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Le sionisme contre Israël
Par : Djemaâ DJOGHLAL

Il ne s’agit pas pour nous de remettre en cause la création de l’Etat d’Israël, cela relève des compétences des organisations et du Droit international, notre rôle est uniquement destiné à informer les Aurèsiens qui n’accèdent pas aux sources se trouvant loin de la région.

De même l’injustice est à dénoncer où qu’elle se trouve et quelle qu’en soit la victime, nous n’avons pas pour principe de faire de « l’ennemi de mon ennemi mon ami » car cela est l’apanage des incultes. Surtout que ces deux populations sont plus proches entre elles qu’avec nous les Berbères malgré ce qu’avancent certains opportunistes. Elles sont les descendantes directes d’Abraham, les Arabes ont pour Ancêtre Ismaél le premier fils d’Abraham qu’il eut avec sa servante Agâr et les Hébreux descendent de son deuxième fils Isaac qu’accoucha Sarah l’épouse légitime.

La tradition chrétienne affirme que Jésus avait enseigné à ses apôtres la distinction entre les pratiques qui concernent la vie terrestre et la vie céleste par cette formule : « rendez à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César » Car, pour comprendre ce conflit, qui dure depuis 1948, il faut connaître sa genèse et ne pas s’arrêter à des simplifications de comptoir de bar ou à des discours de propagande. Il faut suivre le cheminement historique qui oppose hébreux et arabes en Palestine, et pour cela lire ou relire l’excellente étude faite par Nathan Weinstock[1]. Il remonte pour nous éclairer aux textes fondateurs du sionisme d’avant 1882, il explique les raisons et les responsables, y compris les féodaux du Moyen-Orient, de la création de l’Etat juif en Palestine. « Le sionisme contre Israël est une étude rigoureusement documentée de la colonisation sioniste en Palestine, située dans le contexte général de la condition des masses juives au XIXe et au XX siècle et de la pénétration impérialiste au Proche-Orient ».
Dès le XIXe siècle, l’Europe voulait se débarrasser d’une population qu’elle jugeait « encombrante » pour elle et dont l’affaire Dreyfus fut le révélateur. L’Europe se dédouane en permettant le financement et la création « d’un foyer juif » au Moyen-Orient dès le XIXe siècle. Après 1945 elle voulut consoler sa conscience en garantissant l’installation de ses milliers de persécutés qui avaient survécus aux massacres du nazisme. Mais à cette date, l’union sacrée entre les USA et le Wahhabisme allait lier le sort des ennemis complémentaires : l’islamisme et le sionisme.
Pour donner à lire toutes les démarches des uns et des autres et qui ont conduit au désastre d’aujourd’hui, nous reproduisons intégralement quelques pages du livre de Richard Labevière qui prouvent les dérives et ce jumelage[2] :
« Nous offrions un peu d’aide financière à certains groupes islamiques. Nous soutenions des mosquées et des écoles dans l’intention de développer une force de réaction contre les forces de gauche qui soutenaient l’OLP. Général Segev, gouverneur militaire de Gaza en 1973.
Comment les Etats-Unis peuvent-ils continuer à parrainer les islamistes radicaux qui veulent la destruction d’Israël, alors qu’en même temps la sécurité de l’Etat hébreu constitue, pour l’électorat américain, une question de politique intérieure ? Islamisme et sionisme sont-ils des ennemis complémentaires ? Pour l’opinion internationale, l’islamisme radical s’identifie à l’Iran, alibi des Etats-Unis, alibi du « grand Satan ». En effet, depuis l’arrivée au pouvoir l’arrivée au pouvoir des ayatollahs, c’est vers Téhéran et l’intégrisme chi’ite que se portent tous les soupçons. Pourtant, c’est d’ailleurs que vient la menace réelle, des alliées des Etats-Unis eux-mêmes…Bien avant les dernières explosions des ambassades américaines de Nairobi et Dar es-salem, plusieurs attentats islamistes prennent des intérêts américains pour cibles[3]. Le centre d’affaires de New York explose : deux autres attentats visent la présence militaire américaine en Arabie Saoudite. Autant d’impayés de la guerre froide, ces actes meurtriers ont tous été exécutés par les « Afghans » d’Oussama bin Laden, ex-agent saoudien formé par la CIA. Le « parrainage » américain de l’islamisme ne signifie pas qu’il faille voir la main de Washington derrière chaque organisation, association et faction islamiste, derrière chaque mouvement armé et groupuscule terroriste, derrière chaque explosion de poubelle restée inexpliquée. Certes, pas de « complot américain », pas d’internationale islamiste, mais une connivence explicable par une convergence « certaine » d’intérêts économiques et stratégiques. Enchevêtrement tellement imbriqué avec les circuits économiques de la « mondialisation » en cours, que commanditaires, exécutants, financiers, hommes de mains et « parrains » finissent par se confondre dans une espèce de procès sans sujet où les motivations théologico-politiques tombent souvent, elles aussi, dans une sorte de délinquance mafieuse transnationale. L’implication des Etats-Unis dans l’émergence, l’expansion et la radicalisation de l’islamisme demeure patente, malgré la fin de la guerre froide (Camp capitaliste contre camp socialiste). La responsabilité des Etats-Unis dans certaines opérations terroristes et autres activités criminogènes est établie et avérée. »On n’attrape pas la vérité comme un oiseau à la glu » aimait répéter Hegel à ses étudiants. La défense de l’Etat hébreu demeure prioritaire pour la politique extérieure américaine, à tel point que la majorité des observateurs la considèrent de plus en plus comme une question intérieure, planant non seulement sur les périodes électorales, mais finissant par influencer en permanence les choix politiques et économiques de la première puissance du monde. Comment, dès lors, les Etats-Unis peuvent-ils tolérer, sinon encourager, une idéologie dont l’un des impératifs catégoriques vise justement la destruction de l’Etat d’Israël ?
Le sionisme, mouvement politique et religieux qui est à l’origine de la création de l’Etat
d’Israël en 1947[4], fut reconnu par l’ensemble de la communauté internationale. Ce nationalisme s’est essentiellement constitué sur des bases religieuses qui font de l’Etat d’Israël une « théocrate problématique » pour reprendre la terminologie des « nouveaux historiens » israéliens. Yeshayahu Leibowitz : « l’Etat d’Israël n’est pas un être géographique ou historique, c’est un être politique. Son problème aujourd’hui est le suivant : doit-il constituer, sur une partie seulement de la erre d’Israël, le cadre de l’indépendance nationale du peuple juif ; ou bien devenir, sur « la totalité de la terre d’Israël », un Etat binational, lequel à la différence de la Belgique , reposerait sur la domination violente d’un peuple par un autre peuple[5] ? » En deçà et au-delà de la question palestinienne, comme pour l’islamisme- visant lui aussi l’Etat théocratique- ressurgit le problème du pouvoir, de la souveraineté et du territoire. C’est peut-être pour cette raison que sionisme et islamisme partagent la même aversion pour le nationalisme arabe et ses fondements laïcs.
Fiers des résultats de leurs soutiens financiers et logistiques à la confrérie des Frères musulmans[6] pour contrer Nasser, les services américains livrent, clés en main, la méthode à leurs homologues israéliens. Depuis son nouveau quartier général du nord de Tel-Aviv, c’est dans le plus grande secret que le Shin Beth (sécurité intérieure et contre-espionnage) élabore, au début des années 1970, un plan destiné à favoriser l’émergence d’organisations islamistes susceptibles de concurrencer, sinon d’affaiblir et diviser, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Pour contrer le développement de la résistance palestinienne à l’intérieur d’Israël et la montée en puissance du Front démocratique de libération de la Palestine (PDLP) de Nayef Hawatmeh et de l’organisation de Georges Habache (FPLP), le Shin Beth finance la branche palestinienne des Frères musulmans, qui déclarera les hostilités en priorité contre les groupes marxistes à l’intérieur de l’OLP.[7]
Pour les islamistes, la libération de la Palestine n’est pas une finalité, mais l’étape ponctuelle d’une « guerre sainte » régionale englobant l’Egypte, bien sûr mais aussi la Jordanie , le Liban et la Syrie. Dans un premier temps, il s’agit de combattre les dangers du laïcisme et toutes leurs incarnations surtout palestiniennes. Hormis l’aide israélienne, les Frères musulmans palestiniens profitent abondamment des largesses saoudiennes, considérablement gonflées par les brusques augmentations du prix du pétrole. Initialement clandestine, l’aide israélienne aux islamistes s’affiche lorsque l’Etat hébreu leur permet des activités qu’il refuse à l’OLP. « L’Etat hébreu a notamment permis à la principale institution des Frères de Gaza, le Centre islamique- al-Mujam’a al-islami-,de fonctionner dans la bande de Gaza à partir des années 1970 , lui donnant plus tard une reconnaissance officielle[8] » En ouvrant ainsi des dispensaires, des crèches, des clubs sportifs et des écoles[9] avec l’aval des autorités israéliennes, les islamistes vont considérablement resserrer leur maillage de la société civile palestinienne, non seulement à Gaza, mais aussi dans le nord de la Cisjordanie , ainsi qu’à Héron.
Le mouvement s’amplifie après la révolution islamique d’Iran en 1979 , en même temps que l’OLP accumule les revers au Liban, au début des années 1980 . Toujours accompagnée par le Shin Beth, la véritable émergence politique des islamistes palestiniens intervient deux mois avant le déclenchement de la « guerre des pierres », l’intifadah ? Fondée par un chef charismatique et infirme, Ahmed Yassine, la « Société islamique ( 1973 ), se transforme- à Gaza en février 1988 - en Mouvement de résistance islamique (MRI) plus communément appelé « Hamas » (enthousiasme). Dans sa charte, le Hamas précise que la revendication nationale n’est plus incompatible avec l’Islam et la pratique de la vraie foi…
Tactiquement convertis à la revendication nationale, les islamistes palestiniens se posent, désormais, en concurrents directs de l’OLP, malgré le prestige historique de son chef Yasser Arafat. Hamas prend l’initiative, lorsqu’il condamne l’acceptation par ‘OLP de la résolution 242 de l’ONU et la coexistence des deux Etats. En refusant également les accords de Madrid et d’Oslo, les islamistes entendent incarner, sans partage, ce qui reste de la légitimité dans la lutte du peuple palestinien. Ce faisant, il n’est pas absurde de considérer qu’ils servent directement les intérêts de la droite israélienne refusant jusqu’à aujourd’hui, elle aussi, des accords de paix qui donnent trop de place à l’OLP de Yasser Arafat.
« Ennemis complémentaires », islamistes et sionistes travaillent ainsi aux mêmes fins. Grace aux surenchères de Hamas, le Likoud peut d’autant mieux continuer sa politique d’implantation massive des colons qui arrivent d’ex-Union soviétique, et parfaire le bouclage et la judaïsation de Jérusalem-Est ; deux moyens de poursuivre le rêve du « Grand Israël » que la « paix d’Oslo » renvoyait définitive aux querelles d’historiens.
Nouvelle ruse de la raison, concours de circonstances ou fâcheuses coïncidence ? Cette politique ambiguë e ne tombe pas du ciel. Elle s’inscrit, au contraire, dans la continuité de la stratégie israélienne telle qu’elle était déjà formalisée par le gouvernement Sharon et Eitan, dans les années 1980 . Datée de février 1982 , une note d’Oded Yinon, ancien haut fonctionnaire du ministère israélien des Affaires étrangères, détaille le projet géostratégique de cette politique, à savoir la fragmentation de l’ensemble proche-oriental en des entités les plus petites possibles, autrement dit le démantèlement des Etats arabes, voisins d’Israël.
En guise de préambule, Oded Yinon écrit : « le monde arabe islamique n’est qu’un château de carte construit par des puissances étrangères-la France et la Grande-Bretagne dans els années 1930 - au mépris des aspirations des autochtones. Cette région a été arbitrairement divisée en 19 Etats, tous composés de groupes ethniques différents, de minorité, hostiles les uns aux autres, si bien que chacun des Etats arabes islamiques d’aujourd’hui se trouve menacé de l’intérieur en raison de dissensions ethniques et sociales, et que dans certains d’entre eux, la guerre civile est déjà à l’oeuvre[10]
S’appuyant principalement sur une bibliographie américaine et sur des citations de responsables politiques israéliens, la note passe en revue ces 19 Etats arabes en répertoriant les principaux facteurs centrifuges, annonciateurs de troubles et de désintégration possible : « telle est la triste situation de fait, la situation troublée des pays qui entourent Israël ». La recommandation d’Oded Yinon est parfaitement claire : « c’est une situation lourde de menaces, de dangers, mais aussi riche de possibilités, pour la première fois depuis 1967 . Les chances qui n’ont pas été saisies alors peuvent se présenter de nouveau, plus accessibles, dans les années 1980 , dans des circonstances et avec une ampleur que nous ne pouvons pas même imaginer aujourd’hui »
L’analyse politique mérite, elle aussi, toute notre attention : « La politique de paix, la restitution des territoires, sous la pression des Etats- Unis, excluent cette chance nouvelle qui s’offre à nous. Depuis 1967 , les gouvernements successif d’Israël ont subordonné nos objectifs nationaux à d’étroites urgences politiques, à une politique intérieure stérilisante qui nous lait les mains aussi bien chez nous qu’à l’étranger ». Après une ultime recommandation qui invite Israël à agir directement ou indirectement pour reprendre le Sinaï en tant que réserve stratégique, économique et énergétique », Oded Yinon conclut « la décomposition du Liban en cinq provinces préfigure le sort qui attend le monde arabe tout entier, y compris l’Egypte, la Syrie , l’Irak et toute la péninsule arabe, au Liban, c’est déjà un fait accompli. La désintégration de la Syrie et de l’Irak en provinces ethniquement ou religieusement homogènes, comme au Liban, est l’objectif prioritaire d’Israël, à long terme, sur son front Est, à court terme, l’objectif est la dissolution militaire de ces Etats. La Syrie va se diviser en plusieurs Etats, suivant les communautés ethniques, de telle sorte que la côte deviendra un Etat alaouite chiite, la région d’Ale, un E tat sunnite ; à Damas, un autre Etat sunnite hostile à son voisin du Nord ; les Druzes constitueront leur propre Etat, qui s’étendra sur notre Golan peut-être, et en tout cas dans le Haourân, et en Jordanie du Nord. Cet E tat garantira la paix et la sécurité dans la région, à long terme : c’est un objectif qui est dès à présent à notre portée »
Selon cette note, l’ »objectif prioritaire d’Israël à long terme » consiste donc à favoriser tous les facteurs de désintégration des Etats arabes ; démantèlement devant déboucher sur la création de « provinces ethniquement ou religieusement homogènes[11] » Dix ans avant l’embrasement des Balkans, dix ans avant les massacres, les charniers et autres « terribles cortèges » de Bosnie, cet encouragement prémonitoire à la purification ethnique et religieuse fait littéralement froid dans le dos.[12]
Il anticipe également l’aide bienveillante qu’Américains et Israéliens apporteront aux « brigades islamistes » engagés en ex-Yougoslavie, après avoir sciemment sabordé les différents plans de paix, successivement proposés par l’Union européenne et l’ONU. Ce recours à l’idéologie islamiste comme facteur de désintégration des Etats est un héritage, en droite ligne, de la politique du divide et impera de l’ex-Empire britannique[13] Au-delà de la filiation historique, son actualité récurrente résout, en grande partie, l’équation « islamisme et sionisme = ennemis complémentaires »
Un dernier élément de cette contradiction concerne l’Iran et les relations étranges que l’Etat hébreu entretient avec ce « partenaire », considéré par le ministère israélien des Affaires étrangères, justement, comme « un puissant facteur de division du monde arabo-musulman » : c’est également dans les années 1970 qu’Israël, allié traditionnel du chah, aligne ses relations avec l’Iran sur celles de l’administration Carter, qui favorisera significativement l’avènement de la révolution islamique.
Durant la première guerre du Golfe, les Israéliens ont effectué de nombreuses livraisons d’armes à destination de Téhéran aux prises avec l’Irak baasiste et laïc de Saddam Hussein. Cette politique tombera dans le domaine public avec les révélations du scandale de l’Irangate, ventes illégales d’armes à l’Iran, conjointement assurées par Tel-Aviv et Washington. Au même titre que l’installation des fusées soviétiques à Cuba constitue une événement majeur de la guerre froide, l’affaire de l’Irangate illustre, elle aussi, une péripétie essentielle de la confrontation Est-Ouest . Cette affaire qui date de 1984 , n’est pas unique en son genre. Plusieurs entreprises israéliennes d’armement ont vendu régulièrement du matériel militaire à l’Iran au cours des années 1990 .
Dernièrement, un homme d’affaires israélien, Nahum Manbar, a été accusé de « collusion avec l’ennemi » par un tribunal de Tel-Aviv, pour avoir vendu à l’Iran des composants destinés à la production d’armes chimiques ? En juillet 1998 , ce procès est devenu une nouvelle affaire d’Etat pour le gouvernement Netanyahu. En effet, le financier, qui a toujours clamé son innocence, a pu établir qu’il avait noué ces relations commerciales avec l’Iran grâce « à l’assentiment et au soutien » des services secrets israéliens. Bien sûr, ces différents exemples ne traduisent pas l’affirmation d’une alliance de type stratégique avec l’Iran, mais sont caractéristiques de l’approche ambivalente de l’Etat hébreu. Celui-ci n’arrête pas d’alerter l’Occident sur les dangers du programme iranien d’armes de destruction massive, tout en jouant, chaque fois qu’il le peut, la vieille Perse contre le reste du monde arabe »
Depuis la révélation de ces informations très précises et vérifiées, Richard vit un enfer professionnel et personnel…La démocratie et les Droits Humains sont à géométrie variable.

Ayant constaté les interrogations populaires face aux échecs de la politique mené par le lobby pro-israélien et qui risque, à long terme de se retourner contre Israël, deux chercheurs juifs américains[14] tentent d’expliquer comment et pourquoi les Etats-Unis, quel que soit le parti que règne en Israël, s’allient aveuglément avec ses dirigeants. Si la communauté juive américaine a su intégrer tous les rouages de pouvoir de la première puissance militaire et impérialiste mondiale, cette communauté bénéficie aussi des aides pécuniaires substantielles des sectes américaines chrétiennes sionistes américaines. Finances importantes qui permettent à Israël de réaliser ses projets économiques et d’entretenir son programme militaro-industriel qui ne consiste pas uniquement à se défendre. Pour ces sectes américaines lorsque le « grand Israël » sera réalisé et que tous les juifs seront réunis sur cette terre « le Christ reviendra, la bataille du Bien contre le Mal se déroulera dans les plaines d’Armageddon et les morts renaîtront pour la vie éternelle sur terre ». Ces illuminés s’inspirent du texte appelé l’Apocalypse de Saint-Jean, texte dont ils font une lecture politico-religieuse tels les mercenaires américano-wahhabites dans le monde musulman depuis 1945 .

