné et dépourvue de tout ,
même de l'essentiel ! Ah, l'ingratitude nos nationalistes et de nos "
dirigeants " aussi étrangers à leur pays que des Martiens sur
la Terre.
Terchiouine est une petite localité située entre Taxlent et Tinibaouine,
dans la daïra de N'Gaous. Le Hameau compte à peine plus d'une centaine
de maisons et une seule antenne TV râteau.
Les constructions, basses, sont en pierres, sans revêtements, aux toits
légèrement pentus recouverts de chaume et enduits de terre.
Même la mosquée
ne se guère distingue des autres constructions : pas de peinture, pas de
minaret, pas de haut-parleur, j'allais dire haut-hurleur
et l'imam, pour
joindre les deux bouts, fait taxieur-fraudeur !
L'intérieur, pour moitié recouvert de tapis avec le mihrab, simple
niche à hauteur d'homme, orienté vers l'est. L'autre moitié,
le sol en terre battue, comporte un pupitre, un tableau (seul élément
étrange en ce lieu) et des dizaines de planchettes avec des sourates de
coran, appartenant à autant d'élèves qui suivent les cours
de religion.
C'est l'une des communes
les plus pauvres de la région. L'eau se faisant rare (moins de précipitations,
moins d'enneigement), les sources se tarissent, et les gens abandonnent leurs
vergers qui meurent sur pied. Rien n'est plus terrible et désolant que
de voir des arbres mourir doucement et très vite blanchir tels des squelettes
au soleil.
Pourtant, malgré ce dénuement, nous fûmes chaleureusement
et généreusement accueillis et invités à passer la
nuit. Mieux encore, invités à revenir avec nos amis et notre famille
pour un plus long séjour, car, selon eux je n'aurais vu que le quart de
ce qu'il faudrait visiter. Quant à l'irhab (le terrorisme) " il n'existe
pas dans notre région, ou plutôt, " ils " nous fichent
la paix ".
Une vallée de
7 km qui serpente à travers un canyon magnifique. Pas de routes ni pistes
carrossables et donc pas de voitures, pas d'électricité, pas de
téléphone, pas de gaz, et pas d'eau courante ! C'est la nature telle
qu'elle fut " façonnée " depuis des siècles et
rien n'y a changé si ce n'est le manque d'eau.
Si cela peut paraître un paradis pour des touristes écolos, c'est
plutôt l'enfer pour ses habitants qui désertent de plus en plus cette
vallée aussi peu nourricière !
Mon ami et précieux guide pour cette excursion, Ahmed Boussaha, est un
amoureux inconditionnel de Terchiouine, de la nature, de la culture, de l'environnement
et un passionné de toponymie et de linguistique.
Grâce à
lui j'ai pu découvrir les greniers suspendus où l'on y accède
par des cordes. Mais aussi photographier des grottes recouvertes de gravures rupestres
Bien sûr elles ne valent pas celles du Tassili ou de Lascaux, mais néanmoins,
on y voit des mouflons aux cornes superbes, des hommes, des signes : traits, ronds,
points et le S et le Z amazigh en tifinagh.
Une autre grotte où le ruissellement et l'égouttement de l'eau ont
ciselés des bassins, drapés des franges, le tout dans une blancheur
écarlate.
Dans ce micro climat s'y maintient une faune et une flore uniques dans la région.
C'est le seul endroit, et nulle part ailleurs, où j'ai pu voir de la fougère
comme en Europe !
De temps à autre
on voit au loin des bergers avec leurs troupeaux courir sur les rochers comme
s'ils étaient sur un boulevard ! Les uns et les autres s'interpellent d'une
rive à l'autre et l'on s'entend très bien même à des
centaines de mètres grâce à l'écho et à l'encaissement
de la vallée.
En haut de la vallée, existe une falaise en forme de couronne appelée
Ouchen amellal. La légende raconte que cet Ouchen amellal, tint tête
à lui seul contre d'innombrables ennemis venus le déloger et lui
dérober son trésor. Profitant de la bataille, son épouse
s'enfuit avec son enfant et se réfugie à Ighzer n'welma. Plus tard
ce fils d'Ouchen amellal revient dans le région et s'y réinstalle
de nouveau.
Ce rocher est appelé également Amghar.