Ces sources seraient insuffisantes pour expliquer pourquoi les Hébreux furent l’unique communauté, au monde et de tous temps, qui a su conserver fidèlement son message religieux des origines. La chercheuse Esther Benbassa [15], juive de Turquie, analyse ce processus historique qui, depuis les fondations bibliques, à travers la souffrance entretenue par les rabbins, ses représentations et sa ritualisation ont façonné au fil des siècles « l’idée que ce peuple et cette religion se faisaient de leur histoire ». Cette instrumentalisation fut la cause des nombreux ghettos, pogroms et massacres traversés par cette communauté, elle lui permit aussi d’aboutir à la création d’un Etat théocratique juif, depuis 1947 . Depuis cette date on peut voir comment cet Etat théocratique renforce les Etats et les mouvements théocratiques islamistes de l’Afghanistan au Maroc, dont les conséquences désastreuses sur les êtres et les nations ne sont pas éteints bien au contraire l’écrasement de Gaza leur donne encore plus de justifications.

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[1] Nathan Weinstock, Le sionisme contre Israël, cahiers libres 146147148 , François Maspero, 1969
[2] Richard Labevière, les dollars de la terreur, les Etats-Unis et les islamistes, Grasset, 1999
[3] Lorsque le fils s’est retourné contre son père en septembre 2001 , il a confirmé ce qu’écrivait l’auteur en 1999 .
[4] Certaines sources indiquent que la création du Pakistan islamiste, à la même période, fut la contrepartie obtenue par les wahhabites afin de gêner les soviétiques et contrer l’avancée des idées socialistes dans le monde musulman
[5] Am, Eretz, Medina , Shorashim et Keter Publishing House, Jerusalem , 1992
[6] Qui est représentée en Europe par Tariq Ramadan, le petit-fils de Hassan el Banna et qui gère l’UOIF en France
[7] Certains jeunes progressistes Aurèsiens, à l’époque étaient partis, depuis la France , pour soutenir les Palestiniens ils confirment cet écrit.
[8] Wendy Kristianasen, Les contradictions de Hamas, Confluences/Méditerranée, n° 20 hiver 1996 - 97
[9] Des étudiants palestiniens progressistes (apatrides sur leurs passeports) vivant à Besançon nous avaient montré les statistiques de l’UNESCO où l’on pouvait lire que 98 % des Palestiniens à l’époque étaient scolarisés. Depuis l’emprise du Hamas et le blocus israélien, ils ne sont plus que 65 % dont de plus en plus de jeunes femmes quittent l’institution scolaire très jeunes.
[10] Kivunium, n° 14 , février 1982 . Revue publiée par le Département de la propagande, organisation sioniste mondiale, Jérusalem ? Cet article a été envoyé à la revue d’Etudes palestiniennes par Israël Shahak et publié dans le n° 5 , automne 1982 (Il est intéressant de constater comment ce qui est décrit pour la Palestine concerne aussi l’Algérie :
-à traves l’islamisation par les Frères musulmans importés par Boumediene renforcés ensuite par les sbires américano-wahhabites sous Chadli. Depuis le retour de leur cousin Bouteflika nous assistons leur renaissance en complément de l’installation des chiites grâce à Belkhadem ;
- A la progression de la christianisation par les sectes américaines dans certaines régions du pays ;
- A la propagande et à la propagation des termes de « guerre civile, du qui tue qui …» que mènent les militants et amis de l’internationale socialiste sioniste.
[11] N’est-ce pas la vision de certains « séparatistes » qu’ils soient religieux ou ethniques en Algérie ??
[12] C’est ce qui c’est passé pour l’Irak, reste à savoir quelle est la prochaine victime, vu l’entourage d’Obama qui n’a rien à renier des précédents théocrates américains.
[13] Alexandre Del Valle, Islamisme et Etat-Unis- une alliance contre l’Europe, l’Age d’homme, 1997
[14] John J Meersheimer et Stephen M Walt, le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine, La<Découverte, 2007
[15] Esther Benbassa, La souffrance comme identité, Fayard, 2007

 

 



L’écho féministe dans l’œuvre de Kateb Yacine,
(né à Constantine en 1929, mort à Grenoble le 30/10/1989)

Par : Djemaa DJOGHLAL

L’œuvre de Kateb a subi et subit encore de nombreuses interprétations qui relèvent du domaine de la subjectivité même si les chercheurs sont censés travailler dans l’objectivité. Aussi pour ce sujet le point le plus marquant retenu est l’écho féministe que l’on trouve dans l’œuvre de cet auteur, dès son plus jeune âge. Né dans uns société coloniale et patriarcale il sut saisir le degré des dominations vécues par les “ mauresques ”, il devint algérien par naissance et universaliste par ses combats. Si son pays et son siècle vivaient couverts de sexisme qu’il fut seul à dénoncer, ailleurs et en d’autres temps il y eut d’autres producteurs qui élevèrent la voix contre le sort réservé aux femmes en Occident, par exemple chez les utopistes Francs-comtois tel Fourier qui voulut donner aux filles la même éducation qu’aux garçons et ne pas exclure les femmes d’aucune fonction, alors que Proudhon est décrit anti-féministe.
Les quelques termes utilisés tels que féminisme, sexisme et patriarcat serviront uniquement de repères pour déambuler dans les écrits de Kateb, je vous dispenserais d’un exposé jargonneux sur le féminisme, le “ que sais-je ” d’Andrée Michel, édité aux PUF, éclairera celles et ceux qui sont intéressés par ce sujet.

Kateb (nom de famille) Yacine (prénom)
Kateb est issu de ceux qui étaient nommés avec mépris “ indigènes, musulmans, arabe, kabyles, mozabite, mauresques, fatma ” et autres qualificatifs qui ont transformé cette population en ce qu’a appelé Frantz Fanon “ la chose colonisée ”. Ce peuple algérien, dont le destin était décidé ailleurs et par d’autres, vivait dans un monde d’enclos que Kateb et son ami le peintre Issiakhem vont tenter de briser, l’un par l’écrit, l’autre par la peinture.
Si “ le colonialisme accule le colonisé à se poser constamment la question du “ qui suis-je en réalité (1)” . Kateb était le fils d’un oukil (délégué ou avocat en arabe) c’est à dire un fonctionnaire qui relevait des “ Affaires Indigènes ” (ou Bureaux Arabes), un relais du pouvoir colonial et au lieu d’intégrer ce corps et de s’embourgeoiser, Kateb devint un écrivain “ engagé/enragé ”. Ses engagements lui valurent bien des difficultés qui l’empêchèrent de produire sereinement, difficultés qu’il relate dans sa préface à l’Essai de Taïeb Slouai “(2) Chaque fois que je trouvais du temps pour écrire, j’étais interrompu pour une raison ou une autre, obligé de plier bagages, et de ravaler mon inspiration. Ces avortements en série ont eu des suites fâcheuses. Si certains sont des intellectuels comme ils seraient commerçants, Kateb avait compris que l’insolence et la dignité sont le seul véritable luxe des opprimés, pour eux il prit la plume et leur donna voix. Il ne devint jamais le scribe du prince, qui a vu son dépouillement mesure l’authenticité de ses engagements et de sa valeur.
Dans le système d’organisation social colonial il voyait les injustices et les subordinations qui frappaient en premier les femmes, et les femmes Kateb les aimaient, il aimait la mère, l’amante, la sœur, la combattante, la paysanne, la poétesse, toutes les femmes il clamait “ on enferme la femme parce qu’elle est belle ” et il ne parlait pas uniquement d’une beauté physique c’était l’ensemble de la personnalité féminine qui le charmait. Il se battait pour leur dignité, leur liberté et leur égalité avec l’homme. Il avait compris que si l’émancipation des femmes ne peut venir que de leurs combats, ces combats ne peuvent aboutir que si la société les permet.
Dans le Polygone étoilé publié en 1966, parlant des hordes islamistes qui s’attaquaient, déjà, aux femmes “ occidentalisées ” (selon eux) et aux hommes qui ne jeûnaient pas, il écrit “ mais on n’avait jamais entendu parler, sinon dans les Etats très traditionalistes d’Orient, comme le Yémen et l’Afghanistan, de pareilles “ fournées ” de “ délinquants religieux. Il dénonçait l’aspect conservateur et féodal du système de gouvernance religieux, la puissance implacable, dévastatrice, réductrice et assassine des frères musulmans qu’il nommait “ les frères monuments ”. Il dénonçait leur système de soumission de la femme que ne pouvait admettre sa passion de l’indépendance collective et individuelle. Dans sa pièce “ Mohamed prends ta valise ”, tournée en France de février à juin 1973, on voyait une scène montrant un marabout exploitant les petits fellahs et leurs femmes, dans une autre scène un sergent recrutait des prostituées, ces tableaux rappelaient la période coloniale où les marabouts avaient les faveurs de l’Administration coloniale et pour des générations de “ mauresques ” les bordels militaires dans le bled furent les harems coloniaux.
Si dans cette société colonisée et patriarcale “ l’indigène ” paraissait inexistante, elle était pourtant bien présente et comme le dit son ami Issiakhem en parlant de la Femme sauvage de Kateb “ la femme sauvage est-elle figurative ou abstraite ? Elle n’a pas d’yeux, pas de bras. Elle ne possède aucun sens. Elle est pourtant présente…terrible… ”

Et cette femme si présente, pour Kateb ce fut sa mère Yasmina.
Germaine Tillion dans son “ Harem et les Cousins ” a expliqué le statut social privilégié des mères de garçon dans les sociétés méditerranéennes, statut renforcé et toujours en vigueur dans les sociétés musulmanes. Certes, toutes les femmes sont opprimées dans le système patriarcal mais elles ne le sont pas toutes dans la même mesure. Les conséquences culturelles et sociales désastreuses de ce statut, Kateb les avait relevées et analysées, c’est pourquoi il refusait la ségrégation des sexes et l’instrumentalisation de la femme, en avril 1958, à Tunis, il avait publié un texte dans la revue “ l’Action ” où il précisait “ la révolution n’est pas seulement politique, sociale, idéologique. Elle se fait dans toute l’existence ”
Il reconnaissait ce qu’il devait indirectement à sa mère, ce n’était pas seulement sa génitrice, elle l’avait bercé avec des chants, des maximes et des poèmes du terroir car dans cette société d’analphabétisme la production poétique, conçue et transmise par les femmes restait dans la sphère privée, la seule qui pouvait s’exprimer publiquement était la douleur des mères. Les métaphores et les récits mythifiés des Ancêtres ont crée une écriture très symbolique chez Kateb.
Il vit sa mère perdre la raison lorsqu’il fut emprisonné lors de la manifestation du 8 mai 1945 à Sétif, il n’était âgé que de 15 ans. Ses rapports, à partir de cet instant, ne furent pas seulement des rapports de filiation ou de transmission ancestrale il y eut la prise de conscience d’une victimisation féminine du fait de la domination d’un système injuste. Lors de l’enterrement de sa mère il a chanté “ l’Internationale ” pour prouver qu’il n’enterrait pas un objet mais un sujet de plein droit. En 1971 il déclarait dans le Monde “ les écrivains doivent avoir le courage d’exercer leur critique sur la société actuelle ”, société qui s’était libérée du joug colonial mais qui s’enfonçait, déjà, vers des ténèbres d’un autre âge.

Une autre femme a, aussi, joué un grand rôle dans la vie privée et dans le parcours intellectuel de Kateb c’est Nedjma, l’étoile inaccessible.
En 1984, en Algérie lors du 30ème anniversaire du 1er Novembre 1954, au cours d’une émission de radio en français, il avait dit à propos de Nedjma “ pendant des années j’ai proposé ce livre à des éditeurs qui l’ont refusé et ce n’est qu’après les premiers coups de feu dans les Aurès que Nedjma et d’autres œuvres d’écrivains algériens sont devenus à l’ordre du jour et on leur a reconnu une certaine valeur.
Ce roman/testament fut édité en 1956 et, à ma connaissance, aucune œuvre ne connut autant d’interprétations diverses, pour ma part j’en ai retenu deux. La première revient à Kateb qui a écrit : “ Nedjma c’est Constantine (Cirta) et Bône (Hippone), les deux cités qui dominaient l’ancienne Numidie, aujourd’hui réduite en département français.. ” donc Nedjma représente pour lui la métaphore de l’Algérie colonisée.
La seconde, que l’on peut imaginer aujourd’hui, c’est Kateb sculptant sa Marianne avec les traits de Nedjma, car Nedjma n’est pas voilée, les jeunes femmes de l’Est algérien ont porté le voile noir à la chute de Constantine devant les troupes françaises en 1837. Elles l’ont repris “ grâce aux cadeaux ” des coopérants “ frères monuments ” de Syrie ou d’Egypte qui sévissaient dans les campus algériens dès les années 70/80. D’ailleurs en 1988, Kateb avait remarqué les changements des algériennes et leurs fatigues de plus en plus prononcées qui s’exprimaient même chez les artistes et parlant de la peinture de Baya il écrivit “ mélancoliques les grandes gouaches de Baya, arabesques dorées fortement colorées, lieux clos et sereins, résignation du monde féminin ”.
Résignation dont les facteurs remontaient pour certaines régions, certaines tribus et certaines familles à la période coloniale turque, à cette résignation s’ajoutera la “ clochardisation ” de la société indigène due à la colonisation française de 1830 à 1962. Clochardisation d’une société où les femmes subirent l’analphabétisme, les veuvages, les séparations, les déplacements et les traumatismes en tous genres.

Pourtant ces analphabètes avaient une histoire riche y compris une histoire combattante.
Cette histoire qui remontait très loin dans la mémoire collective, Kateb la rappelle dans ce dialogue, tiré de sa pièce “ la guerre de 2000 ans ”, dialogue imaginé entre Okba l’envahisseur arabe et la princesse des Aurès la Kahina ou plus exactement DYHIA :
Okba : “ nous sommes venus sauver vos âmes et vous apporter les lumières de la Science ”,
Dyhia “ que ne le disiez-vous avec des livres au lieu des sabres, du feu et du sang.
L’oppresseur commence toujours par taire la parole de sa victime, il s’agit pour Okba et ses héritiers d’enseigner la science religieuse qui maintient les femmes dans la soumission, or, le savoir que demande DIHYA, est le savoir qui libère la femme du conditionnement qui l’a façonnée, celui qui lui permet l’acquisition de codes culturels de son siècle, savoir que rejoint celui de Kateb qui se lamentait :
“ Mon père jouait à la belote (3)
Et cracha son mégot
Quand mon cercueil passa.
Seule ma mère
Démolissait une poitrine
Qui avait sa fierté…
Et puis ma petite sœur
N’avait plus personne
Pour lui montrer ses devoirs ”
Les devoirs de sa petite sœur devaient la mener à penser par elle-même, sans limites, ni tuteur, en sortant de sa propre minorité. Kateb croyait en une loi universelle et permanente, placée au-dessus de toute règle : l’humain est né pour vivre libre. “ On réduit l’être à un objet, et on le hisse hors de soi, vers une mystérieuse possession qui pourrait bien n’être qu’un songe ” écrivait-il en mai 1957 dans son texte les Fondateurs publié dans la revue les Temps Modernes.
En 1984, année de l’institutionnalisation du Code de la famille algérien, Kateb disait en France “ nous allons vers de grandes difficultés ”.
Dans la femme sauvage, un texte de la tragédie intitulé “ la guerre de 130 ans ” on voit Keblout, l’Ancêtre sautait en même temps que Keltoum, sa femme, dans un puits pour échapper à l’armée turque venue le capturer pour insoumission et non-paiement d’impôt. Ils devront la vie sauve à un magnifique tapis placé auparavant dans le puits par Keltoum…Dans une autre séquence de la Femme Sauvage, qui est en fait Nedjma, on la voit entourée de jeunes filles qui l’invitent à les conduire au combat. A travers ces scènes Kateb rend hommage aux multiples participations féminines lors des divers combats de libération du pays, il les place sujets de l’Histoire où habituellement ce sont les hommes qui sont les héros. On peut aussi dire que même dans l’acte le plus courant de la vie, je veux parler de l’acte d’amour qu’il soit sous l’égide du devoir conjugal ou du plaisir où la femme tient toujours un rôle de soumission, Kateb le décrit dans le partage des rôles, ne dit-il pas “ Femme obscure et dont l’œil égale la rancune, Prends-moi, voici l’instant des mêlées furieuses ”.
Rebelle à toute entrave, l’anticonformiste Kateb par la singularité de sa pensée et l’universalité de ses combats nous permet de sortir de l’immense aliénation que nous subissons depuis des millénaires.
A travers cet hommage j’espère ne pas avoir trahi sa mémoire.


(1) Les damnés de la terre, Frantz Fanon, maspéro 1975
(2) Essai sur la Femme sauvage de Kateb Yacine, Arcantère, 1985
(3) “ Regrets d’une âme morte ” poème tiré du recueil intitulé Soliloques publié en 1946 avant et après la manifestation du 8 mai 1945 (Kateb âgé de 15 ans)

Débat autour du livre de Said SAADI sur le colonel Amirouche


Compléments d'informations à travers une version aurésienne

Dans cette bataille d’hommes permettez l’intrusion d’une femme car n’oubliez pas que la transmission du malheur autant que du bonheur s’opère par les femmes.

Premièrement, je ne sers aucune chapelle, ni mosquée, aucun groupe d’intérêts et n’obéis à aucun conseiller ou rédacteur, seul le militantisme de terrain me commande, aucune autre motivation ne m’anime. Deuxièmement, je ne me permettrai pas de porter des jugements sur qui que ce soit car mes compétences historiques sont le fruit d’une mémoire forgée pendant la Révolution et d’une bibliothèque composée de différentes sources qui me permettent de savoir que l’objectivité n’existe pas puisque les documents d’archives et les ouvrages d’histoire sont eux-mêmes rédigés selon la subjectivité de leur auteur ou de son commanditaire. Deux exemples tirés du livre de l’historien Gilbert Meynier, pourtant réputé neutre, nous interpellent par leurs affirmations erronées : en page 197 l’auteur écrit « dans l’été 1957, le chef nemouchi Abbas Laghrour tenta d’éliminer en même temps ses rivaux et vraisemblablement aussi Mahsas lui-même… » dans les réponses adressées au général-major Benmalem ... lire la suite (format PDF)

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Du « BTS au tribalisme » ou comment dénigrer une région à travers un hommage,
(El Watan du 29 et 30 mars 2004)

Par : Guentas Elaâtra

Sans entrer dans une guerre des mémoires, nous avons cherché à savoir qui est l’auteur de l’hommage rendu au colonel Amirouche (El Watan 29 et 30 mars 2004), 42 ans après l’Indépendance algérienne. Hommage personnel rendu au détriment d’une région et de sa population dont la transmission intergénérationnelle s’est toujours faite à partir de récits de tués, de séquestres, de famines, de déportations (Corse et Cayenne), de dépossessions et d’agressions culturelles. Nulle part nous n’avons trouvé cité, pour faits de guerre, le nom du général-major en retraite Benmaâlem. Après enquêtes auprès de combattants, de militants aurésiens durant la Révolution et d’historiens de différents bords, leurs réponses furent identiques à cette source . Celle-ci nous renseigne sur son parcours et nous indique que le général-major, qui se présente : « secrétaire du colonel Amirouche pendant la Révolution », est parti en retraite en 1991 avec un grade de général-major, les combattants aurésiens sont tombés au champ d’honneur sans grade.

Le général-major nous assure « avoir vécu et vu personnellement le tribalisme des aurésiens », lors de la mission confiée au colonel Amirouche dans les Aurès, après le congrès de la Soummam. Il n’est pas question pour nous de douter des affirmations du général-major mais les insinuations et les contres vérités contenues dans son hommage ne peuvent nous laisser, comme d’habitude, indifférents.

Certes « la propension à des glorifications disproportionnées et l’inclination à des condamnations improvisées portent préjudice à sa crédibilité… » (Capitaine Abderrezak Bouhara). Nous savons aussi que nul ne détient une vérité absolue, surtout s’agissant de la Guerre d’Indépendance algérienne et que « le genre qui convient le mieux à la falsification de l’histoire est l’examen d’un problème en pièces détachées ». Il nous semble, aussi, que la mémoire personnelle, chargée de subjectivité, ne peut prétendre refléter l’histoire nationale d’un peuple.

Combien furent-ils et sont-ils les ennemis des Aurésiens , qui s’évertuent, de différentes manières, à vouloir effacer de la mémoire collective que « les Aurès avaient été longtemps le symbole de notre marche vers l’indépendance. Il est indéniable qu’en attirant une partie des troupes françaises sur leur terrain, en raison de l’âpreté de leur lutte les Chaouias ont permis à d’autres wilayas de parachever leur préparation pour rentrer de plein pied, avec une plus grande efficacité, dans le conflit libérateur. »

Que de mensonges et de mythes ont été déversés sur une population dont les plaies ne sont pas encore cicatrisées et certaines ne le seront jamais. Population qui n’écrit pas pour se mettre en avant ou pour se placer sur un quelconque piédestal. Piédestal, dont elle n’a pas besoin, puisque, pour elle ne prime que le devoir accompli : vivre libre !!
Il nous paraît inconvenant voire insultant de prétendre « témoigner pour l’histoire » devant les Aurésiens dont les mémoires sont encore vives, vivaces et vivantes, malgré leurs silences !

Le général-major veut ignorer TOUS les facteurs qui ont motivé les révolutionnaires aurésiens et qui ont décuplé leurs sacrifices pour se libérer en libérant leur pays.
Il est aberrant de constater, que ce soit du coté des pouvoirs successifs ou à travers certains individus, comment la maturité politique s’absente lorsqu’il s’agit de parler de cette région et du déroulement de la guerre dans sa réalité ou du moins de ce que l’on peut en révéler aujourd’hui, sans craintes de règlements de compte personnels ou régionaux, car les raisons des voiles et des brouillards, instaurés à titre individuel ou collectif, se situent là !
Raisonner comme le général-major c’est verser dans la controverse voire la polémique stérile, il est plus plausible pour tenter de comprendre ces événements et leurs acteurs de revenir au développement du conflit, à travers un rappel de quelques faits décrits dans des sources qui ne peuvent être démenties dans leur contenu.

Le général-major arrive à oublier l’essentiel des raisons des méfiances aurésiennes quelles soient vis-à-vis des combattants de l’intérieur ou de l’extérieur. Méfiances dues aux multiples difficultés imposées par la nature du conflit des « va nu-pieds » contre la quatrième puissance militaire de l’époque qui voulait se venger de sa défaite pétainiste de 1940 et de sa défaite indochinoise. Puissance qui bénéficia de l’aide matérielle de ses partenaires de l’Alliance atlantique. Dès 1955-56, les USA lui livrèrent des B26 et des chasseurs bombardiers Corsair.

Le général-major ignore ou minimise la présence américaine dans le conflit, présence qui se manifesta aussi dans le renseignement, bien avant le déclenchement de la Révolution comme le rappelle ce chercheur américain : « en septembre 1952, un rapport de la CIA prévoyait un développement de l’agitation nationaliste et notait que l’importance de la population d’origine européenne ferait du problème algérien, un problème infiniment plus difficile à résoudre que celui de la Tunisie ou du Maroc.. ».

Cette aide dans le renseignement ne fut pas seulement celle des pays de l’Alliance atlantique, il y eut d’autres services et même certaines personnes. Nous citerons deux exemples connus par tous ceux qui s’intéressent de près à cette guerre :

- Depuis sa création le MOSSAD agissait en Algérie ainsi que le révèle cet acteur de premier plan : « les relations entre le SDECE et le MOSSAD sont d’ailleurs excellentes, les nuages ne viendront qu’avec le général de Gaulle et la « piscine » ne s’oppose pas à des relations directes et discrètes entre le deuxième Bureau d’Alger et celui de Tel-Aviv pour tout ce qui touche à la guerre d’Algérie. La liaison s’effectue par l’intermédiaire d’un pharmacien de la rue Michelet dont un frère, émigré en Israël depuis 1947, appartient précisément au MOSSAD. Elles subsistera jusqu’en 1961 et fournira, dans certains domaines des informations souvent plus précises que celles du SDECE et toujours plus fraîches ».

-ce partenariat se poursuivit jusqu’au Moyen-Orient «… Enfin, les liens noués jadis entre les communautés minoritaires, juives, coptes ou italiennes subsistent. Le MOSSAD en bénéficie… ».

- N’est-ce pas Nicolas Cocavessis, Grec parlant parfaitement l’allemand, l’italien, l’anglais et le français, agent des services de renseignement français, qui se fit engager comme radio, sur l’Athos et qui fit échouer l’opération du transport d’armes pour les maquis algériens ?

« Certes, la France aurait connu un jour ou l’autre d’importants problèmes, car, dans le contexte international, le pays se trouvait inéluctablement engagé sur le voie de l’émancipation et, donc, de l’indépendance. Mais l’absence au 1er Novembre 1954 d’un foyer insurrectionnel armé dans l’Aurès aurait très certainement changé le caractère de la révolte : rappelons-nous les hésitations des Kabyles eux-mêmes surtout après l’échec de leurs tentatives pour s’emparer d’armes dans la Mitidja ». Est-ce une version aurésienne de dénigrements sur une autre région combattante, tel l’article du général-major ? Non, nous retranscrivons, sans transformation, une source du camp adverse.


Le tribalisme supposé des Aurésiens :

La lecture ethniciste du général-major résume des difficultés liées, à la fois à la forme du conflit, une guerre révolutionnaire, et aux moyens matériels et humains disproportionnés des adversaires en présence au seul fait « tribaliste ». Transformer des faits de guerre en comportements tribaux pour quels buts ? Préférer asséner « ses » vérités plutôt que de rechercher les tenants et les aboutissants de comportements qu’il qualifie froidement « de tribalistes » pourquoi ? Le général-major oublie qu’un événement produit plusieurs versions et comportements surtout en période de guerre révolutionnaire. Tomber dans la simplification en traitant d’une période complexe et compliquée, l’auteur ne risque-t-il pas de ternir sa propre image et de dévaloriser l’hommage à un héros ?

Le général-major, tel le lieutenant-colonel Caillet , tels les relais du pouvoir colonial habituels, les membres des SAS et les harkis qui se battaient pour conserver « l’Algérie française », semble pencher pour des tares génétiques tribalistes des Aurésiens. Visions qui firent créer, à l’ethnologue Jean Servier, la première harka, la première SAS au général Paillard, dès le 2/11/1954, dans la ville de Ben Boulaïd (Arris). L’issue du conflit donne la mesure de ces visions ethnicistes qui perdurent chez le général-major. En suivant son raisonnement nous pouvons nous demander pourquoi le Président Zeroual ne s’est-il pas entouré de sa cour régionaliste et spirituelle tel Bouteflika depuis 1999 ? Pourquoi, depuis 1962, n’existent-ils pas de partis régionalistes ou mouvements tribalistes dans les Aurès ?
Si les pairs d’Omar Ben Boulaïd, adepte du pouvoir personnel, n’ont pas accepté sa domination c’est qu’ils savaient qu’il n’avait pas l’étoffe d’un « meneur d’hommes » tels son frère, Adjoul, Abbas et d’autres combattants aurésiens. Est-ce une vision politique ou « tribaliste » sachant qu’Omar voulait tenir sa légitimité du seul fait d’être le frère de Moustafa.

Fin octobre 1957, après la réunion du CCE à Tunis et sa visite à Bourguiba, celui-ci dira « …N’oubliez pas que la Révolution algérienne s’est déclenchée, non seulement contre le pouvoir colonial, mais aussi contre les pouvoirs politiques algériens auxquels les fellaga reprochaient d’avoir échoué. Ils ont une méfiance maladive des intellectuels. La réalité, pour eux, c’est le combattant de la montagne et son fils ».

Donc, dirons-nous comme Jean Vaujour « Je déteste les Mémoires modernes. Ils sont généralement écrits par des gens qui ont complètement oublié leurs souvenirs et n’ont jamais rien fait qui vaille qu’on se le rappelle. Il vaut certainement mieux laisser à des historiens le soin de reconstituer le déroulement d’événements aux conséquences capitales pour notre pays au cours de ce siècle. Encore faut-il fournir à ceux-ci les matériaux qui leur seront nécessaires… ». Matériaux et non idées personnelles.

Le général-major ne nous éclaire pas, par exemple, sur l’origine sociale et l’âge de ces valeureux combattants qu’il découvre pour la première fois, savait-il qu’Adjoul, est âgé de 32 ans, Chihani et Abbas ne comptabilisent pas 50 ans à eux deux. Savait-il ce que ces résistants recommandaient ou pensaient de leur cause ? C’est bien parce que ces combattants de terrain avaient mesuré, le subissant, le poids du rouleau compresseur qui les étouffait et qu’ils avaient compris la nécessité de conserver l’unité nord-africaine combattante pour aboutir aux Indépendances que « Chihani n’a pas accepté que Bourguiba, le Tunisien, brise le front de lutte nord-africaine, en se contentant de l’autonomie interne octroyée à son pays par la puissance coloniale qui, ainsi, a eu les mains plus libres en Algérie » (juillet 1955). Le 8 février 1958, Salan fit bombarder la population civile de Sakiet-Sidi-Youssef (Tunisie), qui paya un lourd tribut, n’était-ce pas ce que craignaient les « aurésiens tribalistes » ?

Concernant les « batailles tribales », Adjoul et Abbas ne reconnaissaient-ils pas que « la Révolution a un seul chef et ce n’est pas Messaoud Benaïssa mais Si Chihani, Abbas n’hésitant pas a qualifier Benaïssa de traître à la CAUSE NATIONALE » ?
Et si Adjoul parlant de sa mésentente avec Omar Ben Boulaïd dit « c’est une affaire de nidham. Rien de personnel, il a choisi de se rebeller contre l’autorité légitime. Libre à lui d’assumer cette responsabilité… ». Est-ce que le général-major dénierait aux Aurésiens les facultés intellectuelles pour penser politiquement ? Pourtant leurs comportements et leurs propos démentent et démontent sa thèse !

Pourquoi le général-major ne nous rappelle-t-il pas la Loi des « pouvoirs spéciaux » du 26 mars 1956, dont cinq décrets fixaient des mesures de sécurité qui seront mis au point en priorité. Ces décrets couvriront tous les crimes commis par l’armée coloniale et permettront, le 11 avril 1956, au Gouvernement de rappeler 70 000 jeunes ayant déjà effectué leur service militaire légal. Selon le général-major ces militaires sont venus assister au spectacle « des tribalistes aurésiens qui s’entretuaient » ! Le 29 décembre1956, est-ce pour assister à ce spectacle que la foule européenne algéroise hurlait « CRS dans les Aurès »?
Pourquoi a-t-il volontairement amoindri la force de la réponse de François Mitterrand au déclenchement de la Révolution : «… Eh bien ! non, cela ne sera pas, parce qu’il se trouve que l’Algérie, c’est la France, parce qu’il se trouve que les départements de l’Algérie sont les départements de la République française… L’Algérie, c’est la France et tous les moyens seront réunis pour que la force quelles que puissent être les difficultés et les cruautés de cette tâche, seront employées pour préserver la France … ».

Selon de nombreuses sources, même les harkis de l’Aurès, s’ils ne furent, certainement pas, des enfants de chœur, ils ne se conduisirent pas comme Surcouf dont les anciens habitants de la Casbah n’ont pas oubliés « …les bleus de chauffe dont le chef kabyle décoré de la Légion d’honneur et de la Médaille militaire, va se rendre célèbre sous le nom de Surcouf…Il est devenu une sorte de robot sanguinaire… ». Ces survivants rappellent que lorsque Adjoul se rendit à l’armée coloniale il ne fit pas autant de dégâts que d’autres supplétifs dans d’autres régions. Pourtant il était atteint de « tribalisme » selon le général-major…

Le sang versé, s’il rend compte du courage, il témoigne aussi de la sévérité de la lutte armée coloniale qui augmenta ses moyens et adapta sa tactique dans les Aurès, ce qui fit écrire à Maurice Laban (pseudo Mustapha) dans sa lettre publiée par le Canard Enchaîné, en mars 1956 : « parce que la pondération n’a servi à rien – L’Aurès a été mis à feu et à sang, enfants et hommes sans défense massacrés par milliers, tout cela qu’on ne l’oublie pas, non seulement par des légionnaires, mais aussi par les petits soldats français du contingent ».

Le général-major n’a ni vécu, ni vu de bombardements au napalm sur les Aurès par des B26, comme le représentent les photos de la collection de Georges Rougeot , car, comment aurait-il pu parler de « retrait de l’armée française » sans renier ses souvenirs ou ses blessures ?
De même, le témoignage de Aïssa Kechida relatant des faits qui se sont déroulés au moment de la préparation, du soulèvement de la Révolution, de l’accueil par les Aurésiens d’autres patriotes provenant de différentes régions, du comportement « nationaliste » des aurésiens emprisonnés sous les interrogatoires de la DST, etc. Quel que soit le fait « les chaouis montrent leur valeur » et démentent les affirmations « tribalistes » du général-major.

C’est par la confrontation des témoins et des faits qu’un début d’éclairage objectif peut naître sur la Révolution.


Climat malsain
Au « climat malsain dans les Aurès » traité par le général-major, nous lui signalerons quelques exemples qui prouvent que cette région et ses combattants, comparés à d’autres régions et personnes, peuvent continuer à honorer leurs mémoires dignement .

Quelques faits tirés de l’ouvrage de Mohamed Harbi, acteur et historien de la Guerre d’Algérie, démentent les affirmations du général-major :

- « au moment du congrès, les participants n’ignorent pas la mort du Ben Boulaïd » Nous faire croire que de mars 56 à août 56, soit 6 mois après l’assassinat militaire du dirigeant de la wilaya I, la presse colonialiste et les tracts de l’armée coloniale, décrivant l’assassinat de Ben Boulaïd, n’étaient pas parvenus entre les mains des « congressistes qui ne savaient pas la mort de Moustafa », de qui se moque-t-on ?

- La lecture des pages 160 à 170 explique, en partie, les griefs de certains responsables de la Révolution algérienne portés sur le congrès de la Soummam (20/8/1956), qui ne défavorisa pas seulement les « aurésiens tribalistes ». La lettre de Krim Belkacem, en page 171, nous renseigne sur la complexité de ce conflit et des hommes qui l’ont mené.

- Pourquoi, par exemple, avoir détaché Souk-Ahras du Constantinois pour ce congrès ?

Pourquoi le général-major ne nous informe-t-il pas sur le comportement malsain des militaires colonialistes qui assassinaient Ben Boulaïd et Larbi Ben M’Hidi pendant que d’autres responsables révolutionnaires s’entredéchirer. « … Ferhat Abbas tient Boussouf, Bentobal et Krim pour des individus capables de tout, - Autrement dit, constate IKS (son secrétaire), sarcastique, on s’épie, on se méprise, on se hait. Décidément l’Algérie n’a plus rien à apprendre de la France» (général Jacquin, p. 226).

Et, pendant que Guy Mollet prônait que « le gouvernement entend donner à l’armée sa pleine efficacité », efficacité durement vécue par les aurésiens en priorité - « Dans les Aurès à Foum-Toub, Arris, Khenchel, Batna, j’ai vu mettre en place un formidable appareil de répression contre les quelques 300 maquisards qui, nous assurait-on, tenaient la montagne. Colonnes de blindés, unités de parachutistes, canons de 75, aviation, c’est un pays plongé dans la guerre que je découvris » ( Robert Barrat).

D’autres responsables algériens rencontraient l’ennemi.
- « Le matin du 2 septembre 1955, je retrouvai le clandestin Omar dans un café. Il me demanda sans ambages si je voulais rencontrer le Numéro Un de l’organisation clandestine, Ramdane Abane. J'acceptai son offre.
Je rencontrai Ramdane Abane dans une villa d’Alger. Je passai une journée entière à discuter avec lui. J’appris de sa bouche beaucoup de choses et notamment les conditions auxquelles le F.L.N. accepterait un cessez-le-feu. Mise à part la reconnaissance par le Gouvernement français du principe du droit à l’indépendance, elles étaient identiquement les mêmes que celles que m’avaient indiquées tous les Algériens que j’avais interrogés. Ces conditions, mon interlocuteur me laissait libre soit de les transmettre au Gouvernement français, soit de les rendre publiques dans le journal de mon choix ».

Nous ajoutons quelques dates d’autres rencontres révélées dans l’ouvrage du général Henri Jacquin, qui occupa plusieurs postes au sein des services secrets français en Asie et en Afrique du Nord de 1931 à 1962, certes ses informations sont orientées mais elles décrivent des actes. Ainsi on peut découvrir :

- « la réunion de Tunis ne devait d’ailleurs rien aux contacts noués au Caire le 12 avril 1956 entre les représentants du Parti Socialiste français et la délégation extérieure du FLN » (p. 143).
- « …Khider possède l’adresse de correspondants à Rome, un certain Kaddour El Djazaïr et C. Younes, le premier est chargé de faire la liaison avec l’envoyé spécial de Guy Mollet, déclare-t-il. Le second cache l’identité de l’envoyé spécial Pierre Commin. Ces noms se retrouvent dans le rapport que Khider détient sur les rencontres des agents du FLN et des délégués secrets du Gouvernement français, le 25/7/1956 à Belgrade, en août à Rome, les 2 et 3/9/1956 à Rome de nouveau…et une réunion d’experts fin septembre 56 à Belgrade »

Le général Jacquin lève le voile sur un secret connu de quelques uns : « Les services de renseignements auront très vite connaissance du document (Congrès de la Soummam) grâce à Tamzali, un industriel algérois acquis à la rébellion auquel Ben Khedda en a confié un exemplaire ». (p. 145 )

Sa version sur le détournement, le 22 octobre 1956, par les autorités françaises de l’avion transportant les responsables du FLN, ne le fut pas grâce à des informations ou contacts auréseins, du fait de leur climat malsain constaté par le général-major !

Maquisards, militants et nombreux résistants de l’ombre savaient qu’ils pouvaient, à chaque instant être victime de l’imprudence de l’un d’entre eux ou de la délation des relais du pouvoir colonial. Frantz Fanon, thérapeute et engagé dans la révolution algérienne ne théorisait-il pas que « Le peuple sous-développé doit à la fois prouver, par la puissance de son combat, son aptitude à se constituer en nation et par la pureté de ses gestes qu’il est, jusque dans ses moindres détails, le peuple le plus transparent, le plus maître de soi. Mais tout cela est bien difficile ».

Par une visite le général-major ne pouvait savoir que l’Aurésien est allergique à la domination surtout lorsque le prétendant n’a pas prouvé sa qualité de meneur au combat.
Pour nous permettre de mesurer le « tribalisme » des Aurésiens, avec d’autres régions plus disciplinées et efficaces, le général-major aurait pu nous citer quelques actes de bravoures se déroulant ailleurs et qui ne pouvaient exister dans les Aurès du fait « tribaliste ». Nous lui remémorons quelques massacres et redditions, parmi des centaines d’autres, qui n’ont pas eu d’équivalence dans les Aurès et qui nous prouvent le contraire de ses assertions :

- Les massacres de « la nuit de la Soummam » du 13 avril 1956,

- Le ralliement de nombreux villages en « Petite Kabylie » au printemps 1956 ,

- Le massacre de Melouza (374 morts), en wilaya III, le 28 mai 1957 par les unités du FLN sous la direction du capitaine Arab sur ordre de Amirouche,

- Les contre-maquis qui arrivent à interdire l’accès d’endroits stratégiques aux révolutionnaires, dans l’Ouarsenis, Wilaya IV :

- Celui de Belhadj Djillali Abdelkader (deux bataillons composés de plus d’un millier d’hommes)

- Et le plus médiatisé, celui du Bachaga Boualam avec l’ensemble de son douar.

Selon certaines sources « la Bleuite », en Wilaya III et IV, de 1958 à fin 1960 provoqua 4 768 exécutions de cadres pour complot ou trahison après jugement, et les exécutions sommaires de résistants sans grade demeurent jusqu’à ce jour « secret d’Etat ».

- Secret d’Etat, aussi, « L’Affaire Si Salah (Mohamed Zamoun), Commandant politique et militaire de la Wilaya IV et ses deux compagnons » qui proposèrent la « paix des braves » et furent reçus à l’Elysée, le 10 juin 1960, par le général de Gaulle.

Il conviendrait de multiplier les enquêtes avant d’affirmer savoir après UNE VISITE dans les Aurès. Savoir contredit par les maquisards survivants, les militants(tes) des douars, des villages et des villes, dont le sang fut la chair de la lutte. Eux qui tombèrent plus d’une fois sans rencontrer une main amie, qui connurent la faim, la soif et la torture.

Le général-major ne se souvient pas des 2 millions de soldats français ( plus leurs supplétifs armés et civils) qui ont été engagés face à 9 millions « d’indigènes » dont 2 350 000 déportés dans les « centres de regroupements ». « Une fois de plus, c’est dans les Aurès qu’on trouve l’origine de ce fait. Grâce aux documents et témoignages recueillis nous sommes en mesure d’affirmer que les premiers centre de regroupements datent de 1955 et que leur réalisateur est le général Parlange ».

Les mythifications et mystifications ne peuvent avoir cours devant des survivants.

Amirouche
Si certains combattants et militants aurésiens furent en divergence politique, durant la Révolution, avec Amirouche, cela ne les a pas empêché de rendre hommage à ce héros dès 1962. Ils n’ont pas attendu une campagne électorale présidentielle pour s’exprimer.
S’agissant de l’interprétation et de la vision des Aurésiens sur la visite du colonel Amirouche dans leur région, quelques lectures ou enquêtes de terrain, y compris aujourd’hui, auraient permis au général-major de comprendre certaines de leurs réticences.
Les Aurésiens, viscéralement, légalistes et possédant des informations sur le déroulement du conflit, qui prenait des tournures qu’ils estimaient contraires à l’idéal de leurs engagements furent désemparés, face à la visite inattendue de Amirouche dans les Aurès en septembre 1956.

Les témoignages de plusieurs survivants démentent les affirmations du général-major :

- De nombreux résistants se souviennent qu’« un petit détachement l’accompagnait ».

- Adjoul précise que « j’ai bien reçu une invitation. J’ai envoyé deux tissals pour me faire préciser le lieu et la date. J’attends toujours la réponse ». Attente partagée par les responsables de l’Extérieur (Voir les pages citées de l’ouvrage de Mohamed Harbi).
- « Hadj Lakhdar note que Amirouche discute seul avec Tahar Nouichi ».,
- « de quel droit venez-vous nous imposer vos discussions », la manipulation des Aurésiens, de leur histoire et mémoire durent encore aujourd’hui !

Au contraire, du général-major nous nous interdisons tout jugement sur ce héros, le témoignage d’un vieux villageois de Tiroual corrobore ceux des Aurésiens, même si le témoignage individuel ne soit jamais garanti d’infaillibilité et nécessite des vérifications approfondies : « … je vis une tragédie. Je dois continuer le combat noble menant à l’émancipation, mais que vienne rapidement l’indépendance. Il ne faudrait pas qu’elle traîne en longueur : car sinon le jour de l’Istiklal, il ne restera ici qu’Amirouche et Dieu »

Celui d’un autre héros ne peut être diffamant : « C’est la première fois que je vois Amirouche…Il ne parle qu’extermination des traîtres qui, selon lui, envahissent la Kabylie. Impossible de lui faire entendre raison. Il a réussi à contaminer Si M’Hamed qui n’est plus le même depuis son voyage en wilaya III, et portera en wilaya IV la folie des purges ».

Chacun a publié sa version et ses commentaires, la vérité n’étant pas là, la modestie devrait primer. Les archives les plus intéressantes, « …monceau de papiers estampillés « confidentiel », « secret », « très secret » , en Algérie et en France, n’étant pas accessibles, y compris, aux chercheurs, celles mises à leur disposition sont de moindre importance.
Que l’ancien secrétaire d’Amirouche veuille honorer son supérieur, c’est à son honneur mais confondre hommage personnel et vérité historique en discriminant une population dont la légendaire bravoure, l’honnêteté et le légalisme sont reconnus et écrits par tous ceux et celles qui l’ont réellement côtoyée, nous ne pouvons « tendre la joue gauche en plus de la joue droite ».

Les sources françaises qui ne portaient pas les « Hors La Loi des Aurès » dans leur cœur avouent :
- Parler de quadrillage, de bouclage classique sur ce terrain effroyable grillé par un soleil qui ne pardonnait pas aux troupes métropolitaines, était une amère rigolade…
Et dans les Nememchas les chamois étaient des tigres… ».

- Bigeard parlant du 8 juin 1956 dans les Nememchas : « cette bande est remarquablement commandée, gonflée, disciplinée…était commandée par Laghrour Abbès, chef de la rébellion pour l’Est constantinois, bande courageuse, manoeuvrant remarquablement… » « … je mentionnais également la valeur du chef rebelle, manoeuvrant admirablement après avoir défendu des positions très bien organisées ».
« son secteur (commandant français) était infernal, et en face de lui, il avait les bandes fellagas les mieux organisées et les plus puissamment armés d’Algérie. Dans les Aurès-Nememchas la rébellion était née et s’était fortifiée… ».

Le récit de combats de Monsieur Abderrezak Bouhara (kabyle), qui débuta djoundi en 1956 dans la zone Aurès-Nememchas, est un désaveu au « tribalisme » constaté par le général-major : «la complexité du combat mené par le FLN et l’ALN rend parfois imprévisibles les réactions des hommes. Les exigences de cloisonnement indispensables à la préservation de leur organisation, ont leur revers de la médaille… ».

« Les Aurès constituent une région emblématique dans la Révolution de Novembre. Il s’agit là de données historiques indéniables. Il n’existe pas de régularisation avec effet rétroactif quand il s’agit des faits clairement établis de l’histoire ».


Laghrour Abbas

Des Ouled Boussaka (Amammra) dirigeait les Aurès-Nememchas en disant « Je n’ai pas pris le maquis pour l’amour du pouvoir ».
« Durant la seconde moitié du mois de juin 1956, Abbas se déplace à Kimmel et, toujours généreux, remet à Adjoul un mulet courbé sous le poids de munitions diverses… » « Quand il apprend la reddition de Adjoul il manifeste un grand mécontentement, il dit : « Adjoul aurait dû se battre jusqu’à la mort ! », un « tribaliste » ne saute-t-il pas de joie devant la reddition de son « ennemi », selon la thèse du général-major ?

« Laghrour en prison » information donnée sans précision par le général-major, est-ce pour raisons de divergences avec les autres révolutionnaires algériens ou avec le pouvoir tunisien, comme on peut l’imaginer, puisque « en décembre 1955, il s’est seulement rendu à Alinas pour rencontrer un groupe de combattants youcefistes invités par Abbas Laghrour qui leur a remis quarante millions de centimes et soixante armes automatiques pour activer le front anti-Bourguiba ».

Abbas a sacrifié sa vie, laissant une veuve et deux orphelins pour libérer son pays et son peuple de la nuit coloniale. sa famille fut déportée à M’Toussa dès décembre 1954 et son père mourut sous la torture en février 1955, la comptabilité macabre remplit les dossiers de l’armée coloniale et hérite des insultes du général-major. La tombe de Abbas s’aligne à côté de celle de Amirouche !!

Pour qui a vu le film français « L’Armée des Ombres » sur la Résistance française sait quelles sont les difficultés matérielle et humaine de combats disproportionnés. Tels sont les faits, à ce jour, suivant les témoignages de ceux qui rompt la loi du silence et les documents accessibles, le général-major en tire gloire et profits en travestissant leurs significations.

Comment conclure face à un flots d’injures qui méconnaissent l’histoire récente et ancienne des Aurès : Dihya (des Amammras), face aux invasions Arabes, n’a pas défendu uniquement ses champs, les Révolutionnaires du 1er Novembre 1954 furent dans la logique ancestrale. Zeroual, Président de la République, avait « jeté l’éponge » face aux manipulations politiciennes et médiatiques.

En 2003, nous reçûmes le témoignage bouleversant de Gérard Fuchs qui découvrit les horreurs pratiquées par l’armée française dans les Aurès d’avril 1961 à avril 1962, « horreurs qui hantent ma mémoire brisée » nous confiait-il, puisse le général-major l’entendre.

Les Résistants français, face au nazisme, représentaient 20% de la population.
Irwin M. Wall, « L’influence américaine sur la politique française 1945-1954 », Balland, 1989, p. 393.
Henri Jacquin, « La guerre secrète en Algérie », Olivier Orban, 1977.
Achour Cheurfi, « La classe politique algérienne de 1900 à nos jours », Casbah, 2001, p. 90 : « Officier supérieur de l’ANP et membre désigné du Conseil de la nation (1997-2000). Né à Kelaât Abbas (Béjaïa). Licencié en droit de la Faculté de droit d’Alger. A rejoint l’ALN en 1956 en W. III où il a assumé diverses responsabilités. Après l’indépendance il a occupé plusieurs fonctions au sein de l’ANP et à la Présidence de la République dont commandement des 4ème et 2ème régions militaires, secrétaire du Conseil de sécurité et directeur de Cabinet de la Présidence de la République. Nommé général en 1984 et général-major en janvier 1991 ».
Mohamed Harbi et Gilbert Meynier, « La dernière frappe du révisionnisme médiatique », Confluences Méditerranée, N° 48, Hiver 2003-2004.
Volontairement, nous utiliserons les mots aurésiens afin de répondre à la propre pensée du général-major.
Commandant Azzedine, « Les Fellagas », ENAG, 1997, p.148.
Les Résistants français, face au nazisme, représentaient 20% de la population.
Irwin M. Wall, « L’influence américaine sur la politique française 1945-1954 », Balland, 1989, p. 393.
Henri Jacquin, « La guerre secrète en Algérie », Olivier Orban, 1977.
Jean Vaujour, « de la Révolte à la Révolution, aux premiers jours de la guerre d’Algérie », Albin Michel, 1985, p. 420.
Lieutenant-colonel J. Caillet, « Hiver à Tebessa », Berger-Levrault, 1958.
L’unique Président « chaoui » depuis 1962.
Présentée par Bernard Michel, « Le Destin tragique de l’Algérie française », tom II, Ed. de Creville (Suisse), 1971, p. 166.

Jean Vaujour, « de la Révolte à la Révolution, aux premiers jours de la guerre d’Algérie », Albin Michel, 1985, p. 449.
Mohamed Larbi Madaci, « Les Tamiseurs de sable, Aurès Nememcha 1954-1959 », ANEP, 2001, p.107.
Mohamed Larbi Madaci, « Les Tamiseurs de sable, Aurès Nememcha 1954-1959 », ANEP, 2001, p.111.
Idem, p. 191.
Guy Mollet Président du Conseil, F. Mitterrand ministre de l’intérieur puis ministre de la justice et R. Lacoste, ministre résidant à Alger, tous socialistes.
à l’Assemblée Nationale.
JO du 3/11/1954.
Présentée par Bernard Michel, « Le Destin tragique de l’Algérie française », tom II, Ed. de Creville (Suisse), 1971, p. 145.
Patrick-Charles Renaud, « Aviateurs en guerre, Afrique du Nord-Sahara 1954-1962 », Grancher, 2000.
Aïssa Kechida, « Les architectes de la Révolution, témoignage », Chihab Editions, 2001.
Tous les combattants et militants aurésiens à qui nous avons demandé d’écrire leurs biographies ont refusé, nous répondant : « le pays est libre que veux-tu de plus, n’oubliez pas les morts et les sacrifices, c’est tout ! »
Mohamed Harbi, « Les Archives de la Révolution algérienne », Jeune Afrique, 1982, p.167.
Dans les quotidiens colonialistes, non seulement les premières pages donnaient les gros titres, mais à l’intérieur existaient des rubriques spéciales « terrorisme et répression » détaillant le moindre fait !
Robert BARRAT, « Les maquis de la liberté, un journaliste au cœur de la Guerre d’Algérie », ETC/Entreprise Algérienne de Presse, 1988, (P. 89).
Présentée par Bernard Michel, « Le Destin tragique de l’Algérie française », tom II, Ed. de Creville (Suisse), 1971, p. 67.
Frantz Fanon, « Sociologie d’une Révolution », Maspéro, 1960, p.10.
Note d’orientation n° 5, situation militaire du 27/7/1956 du 10ème. RM.
Bachagha Boualam, « Mon pays la France », France Empire, 1962.
Pierre Montagnon, « L’Affaire Si Salah, Secret d’Etat », Editions Pygmalion, 1987.
Bernard Tricot, « Les sentiers de la paix », Plon, 1972.
Michel Cornaton, « Les regroupements de la colonisation en Algérie », (préface de Germaine Tillion), Ed. Ouvrières, 1967.
Les Aurésiens en immigration, militaient au sein de la Fédération de France et dans leur région de naissance donc les informations circulaient des deux côtes de la Méditérannée.
Mohamed Larbi Madaci, « Les Tamiseurs de sable, Aurès Nememcha 1954-1959 », ANEP, 2001, p.191.
Mohamed Larbi Madaci, « Les Tamiseurs de sable, Aurès Nememcha 1954-1959 », ANEP, 2001, p.184 et 185.
Commandant Azzedine, Les Fellagas, ENAG, 1997, p.287.
Commandant Azzedine, Jean-Claude Carrière, « C’était la guerre, Algérie 1954-1962 », Plon, 1992. p.425
Jean Louis Planche, « L’incroyable affaire des archives d’Algérie », Les Nouvelles littéraires, novembre 1981.
Closterman, « Appui-feu sur l’Oued Hallaïl », Flammarion, 1960, p.171.
Bigeard, « Pour une parcelle de gloire », Plon, 1975, p.261.
Idem.
Abderrezak Bouhara, « Les viviers de la Libération », Casbah, 2001, p. 94.
Idem p.252.
Mohamed Larbi Madaci, « Les Tamiseurs de sable, Aurès-Nememcha 1954-1959 », ANEP, 2001, p. 186.
Mohamed Larbi Madaci, « Les Tamiseurs de sable, Aurès-Nememcha 1954-1959 », ANEP, 2001, p. 201.
Gérard Fuchs, « Algérie, Une mémoire enfouie », Denoël, 2003.


Droit de réponse de M. Salah LAGHROUR (non publié) par El Watan (*)



J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le témoignage de M. BEMAALEM à l'occasion de la commémoration du 45eme anniversaire de la mort du grand combattant le chahid AMIROUCHE.
N'étant pas acteur de la révolution, je ne peux apporter aucun jugement sur ce qui a été écrit, seulement je constate que M. Benmaalem Hocine continue à tomber dans le piège de certains écrits sur la révolution de novembre 54, en particulier sur la Wilaya I, ou toute contestation politique est assimilée au tribalisme.
Lier toute contestation politique dans les AURES à un problème de tribalisme à mon avis serait une " insulte " pour beaucoup de moudjahidines et dirigeants de la Wilaya I morts ou vivants. Comme si les dirigeants des AURES n’avaient pas d’opinions politiques !
M. BENMALEM n'a pas fait allusion dans son témoignage au congrès de la Soumam et ses conséquences sur la Wilaya I, il n’a pas non plus écrit pourquoi Abbes LAGHROUR et d’autres dirigeants étaient en prison à Tunis.
C'est peut être dans ce congrès que la lutte pour le pouvoir a commencé et que le tribalisme à pris ses racines ?!.
Je sais que l’histoire n’est pas une science exacte et qu’elle est parfois, et peut être même souvent injuste envers les hommes qui l’ont faite ! .
Merci à M. BENMAALEM d’apporter son éclairage, qui est d’une grande valeur historique puisque lui-même était un acteur de la révolution.

Salah LAGHROUR un lecteur du journal ELWATAN.

(*) M. Salah LAGHROUR n'est ni un général en activité ni à la retraite.

articles publiés dans El Watan du 29 et 30/3/2004 :
http://www.elwatan.com/journal/html/2004/03/29/idees_debat.htm
http://www.elwatan.com/journal/html/2004/03/30/idees_debat.htm

Ce que je sais de Germaine TILLION


Par : Djemaa Djoghlal

De 1934 à 1940, cette ethnologue a sillonné les Aurès qui avaient déjà attiré quelques chercheurs (ses), mais cette région n’intéressait pas les foules, comme la Kabylie ou d’autres lieux d’Algérie, Germain Tillion allait lui donnait une visibilité qu’elle éclaire encore.

Pendant qu’elle tentait de soigner les plaies de sa déportation à Ravensbrück et qu'elle pansait la perte cruelle de sa chère mère (gazée dans ce camp), eut lieu, le 8 mai 1945 à Sétif, Guelma, Kherrata, la révolte "des indigènes", pour attirer l’attention des gouvernants sur leur « clochardisation ». Cette révolte, comme les précédentes de 1870, 1916, etc, fut réprimée dans le sang, elle le sut longtemps après et selon la version colonialiste, raison de son silence sur ces faits, silence que ne comprirent pas "ses amis Chaouias".
Si pour bien des colonialistes l’Algérie était le « plus beau fleuron des colonies », en 1958 elle écrivait dans son livre « les ennemis complémentaires », que « la vie d’un petit berger algérien valait plus que vaut le pétrole saharien».

La sécheresse qui dura de mai 1952 à février 1954, fut suivie d’une famine qui ne devait pas avoir lieu, si l’on se réfère à cette phrase tirée des Actes des Journées d’Etudes des Secrétariats sociaux d’Algérie, qui eurent lieu à Alger du 27 au 30 mai 1954, ayant pour thème « la Lutte des Algériens contre la Faim » et qui nous apprend « c’est ainsi qu’en 1953, la Métropole a acheté en Algérie 96 milliards de produits agricoles et alimentaires…».
Donc, famine après famine, révolte après révolte, le 1er Novembre 1954, les « indigènes » décidèrent, que dorénavant, ils profiteraient toutes et tous des richesses du pays.
Dès le 25 novembre 1954, l'ensemble de la presse française relatait les faits par un vocabulaire discriminant sur : «les hors-la-loi, les bandits, les terroristes, etc. ».
Heureusement qu’au même moment, à Paris, le professeur Massignon et Germaine TILLION interpellaient François Mitterrand, Ministre de l’Intérieur, chargé du maintien de l’ordre, sur l’aviation française qui bombardait au napalm les Aurès.
Ces deux survivants des camps de la mort ne pouvaient accepter l'inacceptable. Leur patriotisme portait très haut les valeurs de la "la France des Lumières".

En 1955, Jacques SOUSTELLE fut nommé Gouverneur de l'Algérie, il partit avec elle pour enquêter sur les "réalités algériennes", elle découvrit la clochardisation "des nobles riverains de la Méditerranée » comme elle les nomma dans son ouvrage « le Harem et les cousins ». Son constat se transforma en actes, à travers la création de Centres Sociaux dignes de cette appellation, elle pensait rattraper les retards accumulés durant des décennies,
mais…le fleuve de l'Histoire n'attend pas les longs réveils des hommes.
Elle s'engagea contre la violence dans tous les camps, elle comprit qu'en arrêtant les exécutions des condamnations à mort des nationalistes algériens, ils diminueraient leurs attentats. Pour cette mission, sa fidèle amie de déportation l'aida, "pendant la guerre d'Algérie, c'est Geneviève ATONIOZ de GAULLE qui me servait d'intermédiaire avec son oncle pour lui porter mes lettres…. dit-elle le 4/01/2000 à une journaliste d’El Watan.

En 1962, elle fut touchée à travers l'idéal qu'elle croyait réalisable, la bête immonde commit l'irréparable : "Mouloud FERRAOUN dans les jours les plus noirs, il continuait à espérer que le bon sens serait finalement plus fort que la bêtise… Et la bêtise, la féroce bêtise l'a tué. Non pas tué : assassiné, froidement, délibérément…." Déclarait-elle dans le Monde du 17 mars 1962.
A l'Indépendance de ce pays, qu'elle prévoyait et préparait discrètement, elle souhaita un partenariat entre les deux rives. Ses rêves, comme ceux d'autres utopistes, ne survécurent pas aux nouveaux enjeux mondiaux et aux froids calculateurs des deux bords de cette mer (e) commune.

Pendant le règne de la terreur islamiste, elle fit preuve, une fois de plus de sa clairvoyance sur les problèmes touchant ce pays et c’est ainsi qu’en 1996 elle répondait à Jean LACOUTURE:
"Avez-vous souhaité reprendre l'enquête sur l'Algérie d'aujourd'hui, analyser de plus près le troisième stade de clochardisation, celui du fanatisme ?"

"Je vais avoir quatre-vingt dix ans, et ce n'est pas à mon âge qu'on peut retourner en Algérie pour faire une enquête. D'ailleurs, ce n'est pas la misère qui y cause le fanatisme, mais plutôt l'inverse : c'est à dire le fanatisme qui provoque la misère… Car c'est bien le fanatisme qui essaie de faire vivre l'Algérie hors de son siècle en réactualisant des coutumes préhistoriques telles le Code de la Famille…"

Adepte de la défense de l'Intérêt Général qui permet au plus faible de survivre, républicaine, universaliste tout en étant patriote , elle ne rechercha pas les hommages courtisans et médiatiques, seuls les actes lui importent. Elle a vécu et connu les grandeurs et les faiblesses des hommes , elle préfère un chardon sauvage des Aurès offert sincèrement par un berger du coin à une gerbe officielle intéressée.
Une Aurèsienne bisontine regarde les Aurès de Germaine TILLION


On peut dire, sans se tromper, que chaque habitant et chaque chercheur parle de son Aurès ou de ses Aurès. Cette région est située dans l’Est algérien où la colonisation était faiblement représentée comme l'affirme Germaine TILLION dans son livre souvenir « il était une fois l’ethnographie ». De 1934 à 1940, elle y mena quatre missions scientifiques dont sont issus des articles et ces photographies.

Ces photos permettront à l'Aurès « la matrice de l’Algérie depuis l'Antiquité » comme le décrit COLONNA Fanny, dans Les Versets de l’Invincibilité, d’émerger, un peu, de l’oubli dont les causes sont anciennes et les agents divers et nombreux.
La première fois que je vis ces clichés chez l’auteure, mon cœur chavira, du plus profond de ma mémoire ressurgirent les souvenirs que je croyais enfouis ou plus précisément que je voulais refouler à jamais. Le choc remit en cause mes certitudes : étais-je émigrée, immigrée « intégrée » ou exilée éternelle face à ce patrimoine visuel ?
Les lieux et les personnes défilaient sous mes yeux, les saveurs et les odeurs, douloureusement, revivifiaient mon inconscient, dans lequel le profane et le sacré s'imbriquaient. Ne voit-on pas sur ces scènes de fêtes familiales et locales pages 71 à 74, les êtres festoyer et prier, côte à côte, en toute sérénité, malgré la misère matérielle visible sur ces portraits des pages 16 et 17 ?

Depuis l’Antiquité cette société est marquée culturellement par les nombreuses invasions exemple le moulin de la page 122 qui date de la période romaine. Cette société est aussi imprégnée par la culture musulmane depuis quatorze siècles, la représentation du visage était proscrite.
Aujourd’hui, dans certaines familles urbanisées, souvent contre leur gré, depuis la guerre d’indépendance, la raison principale de l'interdit n’est pas seulement d’ordre religieux, il s’agit aussi de ne pas dévoiler l’intimité privée pour un regard public.
Ces familles issues d’une civilisation agropastorale transmettaient oralement la mémoire familiale, à travers les contes et les épopées des aïeux légendaires.
Cette transmission et ses interprétations marquaient en chacun la marque indélébile créée par l’hérédité biologique du lieu, de la caste, du clan, de la tribu, du çof, «"l’origine même de la patrie est indissociable du culte et des tombes des ancêtres, puisqu’elle se rattache à la propriété des terres… la stèle qui dépassait de la sépulture des aïeux a été sans doute parmi les premiers monuments autour desquels s’organisa le culte païen des ancêtres » comme le montrent les photo des pages 89 à 97.
Auparavant, la science coloniale présentait « les autochtones » à travers les images de prostituées qui posaient, complaisamment devant les objectifs des touristes et des militaires, sans savoir l’utilisation qui était faite de leurs poses. Ces scientifiques ne précisaient pas dans leurs écrits, que la proximité des garnisons de l’armée française conduisait les responsables de ces lieux à déplacer et à installer « ces belles fatma ».
Ces chercheurs confondirent, aussi, la participation commune des deux sexes aux tâches utilitaires telle celle de la page 115 et aux festivités locales et familiales page 105 ou 107 avec un libertinage, ou au contraire ils décrivaient uniquement la claustration du fait religieux en oubliant les facteurs de l’urbanisation imposée. Germaine TILLION dans son ouvrage « Le harem et les cousins » sut situer la ressemblance des structures et des représentations de la subordination des femmes dues à l’héritage méditerranéen.
Certes, l’amoureuse dans sa représentation occidentale ne pouvait pas exister dans des sociétés qui paraissaient holistes, pourtant bien des Aurèsiens dont la virilité et l’honneur ne souffraient aucune critique, disaient lorsqu’ils se mariaient avec des 'azri'at : « la femme est comme une datte, une fois lavée elle peut être consommée ». Ces femmes représentées de la page 46 à la page 49 étaient soit des divorcées, des veuves ou des célibataires qui vivaient librement en communauté, en attendant l’élu de leur cœur.

Le passé historique féminin des ancêtres de cette fille de bourgeois page 54, de celle du fellah page 52 et de cette bergère ou orpheline page 53, fut ressuscité par un chercheur algérien, en pleine période islamiste de claustration, d’égorgements et de viols féminins. Avec courage dans son tome I sur l’Histoire des BERBERS, Mouloud Gaïd écrivait:

« … Ces Gorgones avaient pour reine Médousa (ou Mélousa). Elles vivaient dans les Aurès, le Djurdjura et le Haut Atlas. C’est là qu’elles livrèrent bataille aux envahisseurs comme le fit la reine des Aurès (Damia, Thadmaith,), appelée par les Arabes « El-Kahina » qui repoussa une première fois les assaillants (l’an 77 de l’Histoire-696 ère chrétienne) et succomba, la deuxième fois, sous le nombre et la trahison de certaines tribus de sa confédération achetés par les Arabes, de son fils Slimane et de Yazid neveu de Hassan (84 de l’H. 703ère chrétienne)… Je ne sais si on peut rapprocher ce courage guerrier avec les Aurasiennes qui s’étaient habillées en homme le visage masqué du turban, qui s’étaient opposées aux janissaires turcs venus faire une razzia dans leur campement pendant l’absence de leurs hommes

Certaines de ces fillettes photographiées en 1935 par Germaine Tillion continuèrent la tradition féminine locale, pendant la guerre d'Indépendance algérienne.

Mais dès 1962, elles furent renvoyées à leurs couscoussiéres par leurs « frères combattants ». Ces nouveaux gouvernants permirent une scolarisation à grande échelle, ils encouragèrent les discours d’émancipation mais en 1984 ils imposèrent le rétrograde Code de la Famille en totale contradiction avec la Constitution algérienne qui stipule l’égalité des sexes.

Les chercheurs coloniaux oublièrent, aussi, qu’un système social et culturel est le produit d’un groupe humain à part entière, dans ce cas ils ne surent pas ou ne voulurent pas voir les changements profonds que connaissaient ces populations appauvries.
Les souvenirs de la famine de 1920/21 obligeaient les ménagères à peser par poignée les céréales qui servaient au repas familial pages 118 et 119, celle qui dura de mai 1952 à février 1954 fit manger aux « indigènes » des bouillies de thalrouda (terre noix). Cette situation remarquée par Germaine TILLION, dès son premier retour en Algérie en 1955 (1), lui fit dire « Quand je les ai retrouvés (les Aurèsiens) entre novembre 1954 et février 1955, j’ai été attérrée par le changement survenu chez eux en quinze ans et que je ne puis exprimer que par ce mot : « clochardisation »
Durant la colonisation, dans les foires et marchés des pages 101 à 103, les nombreux commerçants-ambulants ruraux des régions proches et les chanteurs-conteurs venant des pays limitrophes, sillonnaient le pays et informaient la population éloignée des centres de décision. Ce qui permit aux militants du Parti de Messali Hadj, du Parti Populaire Algérien (PPA) de Ferhat ABBAS, des oulémas de Ben Badis et du Parti communiste algérien de maintenir la flamme de la révolte. « Selon un rapport de l’administration coloniale du 17 mai 1945, les points les plus sensibles se situaient dans le département de Constantine et plus précisément. Sétif, Guelma, Tébessa, Khenchela, Biskra et l’Aurès ».
Ni les politiques, ni les acteurs sociaux de l’époque ne comprirent que cette majorité minorée avait conscience, d’une manière plus ou moins claire, que le passé ne pouvait pas continuer, ce qui ne signifie pas qu’elle acceptait de s’assimiler à un modèle tout fait.
C’est dans « ces points sensibles » que le déclenchement de la Guerre d’Indépendance eut lieu le 1er novembre 1954.
Ces Aurès furent étudiés, photographiés et aimés par Germaine TILLION, comme le reflète cette dédicace d’un livre qu’elle m’a offert :
« … Ce livre qui doit tout à mon séjour dans les Aurès avant 1940 ….»
Aujourd’hui, comment transmettre ces legs, comment en parler sans trahir le travail de l’auteure et comment répondre aux interrogations des Aurèsiens vivant en Algérie ou en immigration ?
Car, tout passage de l’image ou de l’oral à l’écrit est déstructuré quand on le sépare de son cadre originel et original.

(1) l’Algérie de 1957, Minuit, 1957.

Questions autour d'une nomination

La nomination de M. Aïssa Dermouche, au poste de préfet du Jura, débouche sur des pressions politico-médiatiques et une certaine bataille sémantique à laquelle nous fûmes confrontées durant la colonisation. Ces batailles furent remplacées par d’autres qualificatifs discriminants que nous subissons en tant que fille d’immigrés, depuis les années 50 pour certaines d’entre-nous. Nos mémoires, en plus des mots, conservent les images de nos jeunesses dans les bidonvilles en bois et carton, images auxquelles s’ajoutent celles de l’âge adulte se déroulant dans les bidonvilles en béton.
Donc, nous nous interrogeons sur les raisons de la nomination de ce nouveau préfet dont l’identité génère articles et discours toute publicité que ne connaît pas, par exemple, M. Pierre-André PEYVEL, nouveau préfet du Territoire de Belfort.

Selon la définition du Robert “ immigré ” : qui est venu d’un pays peu développé pour travailler dans un pays industrialisé ” oui, la définition correspond à la situation de nos parents mais pas au statut de M. Aïssa Dermouche puisqu’il s’agit, au vu de son parcours, d’un expatrié de 18 ans venu poursuivre un cursus universitaire, à ce titre il n’est pas non plus enfants d’immigrés.
Or que lit-on, qu’entendons-nous, “ Aïssa Dermouche, d’origine algérienne ”, “ issu de l’immigration ”, “ préfet musulman ” “ français kabyle ”, “ français kabyle né en Algérie ”, “ notable nantais né dans la ville algérienne de Laperrine ”, “ préfet franco-musulman ” “ préfet franco-maghrébin ” etc.
Pourquoi cette classification ethnique ou religieuse en contradiction totale avec la Constitution de ce pays qui régit notre vivre-ensemble et qui stipule en son Article 1 “ la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Classification utilisée par un ministre de la République pour désigner les “ intégristes laïcs ”, désignation qui sous d’autres cieux appelle aux assassinats des “ éradicateurs laïcs ”, désignation prescrite en injonction de demeurer dans sa religion de naissance.
Pourquoi ce choix gouvernemental conduit-il à la difficulté de dire clairement s’il s’agit d’une promotion professionnelle, d’une avancée politique, d’un mérite personnel ou de tout ceci à la fois ?
Est-ce que cette nomination voulue par ses auteurs comme un clignotant “ d’intégration ” n’est pas, au contraire, une confusion mentale grave qui vise à étiqueter les citoyens selon leur appartenance religieuse ou origine territoriale ?
Cette nomination vise-t-elle à déminer le débat sur le “ foulard islamique ” drapeau de combat des intégristes et malaise des gouvernants? Sert-elle de faire-valoir ethnique donc de repère pour les nouvelles générations des populations défavorisées ? Peut-elle réduire leur infériorité sociale, puisqu’il y a arrêt de l’ascenseur social par l’école, depuis plus de trois décennies, comme l’ont prouvé les recherches de l’équipe du professeur Charlot (Paris 8) ? Leur offrira-t-elle la possibilité d’un emploi sans recourir aux réseaux à l’heure où l’opportunisme a remplacé les compétences, leur permettra-t-elle l’obtention d’un logement lorsque leur nom et la cherté des lieux les conduisent à une assignation à résidence ? Est-ce que la “ beurgeoisie ” installée, décorée, applaudie par les politiques depuis les années 80 et censée les représenter a-t-elle eu une vague idée de leur quotidien, a-t-elle diminuée l’effrayante réalité statistique des discriminations en tous genres, M. Dermouche va-t-il réussir là où les autres ont échoué lorsque la mixité sociale est contenue uniquement dans les discours électoraux.

Le déballage politiquo-médiatique autour de cette nomination ne conduit-il pas à une confusion entre un patrimoine culturel, une provenance géographique et une instrumentalisation électoraliste des préférences réelles ou supposées des “ 2 millions de berbères ” ou des “ 5 millions de musulmans ” qui votent ou voteront pour tel ou tel clan, n’est-ce pas abaisser le “ politique ” et la Politique ? Ces préférences religieuses ou ethniques étalées dans les colonnes de nombreux médias ont, en fait, révélé la cécité des “ beurgeois ”, alibis politiques, qui a conduit au résultat de mai 2002, en quoi cette nomination apporte-t-elle un changement d’idées ou de projet de société et quel est-il ?
Faut-il que les “ Antillais ” déménagent dans la Meuse, M. Richard Samuel étant Préfet de la Meuse et doit-on parler de préfet “ noir ” ? Les “ kabyles ”, les “ musulmans ” et autres “ immigrés ” vivant dans le Jura, où est installé, depuis 1977, M. Hamlaoui Mekachera, Secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants, président de la fédération UMP et illustre inconnu des dites populations.
Est-ce que les politiques et les médias répondront à nos questions et aux attentes des jeunes défavorisés ?

Laâtra
De l’Association “ Parole de Femmes ” - PARIS



Annèe de l'Algérie en France 2003

Par : Djemaâ DJOGHLAL

Comment une émigrée d'Algérie, immigrée en France doit-elle regarder cette "année
de l'Algérie" puisque "Chaque génération doit dans une relative opacité découvrir
sa mission, la remplir ou la trahir" ?

Si les voyages conscients, avec leurs joies et leurs rencontres, gèrent la vie de tout être, les voyages dans son inconscient lui font accumuler les souvenirs et les cauchemars. C'est pourquoi cette "année de l'Algérie" fait ressurgir des discours et des images hérités de la mémoire nationale et familiale dont les "ancêtres redoublent de férocité" (K. Yacine) et c'est ainsi qu'à 2003 se jumelle douloureusement « l'Année 1930.
"Pourquoi 1930" se demanderont nombre de naïfs, d'amnésiques, de bien-pensants et surtout de parvenus incultes . « 1930 », année du centenaire de l'Algérie française et de sa fameuse Exposition qui vit débats, écrits et festivités en tous genres prouvant "les bienfaits de la civilisation" aux "indigènes " et justifiant auprès des métropolitains "la grande richesse des colonies". Ne sommes-nous pas dans une proche ressemblance, même si ce sont deux Etats qui souhaitent échanger culturellement ?

Mais qui peut dire réellement à qui et à quoi va servir cette « année de l'Algérie", car en regardant de près les participants et les absents à son inauguration et dans son programme d’activités bien des interrogations s'imposent ?
En effet, lors de son lancement il y avait là le premier club dont les encartés sont inamovibles, toujours présents quelle que soit la manifestation et qui sont aussi finement triés que ceux du Rotary Club ou Lion's Club, c'est l'Algérie "jet set" l'Algérie officielle celle de Madame Khalida Toumi Messaoudi, qui ne peut nous dire quelle est l'enveloppe budgétaire accordée à son Ministère de la Culture et de la Communication.

Le second club se veut contestataire, il se qualifie "d'Algérie des généreux". Généreux vis à vis de qui, est-ce de ses intérêts ? Générosité dont le programme culturel, les lieux d'accueil, les réseaux médiatiques et les financements directs et indirects émanent en grande partie des filiales , héritières naturelles ou spirituelles, de celui qui déclarait à l'Assemblée Nationale française le 12 novembre 1954 : "...tous ceux qui essayeront, d'une manière ou d'une autre de créer le désordre et qui tendront à la sécession seront frappés par tous les moyens mis à notre disposition par la loi. Nous frapperons également tous ceux qui y contribueront même indirectement. Il n'est pas supportable que, par voie de presse, d'écrits, de discours ou sous quelque forme que ce soit, à plus forte raison par les armes, un citoyen s'oppose à la nation, au risque de la déchirer..." Devons-nous en déduire que pour certains adeptes de « l’Internationale socialiste » le sang qui enfanta la Nation française est pur et celui des accoucheurs de la Nation algérienne impur et qu’elle peut être dépecée sans remords ni regrets ?


Le troisième club sait être caméléon : un pied dans l'Algérie officielle et un pied dans la "contestataire", ne croyez pas qu'il soit un médiateur, non c'est plutôt le style prédateur qui ne perd aucune miette. Il est là où il faut pour assurer sa carrière et favoriser ses lobbies électoraux au détriment du bien public, l’intérêt général n’est son credo que pour son intérêt privé. Le club qui a permis par sa cécité et son ignorance de la réalité sociale mondiale, algérienne et française deux séismes : la victoire trafiquée du FIS en Algérie en 1992, et la présence en seconde position du Front National lors de l'Election présidentielle de mai 2002 en France.

Et le dernier club, le plus fourni se compose de la majorité silencieuse des « hittistes" en Algérie, des « ratés de l'intégration à la Française » et des femmes livrées à l'intégrisme islamiste dans les quartiers appauvris des deux pays. Majorité qui donne sans réclamer, qui attend un signe, une parole ou un acte montrant une prise en compte de ses misères grâce à cet éclairage. Eclairage qui ne lui est pas destinée, car comment expliquer son absence des réceptions et son manque d'implication dans le programme des activités tant du côté officiel que du côté officieux, qui s’en soucie, qui l'a sollicitée ?

Pour nous, la seule satisfaction tirée de cette "année de l'Algérie" est l'entrée de l’œuvre de Kateb Yacine à l'Académie française, hommage immensément mérité pour celui qui fut la voix des êtres épris de beauté, de vérité et de liberté, voix qui clamait en parlant de la femme "... on l'enferme parce qu'elle est belle", la voix de "Mohamed prends ta valise" qui, les yeux pétillants, riant aux éclats nous aurait dit "ils n'ont plus personne à encenser ?"

1930 visibilité des tenants du Pouvoir colonial, de ses relais (beni oui-oui) et absence des "indigènes", 2003 visibilité des détenteurs de pouvoirs officiels et officieux et absence des "exclus" des deux côtés de la Méditerranéenne.





Il était une fois....LE FARD-OUEST



A l'instar des lointains germains qui ont érigé comme principe cardinal de leur politique européenne le fameux "Drang nach Osten" (le saut ver l'Est), que l'Allemagne de Bismarck à Schroeder perpétue vaille que vaille, nos amis de Ryad et du Caire, relayés par les proconsuls locaux de la fameuse "Nahda", n'ont eu de cesse de répéter qu'ils sont le "Machrek"*, et l'ex-Afrique du Nord n'est et sera que le "Maghreb" du virtuel "Monde Arabe" qui joue décidément à ...l'arlesienne.
Eux aussi veulent-ils leur "Drang nach ...Westen" (le saut vers ...l'Ouest) et pour mieux nous le faire comprendre, ils ont proclame le "Marakech" (lapsus du nasserien de Ben Bella !) l'actuel Maroc, en ..."Maghreb" et plus tard, la définition "Afrique du Nord" deviendra comme par enchantement le "MAGHREB".
La mayonnaise ayant pris, ils affublent leur dernière conquête (reconquête?!) des attributs "Grand" et "arabe" et la couleuvre nous est servie sur un plateau en "Grand Maghreb Arabe".On a vu que du feu! Si, comme à l accoutumée, la famélique Afrique continentale s'est trouvée sans mot à dire, amputée de sa partie septentrionale, la France officielle en Particulier et l'Occident (encore!) en général, frappés d'amnésie, ont pris goût à la farce et au jeu et ont eux aussi perdu le "Nord" de l Afrique.Personne n a crie gare, oublies *l Étoile Nord africaine*, le *Chamal Effrikia*, les championnat d Afrique du Nord etc. (Kene hna ou rah).
Pourquoi ? comment ? silence, on tourne !
Il y a l'Afrique Australe (le sud est déjà protégé par Pretoria qui ne veut pas se faire avoir par l'éruption d'un aléatoire "MADJNOUB"), 'Afrique de l'Est, du Centre, de l'Ouest (Ah!) mais point de.... Nord. Même le Robert a adopte la formule au mépris de toute évidence géologico-géographique. Non ! ce n est pas Fortuit !. Ce procédé sournois, visant a effacer le la mémoire des gens et de l'histoire une dénomination millénaire, procède d'une démarche mystificatrice, méthodique et parfaitement huilée. Avec sa charge idéologique bien particulière, le concept de "Maghreb" renvoie par analogie aux notions du Centre et ses périphéries de l'Est, et de l'Ouest... Pour le cas d'espèce, l'Est (le Machrek) est en même temps le Centre et au delà ....le nombril de leur monde fantomatique. C'est ainsi que la brebis galeuse (Algérie) d'Afrique du Nord, qui voulait, à son grand malheur, s'émanciper et partager avec l'humanité entière les valeurs universelles de son message de Novembre 1954, s'est vu rappelée à l'ordre. De message, il n y en a point!
Seul Ryad est "dépositaire" des tables de la....foi et donc du Message. N'est pas "gardien des lieux saints" qui veut (khadem el haramein) et la très familiale et clanique Arabie de la dynastie des Al Saoud a vite fait caracoler sur le fronton de ses sulfureux palais la devise, cousue d'or (jaune et noir) "Gardiens des 2 lieux saints". Dans cet Orient compliqué, le royaume de la famille a fait des émules. El Azhar, non content d'avoir calligraphié d'Arabe la république d'Egypte, a pousse l'outrecuidance jusqu'à tolérer la mécréante affiliation pharaonique "Misr Oum Eddounia"*.
Quelle hérésie, mes frères!
Il est hors de question de laisser ces chameliers du Nedjd et du Hidjaz faire cavalier (sic!) seuls pour damner le pion a notre chère et pyramidale Egypte. Et ce n est pas fini! L'Iran de feu descendant de Darius et Cyrus, empereurs perses, Mohamed Reza Pahlevi a ..."Persifié" le Golfe et ...Abou Moussa! De leur cote les Ayatollahs de Quom ont fait mieux que leurs confrères (ennemis) d El Azhar: Ils ont dépassé les pyramides et l'antique perse pour finalement en appeler au...Créateur.
Nous retrouverons plus tard le "guide de la Révolution" attitre de la très honorable et céleste révérence de "Représentant de Dieu sur Terre" Rien de moins! L'héritier de Nabuchodonosor et des sumériens n'a pas eu le temps de grimper les marches de la Tour de Babel; mal lui en pris puis qu'elle s'est écroulée sur lui : pour le moment il est sous les décombres par la faute des cow Boys du "Fard-Ouest". Chacun a son "*Ouest",
décidément! Pour l'anecdote, le "commandeur des croyants" du Royaume de l'Ouest "Maghrib" sera-t-il tolère longtemps par Ryad etc?
Toujours est-il que l' "Ouest" de sa majesté est outre-atlantique, ainsi ne lui reste-t-il que furie littéralement si le principe teuton du "Drang nach Osten" (voir plus haut). Et la...?! Et nous qui voulons rester nous-même, avons vite déchanter. Pour l heure, nous sommes toujours sous l'effet de la potion alchimique du "Djezzar" (boucher qui a coupé en tranches les restes sains de la brebis galeuse (Algerie Laïque, Amazigh avec ses lettres de noblesse, ancrage Nord Africain, Démocratie républicaine...) en usant de la lame acérée de "Djez ara" d'abord et son bras théocratique armé ensuite.Pour mettre terme à cette raison funèbre et pour dépasser les "sauts" de tout genre, la république citoyenne a besoin d'un "sursaut" rassembleur! Le génie de Boudiaf (arraché à l'Ouest faut-il le rappeler!) nous interpellera longtemps. Sinon, méditons encore et
toujours : Il était une fois le FARD-OUEST.

Nait Rabah


Réhabiliter la Soumam

La lecture sereine des faits marquants et événement tragiques qui ont jalonné l’histoire récente de l’Algérie contemporaine, depuis la mainmise, en 1957 avec l’assassinat de Aban Ramdane, du clan d’Oujda et tout ce qu’il représente comme féodalité citadine et rurale, Messaliste, Ulémiste et autre panarabistes nassériens, sur le cours de la révolution et par delà l’avenir de notre pays, nous amène à un constat aussi amer et riche d’enseignements :

Le caractère totalitaire de l’hégémonisme de ce clan sur les pans essentiels de la lutte armée d’abord (logistique, renseignements…) et l’Algérie indépendante est incontestable et sans discontinuité :
· La méthode pernicieuse utilisée par ces potentats, allant de Boussouf, Boumédienne, Bouteflika pour arriver à Nezzar, Lamari, Betchine, Touati, Smain et …Re-Bouteflika, Zerhouni et consorts, est simple :

- S’attaquer aux trois bastions ( et leurs représentants légitimes) de la révolution par le complot, la désinformation, la suspicion, le rapt et le chantage tout en se réclamant (premiers) défenseurs de la nation et des fameuses constantes nationales.
Les trois bastions cités plus haut, reflètent tout ce qu’il y a d’Algérie profonde, rurale et patriotique, parfaite image des « gueux » que nos seigneurs féodaux abhorrent. Pour eux, il est hors de question de laisser ces « gueux », ces « Âroubis » de novembre 1954 s’accaparer l’Algérie, parce que ce pays est leur « Makhzen », histoire de prendre exemple sur leur hôte d’Oujda qui plus est « commandeurs des croyants ».

· Le message républicain, laïque et social de la Soumam était l’ennemi principal à abattre, plus dangereux à leurs yeux que la France coloniale. À ce titre, faut-il rappeler que les Ulémas et leurs sacro-saints, Benbadis, Béchir el Ibrahimi avaient toléré l’administration coloniale pour peu que l’enseignement de l’arabe et les medersas leurs soient offerts. C’est dire!
La sale « besogne » entamée en 1957 n’a pas cessé pour autant, bien au-delà, du putsch d’août 1962, avec la prise de force d’Alger par les forces stationnées (parquées) aux frontières ouest et ses cohortes de morts (bataille de Sour-El-Ghouzlan). L’entreprise visait le peuple algérien, hautement politisé et qui n a pas la mémoire courte. Il fallait le rendre « amnésique », lui faire perdre, justement cette mémoire en détruisant ses repères et ses vérités. Ainsi dans le discours politique
officiel et dans les manuels scolaires, Boudiaf, Aït-Ahmed, Krim Belkacem, Khider, Ferhat Abbas, Amirouche, El haouès…disparaissent pour laisser place à une devise creuse et bien pensée : « un seul héros, le peuple ». Les pères fondateurs de cette nation héroïque ont été engloutis dans le magma de l’anonymat, décrété par Oujda. L’autre farce, consistait à effacer toute trace de dissidence par la diabolisation de la langue française = langue du colon, du roumi, de la France coloniale. Certes!
Mais le peuple algérien, par son génie propre, a su l’apprivoiser, pour en faire une langue de combat comme le peuple de paris en a fait usage en 1789 pour aboutir à la prise de la Bastille. Les patriotes et militants de novembre 1954 ont beaucoup de points communs avec les révolutionnaires français de 1789. ils sont tous deux issus de la masse des « gueux », et anti-féodaux, et à contrario, nos amis d’Oujda rappellent à bien des égards les féodaux de la France monarchiste du 18 ème siècle.
· Le message révolutionnaire de novembre 1954, qui a inspiré nombre de mouvements révolutionnaires de par le monde, a libéré l’Algérie et ..exorcisé la France républicaine de 1789 des démons de la France coloniale. Messieurs les tenants de l’Arabe nassérien et autres au service des féodaux locaux et d’ailleurs, le peuple algérien en usant de la langue de l’ennemi dans son combat, a libéré sa patrie et restauré, par la même, la France républicaine. C’est dans leur portée universelle que les révolutions de 1954 et de 1789 se rencontrent. C’est en français que les documents du FLN et ALN ont été conçus et rédigés et c’est en « arabe » que le clan d’Oujda est en tain de mettre à feu et à sang l’Algérie.
Autre constat, autre vérité : la quasi-majorité des dirigeants historiques (les vrais, ceux du 22 août 1954) ont forgé leur conscience et leurs armes politiques dans les mailles de l’émigration algérienne en France et des luttes sociales de la classe ouvrière (syndicats, mouvement associatif…). Dans un sens les révolutionnaires algériens ont puisé des valeurs et fourbi leurs armes dans les tréfonds de la France républicaine pour mettre fin à la France coloniale en Algérie. La lutte est sortie des « tripes » de l’ennemi et là la loi des contraires des sciences physiques est aussi valable en sciences politiques. À contrario les références idéologiques et politiques de nos comploteurs d’Oujda se situent au-delà des frontières Est de l’Algérie : El Azhar, Riyad et plus près de nous El Zeitouna. Le message républicain de la Soummam a été supplanté par la prose Benbadiste et autre Taleb Ibrahimi, qui chantaient à tue tête (chaabou eldjzairi mouslimoun wa ila el ouroubati yentassib).

C’est par une litote de Kateb Yacine que je répondrai à cette « agit-prop » : « Si le peuple algérien est arabe, pourquoi l’arabiser? Et s’il n’était pas arabe, pourquoi l’arabiser ».



Par : Naït-Rabah
Montréal, le 26 juillet 2003


Par : Nait Rabah.

À ceux et celles qui ouvriraient leurs sites à ces lignes, je leur transmets mes remerciements et qu'ils sachent qu'ils contribuent à la monumentale entreprise de réécriture de l'histoire de l'Algérie contemporaine, le rétablissement de la vérité et la réhabilitation de nos héros tombés sous les balles de leurs frères "d'armes".

De la Soumam à l'Aurès en passant par l'Ouarsenis

Il est des coïncidences dans l'histoire qui sont, si on y prend garde, plus instructives qu'un discours politique lequel souvent pêcherait par sa dimension idéologique.Dans le cas de notre pays, sa tragédie suit un tracé linéaire qui, à certaines étapes, allume des lampions comme pour nous éclairer sur la nature identique des auteurs de crimes qui jonchent depuis un demi siècle les sentiers de cette terre d'Algérie, Objet de toutes les convoitises.Si la France coloniale, malgré ses innombrables Oradour-sur-Glane est délibérément exclue de ce tracé cité plus haut, c'est que ses « méfaits » dans les mechtas obéissent à une logique cynique inhérente à tout hégémonisme qui dans son essence est criminel. À la longue et en dépit de sa cruauté, le peuple algérien par ses sacrifices et sa bravoure en est venu à bout. Le problème fondamental auquel fait face notre peuple convaincu de son authenticité et encore plus pernicieux et aussi dangereux que le colonialisme.Cet ennemi fantomatique a emprunté les habits de novembre 54 et usé du verbe de Benboulaïd, Abane, Ben M'hidi, Boudiaf et si Lakhdar. Il est vrai que son burnous de Bachagha ou sa kachabiya de ulémas lui permettent de dissimuler ses dessous sanguinaires et machiavéliques. Au gré des événements rupture qui ont secoué l'Algérie, cet hydre trouvait les moyens de s'ajuster s'appuyant sans vergogne sur la crédulité saine du peuple algérien et pour l'exemple, citons :
-Le congrès de la Soumam, présenté comme tenue d'assise de « renégats »soutenus par la France, ayant pour but de remettre en cause la dimension nationale de la révolution armée. (sic!);
-Abane Ramdhane, Assassiné par Boussouf et ses acolytes d'Oujda, est « tombé au champ d'honneur ». « Le chinois » de Constantine (Ben Toubbal) fière de ses accointances ulémistes est toujours en vie pour y attester;
-Le coup de force d'août 62 (prise d'Alger par la force) est présenté comme une opération militaire salvatrice, destinée à sauver l'Algérie de l'anarchie et des velléités sécessionnistes des « berbéristes » de la wilaya3 appuyés par les troupes de la wilaya 4 ;
-Il reste que la mort suspecte « colis piégé » de Ben Boulaîd, chef historique de la wilaya 1 (Aurès) demeure une énigme pour les historiens;
-La liquidation après dénonciation des colonels Amirouche et L'Haoues et un autre acte de bravoure (de cette hydre Oujdie). Plus tard la fille de LHaoues sera liquidée par les mêmes commanditaires du crime;
-La dernière victime en date est Boudiaf (Si Mohamed) et là c'est toute l'histoire de la révolution qui a été ciblée. Nous y reviendrons.Vous remarquerez que les événements cité plus haut ont tous un lien direct ou indirect avec les trois bastions qui ont « tenu» la lutte armée et qui ont décidé de la consécration de la primauté de l'intérieur sur l'extérieur (conclusions de la Soumam) :
Les Aurès (wilaya 1),
Le Djurdjura (wilaya 3),
L'Ouarsenis (wilaya 4).
Et comme cela ne suffisait pas, « Oujda », plus prés de nous a conclu à la fin des années 70, un accord stratégique avec « Peshawar » pour greffer dans ces trois régions précisément des hordes islamistes sanguinaires qui obéissent au doigt et à l'oeil des fils adoptifs de Boussouf. Pour parfaire leur travail, les « Oujdis » ont pris en charge un de leurs rejetons, du nom de Abdelaziz Bouteflika alias « commandant abdel kader » (sic!) pour l'envoyer se recycler, début des années 1980, dans les officines de la finance du golfe arabo-persique, mère nourricière de « Peshawar » et nous le réexpédier sous forme de bébé prématuré en parfait « Karzaï » algérien. C'est dire qu' « Oujda » a de la suite dans les idées.
Reconnaissons lui quand même sa polyvalence. Pour l'histoire, le fameux « commandant» Abdel kader a gagné à l'âge de 20-21 ans ses galons de commandant dans les ruelles sombre de Oujda, lieu de ses hauts faits militaires. À l'indépendance, il s'est maintenu « en forme » (1962-1964) au Ministère des sports en attendant en toute quiétude qu'une place de titulaire lui soit offerte au Ministère des affaires étrangères une fois que son locataire « francophone » «anti-arabe » Mohamed Khemisti soit violemment (assassiné) délogé de cette institution étatique. Rappelons que feu Mohamed Khemisti a contesté les relents nassériens du premier président illégitime algérien, Benbella, premier chantre de l'araBETIsation et de la destruction du système scolaire algérien. Et depuis la porte est resté ouverte à tous les charlatans provenant ou se réclamant de l'Orient arabo-musulman.

Nait Rabah.
Montréal, le 16 Juillet 2003




ENSEIGNER TAMAZIGHT


Le refus des uns alimente le refus des autres.
Hier, on opposait aux militants de la cause amazigh répression et prison aux plus ' virulents ', insultes et autres ' joyeusetés ' semblables, au reste du mouvement amazigh. Est-il nécessaire de le rappeler ici.

Aujourd'hui, contrairement aux années 70 et 80, ces 'arguments' n'étant plus de mise, parce que inopérants, on affirme que tamazight et amazighité sont le patrimoine de tous les Algériens, et, en tant que tels, nul n'a le droit de les instrumentaliser, de les monopoliser, de les dévoyer... Certes, mais !

Cette profession de foi, frappée au coin du bon sens, est affirmée par l'ensemble des dirigeants et responsables algériens : du responsable d'association au chef syndicaliste, d'un chef de parti au premier magistrat du pays !

Face à une telle unanimité devant ce qui semble devenir une évidence pour la plus grande majorité des Algériens, nous étions en droit d'attendre une solution rapide, franche et sereine de la question identitaire et linguistique amazigh en Algérie. En réalité, destiné à calmer les esprits, à gagner du temps, le discours (ou les promesses) n'est pas suivi d'effet jusqu'à présent.

Les militants du mouvement amazigh, échaudés par des décennies de lutte, de répressions, d'injures, de mépris mais également par des manœuvres dilatoires s'arc-boutent dans leur refus de tout compromis -sachant que toute faiblesse de leur part sera amplifiée par le régime-, le mouvement s'enferme dans une attitude de raideur et de refus systématique.

Cependant, cette fermeté, et les actions " suicidaires "' qu'elle implique, commence à interpeller les Algériens, à susciter inquiétude, lassitude et à porter atteinte à la crédibilité des responsables du mouvement amazigh. Cette ' politisation ' excessive du mouvement culturel, cette attitude du ' tout opposition ', presque par principe ; le tout sans propositions ni suggestions pour la sortie de ce ' bras de fer ', où culture et population sont prises en ' otages ' et mises en balance, ne prélude rien de bon quant au devenir du Mouvement Culturel Berbère (M.C.B.).

Quant au pouvoir -le régime ou l'administration, on ne sait plus '-, il se retranche derrière un subtil jeu d'arguties juridico-constitutionnelles : le chef de l'Etat, étant un président de transition, n'a pas les moyens constitutionnels pour officialiser la langue tamazight. Pourtant, dans d'autres domaines, ce président de transition a démontré qu'il avait les moyens de pouvoir agir...

On en arrive à penser que l'un et l'autre (le M.C.B. et le Pouvoir) se nourrissent de leur refus et de leur exclusion réciproques ! Que la 'diabolisation' de la question identitaire sert finalement les intérêts des uns et des autres au détriment de la véritable résolution de la question linguistique qui, somme toute bien analysée, est relativement simple et ne mérite pas tant de 'tapages' ni autant de blocages.

Néanmoins, et pour la première fois dans notre histoire, deux tabous viennent de sauter. Le premier, nous l'avons déjà dit, nul en Algérien, tout au moins une large part de la population, ne conteste la légitimité de la revendication amazigh et tous d'affirmer que l'amazighité est l'identité de tous les Algériens et que la tamazight doit être officialisée et enseignée. Le deuxième point est la création de la Commission nationale de tamazight.

Cette commission, dite ' Commission Sifi ', a fini en queue de poisson. Pourtant, malgré le défaut inhérent à ce genre d'institutions, ne dit-on pas que pour noyer une affaire autant la confier à une commission... a le mérite d'exister pour la première fois.

Elle a dressé un catalogue sous forme de questionnaire axé sur quatre thèmes que l'on peut résumer ainsi :

1 - Quel statut pour la langue amazigh dans le système national de l'enseignement ?
- enseigner la langue amazigh ou enseigner en langue amazigh ?
- quelle place lui donner dans chacun des trois niveaux :
primaire,
secondaire,
supérieur ?
- où introduire cet enseignement :
a) dans les régions amazighophones uniquement ?
b) dans l'ensemble du pays ?
- l'enseignement sera t-il obligatoire ou facultatif ?

2 - Comment identifier la langue à enseigner ?
- l'enseignement portera-t-il sur la langue-mère (grammaire commune) ou sur les parlers locaux ?
- quel mode de transcription adopter : caractères arabes, caractères tifinagh ?

3 - Quelle prise en charge des moyens pédagogiques ?
- questions portant sur le programme, les livres, les enseignants (statuts, carrière, niveau, formation, etc.)

4 - Quel programme d'action pour la mise en oeuvre ?
- date d'introduction officielle de l'enseignement,
- programme de travail concernant toutes les institutions...,
- mode de suivi par le gouvernement,
- définition du rôle de la Commission nationale...

Comme on peut le constater, la Commission s'intéresse à tout y compris aux statuts, niveaux et carrières (assimilation, etc.), des futurs enseignants de tamazight ; mais elle se préoccupe également de son rôle et de ses fonctions futures ! De même, qu'elle a le mérite d'avancer succinctement les arguments pour et contre à chacune des questions soulevées...

Cependant, son grand tort est de ne suggérer aucune proposition ni mesure concrètes ; d'ailleurs le pouvait-elle ? S'abritant derrière la soi-disant difficulté du problème, se réfugiant dans des considérations techniques ' ardues ', pour finalement laisser entendre que la question amazigh est si complexe, qu'elle embrasse un domaine si vaste, qu'elle est insoluble et... irréalisable ! Au fond elle préfère ' noyer le poisson ' sans se mouiller !

Par notre modeste contribution, nous lui administrons la preuve du contraire. Cette contribution est ce qu'elle est mais au moins nous avons la volonté de proposer des mesures, certes discutables (modalité, durée, coût, etc.), mais réalistes et réalisables. Car rien n'est impossible quand la volonté politique (l'Etat), appuyée par le peuple, entreprend une tâche d'envergure nationale.

Car l'enseignement de tamazight, son officialisation et son extension à l'ensemble du pays, est une véritable cause nationale.

Contribution au débat sur l'enseignement de Tamazight.
A - Une langue officielle : une affaire de volonté politique.

" Un langue officielle est un dialecte qui a une police et une armée "' selon l'expression communément admise et citée par Mouloud Mammeri.

En effet, toute langue, avant d'être officielle, ne fut à l'origine qu'un patois, un idiome ou un dialecte. Bref, une langue vernaculaire qui s'est imposée grâce à la puissance, au prestige de ses locuteurs constitués en groupe dominant. C'est pratiquement le cas de toutes les langues.

Dans l'absolu, les langues à l'origine, n'étaient donc ni inférieures ni supérieures les unes aux autres. Elles n'étaient toutes que de simples dialectes qu'un groupe homogène, plus puissant, se constituant en pouvoir central, impose au reste de la population, d'une Nation, d'un Etat : tel fut le cas de l'arabe, du français, du grec, du latin, etc.

Ensuite ces langues, bénéficiant de la puissance publique, n'ont cessé de se développer et de s'enrichir : c'est le propre de toute langue ' vivante'. Ce développement s'est fait par la création de néologismes à partir de la langue proprement dite, grâce à des préfixes et suffixes autour de radicaux linguistiques indigènes, soit par amalgame et incorporation de lexiques proches linguistiquement, et, enfin, par intégration et ' indigénisation ' de mots étrangers à cette langue.

Donc, c'est bien grâce aux moyens mis à sa disposition par les pouvoirs centraux, mais également grâce au génie propre de ses locuteurs, notamment l'élite intellectuelle, artistique et savante, que la langue se développe, s'enrichit. Comme elle peut également par désintérêt, par étouffement, s'ankyloser, s'atrophier, pour ne plus être qu'une langue mineure ou carrément une langue ' morte '. Et finalement disparaître.

Ainsi, certaines langues dites vernaculaires, dialectales, ' mortes ', etc., ne sont en réalité que des langues dont les peuples d'origine ont cessé d'irriguer. Elles sont également victimes de l'ostracisme historique, politique, économique. Tel est le cas des 2 500 langues africaines, des 800 langues de l'Inde... Pourtant, il suffirait de la volonté d'un groupe, ou d'un pouvoir central décidé, pour qu'elles accèdent au rang de langues nationales et officielles. Ceci est souvent l'affaire d'une génération : des exemples de langues ' ressuscitées ' ne manquent pas dans le monde (l'exemple de l'hébreu moderne est là pour l'attester).

S'agissant de la tamazight, cette langue n'est ni morte, ni inapte à sa ' résurrection '. Au contraire, malgré tous les handicaps, malgré toutes les embûches qu'elle dut surmonter depuis des siècles, elle demeure vivante, ' vivace ', dynamique parce qu'elle est suffisamment riche, structurée et en même temps assez souple pour à la fois se maintenir depuis des millénaires mais encore capable de s'enrichir, de se moderniser. Ce qui n'est pas donné à toutes les langues!

B - La question de l'alphabet.

Les caractères servant à la transcription d'une langue ne sont qu'une convention adoptée à un moment donné par les ' inventeurs ' des dits caractères et utilisateurs de ladite langue. De tout temps et en tous lieux, des peuples avaient élaborés des systèmes d'écritures qui vont des hiéroglyphes aux idéogrammes en passant par l'écriture cunéiforme et enfin l'alphabet qui peut être cursif, indépendant ou agglutinant. Plus tard, il se forme un attachement psychologique, affectif et même ' métaphysique ', pour ne pas dire ' sacré ' entre telle écriture, sa langue et son peuple. Car l'une et l'autre servant à exprimer la pensée, les sentiments et l'être profond de chaque individu. Ainsi en est-il de la sacralité de l'écriture (et de l'écrit) chez certains peuples...

Cette écriture, ou ces écritures, n'a pas cessée d'évoluer, de se diversifier tout en se simplifiant dans l'ensemble et en même temps explorant les voies offertes par l'esthétisme des artistes, elle s'enrichit : d'où la profusion des multiples fontes qui existent pour un seul alphabet. Mais cet enrichissement, cette diversification et cette simplification n'ont pu avoir lieu que sur un laps de temps et d'usage très long ainsi que par un très grand nombre d'utilisateurs. Aussi, une écriture qui peut paraître aujourd'hui ' figée ', ou prétendument inadaptée, peut évoluer très vite demain grâce à des millions d'utilisateurs.

C - Le coût financier.

L'argument économique, l'aspect ' bassement matériel ' ne doit pas entrer en ligne de compte. Cette question du coût économique est un faux problème ; c'est l'arbre qui cache la forêt. Qui veut la fin se donne les moyens. D'ailleurs nous l'avons bien vu avec l'arabisation en Algérie et les milliards engloutis pour son enseignement mais également à tout ce qui concourait à son environnement, afin d'aller vite en besogne. Nous connaissons le piètre résultat d'un tel gaspillage et les conséquences désastreuses dont nous subissons les contrecoups aujourd'hui.

Mais hélas ! il n'y pas que dans l'arabisation que l'Algérie a dépensé sans compter. Qu'est-ce que nous n'avons pas gaspillé dans des dépenses somptueuses, de prestige... depuis trente ans !

Le médecin qui soigne un malade ne se préoccupe pas du coût. Sa principale préoccupation est la guérison de son patient. Ici, dans le domaine de notre identité et de notre langue, il s'agit de ' guérir ' tout un peuple ! Un peuple qui doit recouvrer son identité, sa culture, ses racines, son histoire... Bref, il nous faut reconstituer notre authentique personnalité, et pour cela il n'y a pas de prix. Ou plutôt si, il faudra en payer le prix !


D - Quelle écriture (Caractères) ?

Comme nous l'avons noté dans les propositions de la Commission, actuellement trois thèses s'opposent et s'affrontent âprement.

a) caractères arabes.
Les tenants de l'utilisation des caractères arabes avancent les arguments suivants :
- Ce sont des caractères largement répandus et utilisés à travers le pays.
- Ils restitueraient, mieux que d'autres alphabets, la phonologie amazigh.
- Les langues arabe et tamazight seraient proches phonétiquement, grammaticalement (ce qui est archi-faux), etc., parce qu'elles seraient, selon eux, issues d'une souche linguistique commune : le chamito-sémitique.

Ils en concluent que l'alphabet arabe présente des avantages économiques, un gain de temps (pour l'apprentissage) et une meilleure aptitude à restituer tamazight. En même temps, ils s'acharnent contre les tenants des caractères latins.

Selon eux, ces caractères (latins) nous sont lointains, étrangers, récents et d'usage et d'apprentissage difficiles. En plus de sa complexité par l'adjonction de ' caractères phonétiques ', cet alphabet latin nous ' plonge ' ou nous fait ' obligatoirement ' appartenir à une sphère qui nous est étrangère, hostile (en l'occurrence le monde occidental) et à une idéologie contraire à notre personnalité...

Ils ajoutent que cet alphabet n'est défendu que par des francisant, francophones, pour ne pas dire francophiles. Bref, c'est le ' hizb fransa ' qui avance sous cet habillage. Enfin, cet alphabet, par le doublement des impressions, oblige à multiplier par deux le prix des écrits : du simple tract à l'encyclopédie...

Les détracteurs des caractères latins oublient que l'on est déjà dans cette situation depuis l'indépendance ! Et encore faut-il rappeler que le français qui n'est ni langue nationale ni officielle, occupe tout de même une place de choix, notamment dans l'administration !

Faut-il rappeler enfin que les champions des caractères arabes sont tous des arabisants et arabophones... et qui, tout en accusant les autres (francophones) de ' trahison ', se gardent bien d'avouer la leur ; c'est-à-dire leur allégeance avérée aux Etats d'Orient !

b) caractères latins.

Ceux qui prônent l'usage des caractères latins (ils préfèrent parler d'API : alphabet phonétique international), affirment que ceux-ci seraient universellement et internationalement admis et utilisés. Ils véhiculeraient le progrès, la science, le savoir et les techniques. Grâce à eux, notre langue et notre culture seraient propulsées de plain-pied dans le monde entier parce qu'elles seraient devenues ' compréhensibles ' et accessibles à tous.
D'ailleurs, ajoutent-ils, nous ne sommes pas les seuls à les utiliser : bien des peuples asiatiques, arabo-musulmans, turcs... les utilisent sans renier pour autant leur culture, leur identité ou leur choix idéologique.

En outre, selon cette thèse, cet API a l'avantage d'être économique, dans la mesure où il est largement répandu et utilisé en Algérie et dans le monde. Il nous permettrait également à moindre frais d'accéder rapidement et sans grands bouleversements aux technologies de pointe. Enfin, simples et pratiques, ces caractères API restituent tout autant que d'autres, sinon mieux que d'autres, la phonologie amazigh et se prêtent avec souplesse à sa syntaxe et à sa grammaire.

Ils ajoutent enfin qu'il ne faut pas négliger que tous les travaux scientifiques faits sur notre langue et culture depuis plus d'un siècle, l'ont été dans cet alphabet bien plus qu'en arabe !

Heureusement que l'on a été colonisé sans quoi que serions-nous devenus, a-t-on envie de leur répondre !

En conclusion, économique, pratique, neutre et universel, ayant fait ses preuves par ailleurs, cet API ne véhicule aucune idéologie politique ou religieuse : il n'est qu'un simple outil ni plus ni moins.

Comme si en ce domaine il pouvait exister une innocence quelconque ! En, réalité, les uns et les autres situent leur ancrage et leur modèle ailleurs que dans leur propre pays.

Il y en a même qui, sous prétexte de scientifisme, dressent une liste de fonctions annotées de 0 à 1, et ils totalisent les atouts des écritures arabes, tifinagh et API … Inutile de dire que l'alphabet arabe obtient 0, le tifinagh 2, et les caractères API… 10, bien sûr !

A noter :

Bien que militants pour la reconnaissance et la renaissance de notre langue, Arabophones et Francophones n'ont pas la même approche ni la même démarche. Tout en défendant leurs thèses, tout en s'opposant farouchement les uns aux autres et en s'accusant mutuellement d'être chacun à la solde de ' l'ennemi ', tous deux s'accordent pour faire l'impasse (omission volontaire) sur l'utilisation des tifinagh. Car en cela, ils se retrouvent tous les deux pour dénoncer l'archaïsme des tifinagh, leur inaptitude : ils seraient, selon eux, difficiles, d'usage compliqué, impropres à la communication, parce que non cursifs (l'hébreu et le sanscrit, pour ne citer que ceux-là, ne le sont pas non plus, et pourtant ils existent), enfin étant consonantiques et trop rigides, ils (les tifinagh) se prêtent mal à une utilisation moderne de notre langue.

Et comble de l'ironie, les tifinagh, toujours selon eux, nous ramèneraient au néolithique ! Seulement, ils ne veulent pas admettre que si le peuple nord-africain traîne dans un ' néolithique attardé ', ce n'est pas la faute aux tifinagh mais à nos ' élites ', toute origine et tendance confondues qui, depuis des siècles, n'ont jamais su nous guider, nous orienter, nous dire notre authentique culture et personnalité. Au contraire, ce ne furent que mensonges et fuites en avant. A chaque fois ils ajoutaient des guenilles au vieil épouvantail arabo-islamique, croyant ainsi le rendre plus présentable à défaut d'être attrayant !

En vérité, ils ne faisaient que travestir la réalité et l'histoire. Au point que le Nord-Africain en général, et surtout l'Algérien en particulier, est aujourd'hui totalement désorienté. Il se sent tout et rien à la fois, et nulle part où se repérer, s'orienter, se raccrocher. Surchargé d''apports ', de guenilles, et autres derbals, il se croyait riche ! Et, en effet, que ne lui a-t-on pas fait endosser et croire : on lui dit qu'il a subi les influences (bénéfiques en plus !) espagnoles, italiennes, françaises, arabes, juives, maures (sic), grecques, romaines, phéniciennes, turques...

Bref, pour tous ces gens-là, l'identité algérienne serait une sorte de ' dépotoir ' et les Algériens une ' poubelle ' !

L'Algérien, le pauvre malheureux, se trouve dans la situation de ' creuset ', d'une nation en formation, d'une identité en mosaïque, à se réclamer du fameux triptyque, plutôt le trépied : amazighité, arabité, islamité!

Dans toute forme d'expression, l'Algérien a le sentiment profond d'être étranger à lui-même, ' exilé ', dans une contrée qui n'est jamais la sienne ; qui n'exprime jamais son être... Pourtant, par atavisme ou accoutumance, il préférera encore cet état schizophrénique plutôt que de s'assumer réellement. La remise en cause est certes dure, car il s'agit de tout mettre à plat, d'élaguer ces surcharges inutiles et d'affronter la vérité, démuni certes, et même nu, mais enfin combien léger et libre, pour accéder pleinement à soi.

Donc cet être traumatisé, blessé, fêlé ; bref, cet être aliéné est prêt à utiliser les caractères arabes, latins ou les hiéroglyphes égyptiens ou les idéogrammes chinois ou les caractères hébraïques, mais jamais sa propre écriture par honte de soi, par mépris de soi, par rage autodestructrice !

Chinois, Japonais, Coréens, Hindous, Hébreux, etc. utilisent les caractères latins, et surtout l'anglais comme langue d'échange et de communication avec l'étranger mais sans renoncer pour cela à leurs propres langues ni à l'utilisation de leurs propres écritures. Chez nous, si !

c) caractères tifinagh.

Les tenants de l'utilisation du tifinagh partent d'un constat de simple évidence : pourquoi aller chercher ailleurs ce que a l'on chez soi ? Cet alphabet, le tifinagh, est le nôtre et, malgré ses défaillances certaines, il mérite tout autant que d'autres d'être utilisé, d'être popularisé, d'avoir les mêmes chances que les autres alphabets en concurrence.

Tamazight a son écriture. Le tifinagh est l'âme, la colonne vertébrale de tamazight. Cette écriture est ce qu'elle est, elle n'en demeure pas moins sa véritable écriture et sa réelle expression avant tout autre alphabet aussi prestigieux ou ' mercantile ' soit-il. Car le tifinagh, bien mieux que tout autre alphabet, est le mieux à même de restituer toute son originalité, sa richesse, son authenticité à notre langue. Sans omettre qu'il est l'une des plus anciennes écritures dans le monde. Des rives du Niger aux confins du Soudan, de l'Egypte aux Iles Canaries, de la Crête au Sénégal, et cela depuis des millénaires, les traces de notre écriture sont parsemées dans ces contrées. Cette écriture antérieure au phénicien lequel, serait l'ancêtre de ces alphabets dits ' modernes '.

Si nos ancêtres ont eu l'audace, l'intelligence ou la ' folie ' de nous inventer cette écriture et de nous la léguer par delà les siècles, est-ce bien honorable et digne de notre part de la refuser et de la condamner sans lui donner une chance aucune ? En ce cas pourquoi s'acharner à exiger l'enseignement de la tamazight, la reconnaissance de son identité et de sa culture, si l'on est prêt à abdiquer, à sacrifier ce qui constitue son fondement, sa charpente, son bernus?

Donc pour des raisons à la fois légitimes, historiques, sentimentales, psychologiques, mais également de " souveraineté linguistique ", et même d'enrichissement du patrimoine humain mondial, le tifinagh doit s'imposer. On peut opposer à cette thèse d'être par trop ' sentimentale ', pas assez ' objective '... Elle a le mérite d'affronter la réalité avec lucidité et courage et d'assumer sa part de responsabilité, au lieu de s'abriter derrière des paravents ' pseudo-techniques' complexes afin de mieux asseoir des cultures étrangères comme le font certains qui jouent au ' cheval de Troie '.

Loin d'être de " doux rêveurs ", ni des sentimentaux " subjectifs ", les tenants du tifinagh, compte tenu des réalités (notamment l'indigence dans laquelle est tombée notre langue), proposent dans un premier temps l'utilisation du tifinagh concurremment aux autres alphabets. Ceci durant un laps de temps assez bref mais suffisamment long pour permettre aux milliers d'usagers de faire leur choix en toute connaissance de cause et de dire également les avantages et les inconvénients de chaque graphie utilisée.

Ils estiment que nous avons suffisamment gâché de temps, d'argent et de moyens depuis deux mille ans pour que cette expérience exaltante mérite d'être tentée. D'autant plus qu'il serait dommageable pour nous et pour l'humanité entière que ces tifinagh inventés à l'aube des civilisations disparaissent comme ça, rien que pour faire plaisir à quelques aliénés culturels ! pour ne pas dire aliénés mentaux !

Il est fort probable que l'étude systématique et généralisée de la tamazight et des tifinagh nous apprendra des choses, nous fera des ' découvertes ' et des révélations sur l'histoire linguistique et religieuse de l'ancien monde et de toutes ces prestigieuses contrées citées précédemment... Egypte, Grèce, etc.

Alors, il serait vraiment regrettable que, par opportunité, par fainéantise ou par préférence idéologique (notamment ce besoin d'appartenir à une autre sphère que la sienne), le tout camouflé sous de fallacieux raisonnements : pragmatisme, économisme, universalisme, etc., l'on renonce à ce que nous sommes. Abdiquer notre être, nier notre patrimoine... mais alors autant cesser tout combat et renoncer à toute lutte ! à toute affirmation identitaire ! Puisqu'il nous suffira désormais d'importer ' clé en main ' (comme ce fut le cas pour l'économique et industriel), y compris l'alphabet, la pensée et le rêve aussi !

En conclusion.

Finalement, les tenants du tifinagh, ces gens taxés d'"archaïsme ", font preuve de plus de pragmatisme, d'esprit d'ouverture et de tolérance. Bien que très attachés à l'authenticité linguistique, culturelle et alphabétique, ils ne se déclarent pas moins prêts à tenter une expérience que les autres, sous couvert de pseudo-universalisme et de soi-disant progrès moderniste, refusent tout simplement. En vérité les champions des caractères arabes ou latins refusent tout bonnement d'assumer avec courage et sincérité notre lourd héritage avec ce que cela implique d'efforts, de recherches, de sacrifices mais également de critiques et de remise en cause...

E - Enseigner : Où, quand, comment ?

Dans un premier temps, à titre expérimental, la tamazight ne sera enseignée que dans les régions amazighophones et celles qui en feraient la demande. Cet enseignement se faisant dans le parler local mais avec une grammaire commune et dans le mesure du possible un lexique unifié. Quant à la transcription, les trois graphies seraient utilisées, testées, mais avec un effort particulier pour le tifinagh (qui est actuellement défavorisé par rapport aux deux autres alphabets).

Une phase zéro devant s'étaler sur cinq à sept ans permettra de développer des méthodes pédagogiques, la formation d'enseignants et de formateurs (de formateurs), la création d'un Institut pédagogique national et des instituts pédagogiques régionaux, enfin la mise sur pied d'Ecoles normales nationales et régionales.

Le but de ces instituts dans un premier temps est la collecte et le recensement de tout ce qui a trait à notre culture et notre langue. Dés équipes (à l'image de ce qui se fait lors de recensements de la population, ou de ce qui fut tenté lors de la ' révolution agraire ') constituées de jeunes amazighophones, de préférences bilingues ou trilingues, armées de moyens audiovisuels, sillonneront le pays pour répertorier tout ce qui constitue notre patrimoine.

Le résultat de ces enquêtes sera réuni, groupé par thèmes et par régions, étudié par différents spécialistes du domaine amazigh. Le résultat final de tout cela sera associé au travail des grammairiens et linguistes, soutenus de pédagogues compétents qui, eux, auraient d'une part travaillés sur les travaux anciens et récents, et complétés et confrontés ces travaux avec les résultats de cette vaste enquête nationale. Celle-ci sera l'équivalent d'un recensement du patrimoine culturel national sous toutes ces formes : orales, écrites, archéologiques, artisanales, littéraire, etc. Cela devrait aboutir logiquement à l'élaboration d'une grammaire commune (en réalité celle-ci existe déjà), d'un lexique unifié, de manuels scolaires, etc. Bref, et tout ' l'outillage' nécessaire à l'enseignement d'une langue nationale et officielle.

En même temps les Ecoles normales formeraient dans un premier temps (comme cela fut réalisé au lendemain de l'indépendance) des moniteurs, des instructeurs, des enseignants confirmés. Car il s'agit de recruter largement, à partir du brevet ou du bac., pour former le plus grand nombre d'enseignants et de formateurs. Ces enseignants tout en... enseignant suivraient une formation à la fois linguistique mais également générale. De sorte qu'ils puissent être intégrés et assimilés à l'ensemble du corps enseignants et non pas constituer des ' demi-solde ' ! Il est à noter que cette mesure contribuera à absorber le chômage qui frappe les jeunes en général et particulièrement ceux des régions amazighophones déshéritées.

Parallèlement à ces mesures, l'environnement social, culturel, médiatique, l'édition et la presse, les arts, etc., devrait être non seulement sensibilisé mais ' incité ' a contribuer à la propagation et à la promotion de notre langue et de notre patrimoine national. Progressivement la presse, la radio, la télévision devront réserver des pages, des plages horaires, des émissions entièrement en tamazight avec incorporation et explication de néologismes afin de préparer la population et la familiariser avec à une langue nationale unifiée.

Pendant cette première phase expérimentale, ou phase zéro, des bilans annuels ou bisannuels seront faits à l'issue desquels des corrections ou des renforcements seront entrepris. De sorte qu'après cette première phase, le terrain aura été débroussaillé, des milliers d'enseignants formés, des centres pédagogiques et des écoles normales bien rodés et en plein fonctionnement, un environnement amazighophone démultiplié et généralisé, une langue avec une grammaire et lexique communs en expérimentation et en cours d'achèvement, une écriture nationale...

Ammar NEGADI



La ContrEvolution en Algérie : (Autopsie d'une faillite annoncée 1962/2000)

PRÉSENTATION


Est-il besoin d'une autorisation (et de qui ?) pour traiter d'un sujet ? Faut-il être forcément diplômé ou, mieux encore, spécialiste pour prétendre et/ou pouvoir "discuter" sur tout et de rien ? Ces questions/réponses destinées à l'éditeur qui voulait savoir qui nous étions... Comme si le fait d'être un simple citoyen (qui plus est profane) nous privait d'opinion et de tout droit à l'expression !

Ceci étant dit, cette petite étude, qui peut paraître par trop personnalisée, "engagée" ou même trop subjective, émotionnelle diront certains, donne un bref aperçu, et cependant assez complet, avec analyse et commentaires, de la situation algérienne des trente dernières années.

En effet, c'est un document qui dresse un tableau succinct de la mouvance islamiste, notamment de sa partie " visible ", le FIS, en Algérie avec de courtes notices biographiques de ses principaux responsables et une biographie des principaux personnages fréquemment cités dans le texte. Suivent des réflexions sur les perspectives/conséquences qui " s'offrent " à l'Algérie selon que tel ou tel clan qui l'emporte. Le document se poursuit également par un recueil d'extraits de déclarations de personnalités (intellectuels, journalistes, politiques, enseignants, etc.) algériennes, nord-africaines, " musulmanes " et étrangères.

Enfin sont cités de nombreux documents relatifs aux différentes phases du dialogue national. Complétés par les différents textes " fondateurs " de l'Algérie actuelle, les résultats électoraux de ces dernières années, une chronologie qui, au fil du temps, s'est transformée en une véritable chronique de l'horreur au quotidien, une bibliographie. Et pour clore le tout, une fiche synthétique sur l'Algérie.

L'esprit et la démarche sont résolument hostiles à l'islamo-intégrisme et contre ses menées fascisantes, comme ils s'opposent à l'interférence religieuse dans la vie sociale, économique et politique du pays. Absolument critiques à l'égard du régime FLN depuis 1962 à ce jour, et très réservés quant au rôle néfaste, prébendier -pour ne pas dire mafieux-, d'une certaine hiérarchie militaire. Sans complaisance envers les démocrates, laïcs et autres pseudo républicains autoproclamés. Réservés sur les méthodes, pratiques et moyens de certains mouvements amazigh. Opposé à toute instrumentalisation de l'identité nationale (amazighité) et de la Région comme moyen, base ou substrat à toute stratégie politicienne ou clanique. Très critiques quant à l'utilisation de l'" opposition " supposée, suscitée artificiellement et volontairement entretenue, entre francophones et arabophones. Ce sont ces principes qui nous ont animés et prévalu tout au long notre travail.

Ce riche éventail constituera, nous en sommes persuadés, l'élément de base, et une source de références documentaires, pour tout travail ultérieur. Cet ouvrage s'adresse en particulier à l'enseignant, à l'étudiant mais également à toute personne, notamment les jeunes, qui n'aurait eu ni le temps ni les moyens de suivre (et de lire)
" tout " ce qui se rapporte à la crise algérienne actuelle dont les racines remontent en fait à des décennies en arrière .

Ce travail est conçu aussi comme un plaidoyer par trop personnifié, presque partisan, avec ce que cela peut supposer de subjectif, d'émotionnel, de passionnel, de véhémence vindicative et de violence allant parfois jusqu'à l'outrance (on peut penser que tout ce qui est excessif est insignifiant… Nous ne pensons que ce soit présentement le cas ici). Il peut paraître également passionnant, tel un roman ou une chronique haletante et infernale tenue au quotidien. Cet aspect événementiel, à chaud, rappelle davantage le côté journalistique, cette histoire au jour le jour, où seuls les faits sont mentionnés sans fioriture aucune. Evidemment, on pourra déceler des lacunes, des insuffisances, comme l'on pourra être choqué par le ton volontairement excessif, exagéré, passionné, voire violent... Mais peut-on aborder aujourd'hui la situation actuelle en Algérie, et ce qu'endure le peuple algérien, tout en restant impavide, neutre, indifférent ?

Enfin si cela pouvait contribuer au débat démocratique en Algérie, comme au rejet définitif de tout ce qui s'oppose à une véritable démocratie dans un Etat de droit. Nous aurons amplement réussi.
En guise de préambule : Dieu... fatigué des Arabes !
De tous les peuples croyants, seuls les musulmans, et les Nord-Africains en particulier, invoquent Dieu à tout instant. En effet, le Nord-Africain vainqueur ou vaincu, oppresseur ou opprimé, riche ou pauvre, malade ou bien portant, à tort ou à raison, qu'il rit ou qu'il pleure, qu'il mange ou qu'il rote... Pour un oui ou pour un non, il appelle Dieu. Dieu est invoqué à tout bout de champ, à tout instant, que s'en est lassant !

Par habitude, par " culture " également mais surtout par paresse et par hypocrisie aussi, Dieu est mis à toutes les sauces, associé à toutes les combines ! Pourtant, si les musulmans avaient vraiment la foi, et s'ils croyaient ou respectaient un tant soit peu leur Dieu (ou leur "Rabbi"), ils ne l'insulteraient pas en l'appelant à tout instant, comme un vulgaire larbin.

Pas une demeure, pas un lieu public ou privé, pas un véhicule particulier ou commun (en réalité il n'y a nul lieu ou d'endroit) où Dieu, Mohamed son prophète, ainsi que d'autres insanités religieuses, ne soient mentionnées, exhibées, placardées, affichées. Bientôt, après les pendules, les horloges, foulards " kippas " et autres pendentifs et amulettes, Dieu verra son nom sur les babouches. Comment, vous marchez sur Dieu ? Mais c'est un blasphème, un crime, leur dira t-on ! Non, vous répondront-ils, Dieu nous porte et guide nos pas ! Jusqu'où se nichent l'obscurantisme bigot, la superstition et l'ignorance crasses.

Quant à leurs lettrés, sages, imams, muphtis et autres toulabas, c'est-à-dire tous ceux censés les guider et les conseiller qui, loin de les dissuader d'un tel comportement et d'une telle mentalité ; au contraire, ils les renforcent, les enfoncent et les maintiennent dans cette voie !

Même ceux qui se situent dans le camp dit des républicains, laïcs, démocrates et autres progressistes autoproclamés, ceux-là aussi tentent à leur tour de persuader le peuple de l'existence d'un islam ouvert, tolérant, fraternel, convivial... et autres incohérences et incongruités semblables !

Telle cette formulation de " l'islam de nos pères ", laquelle serait cocasse si elle n'était porteuse de dangers ultérieurs. En effet qu'est-ce que cela veut dire au juste ? Est-ce un islam bon enfant, " pépère ", tranquille ? Est-ce un islam paysan et populaire, emprunt de fétichisme et de paganisme, tolérant et ouvert ? Est-ce un islam libre de toute mainmise partisane, idéologique et surtout libre de toute influence et allégeance extérieures ? Un islam sans messianisme, sans volonté de conquête ni de domination (comme le sont toutes les religions, dont seules les méthodes et les moyens changent selon les époques et les cieux) ?

Mais, l'islamiste, qu'il soit intégriste ou modéré (si tant est qu'il existe des islamistes ou des religieux modérés) ne serait-il pas lui aussi enclin, et en droit, de se réclamer à son tour de cet " islam de nos pères " ? N'a-t-il pas lui aussi des pères, musulmans et nés également sur ce sol ? N'est-il pas également fondé, en vertu de cette même logique, à lutter pour légitimer sa religion (celle de ses pères), et en même temps vouloir l'expurger de tout animisme et autre paganisme propres à toute société rurale, attardée, ignorante, etc.
Que ces pseudo-modernistes, ces hypocrites, malhonnêtes et autres experts en tripatouillages médiatico-politiques veuillent, en recourant à " l'islam de papa ", combattre l'intégrisme religieux et ce qu'ils considèrent comme étant de dangereuses déviances de l'islam. Soit. Mais là où le bât blesse, c'est qu'ils ne s'opposent absolument pas dans le fond à la " théologisation " de la société et ne remettent nullement en cause la religion et l'islam en tant que tels. Cette religion qui, selon les situations, orgueilleusement ou sournoisement, s'insinue dans la société et s'impose peu à peu au pays en une théocratie impitoyable. C'est-à-dire en tant que système totalitaire et global, régissant le moindre acte quotidien de chaque individu, séparant les sexes, mettant à l'index tout réfractaire, tout contestataire et menant la chasse à toute velléité de liberté de penser et d'agir qui ne correspondrait pas à ce qu'il aurait prédéfini et imposé par la communauté (Oumma) interposée.

Faites-en l'expérience. Quel que soit votre interlocuteur, et quel que soit le sujet abordé, la conversation débutera et/ou s'achèvera invariablement sur une discussion religieuse ou, à tout le moins, à une référence à celle-ci ou à l'invocation de Dieu. De quelque bord qu'il soit, votre interlocuteur, du dévot fanatique à la " féministe " victime du fanatisme, et dont on penserait qu'en principe elle serait l'ennemie déclarée de l'islamisme intégriste, ils vous clameront leur foi en Dieu et en l'islam ! C'est ainsi que l'on peut qualifier les Musulmans, notamment les Algériens -du moins dans leur apparence et manifestation sociale externe-, comme des bigots atteints de religiosité aiguë !

Au Citoyen " musulman ", il ne lui est pas permis d'affirmer son -ou ses- doute (s), sa critique, son libre-arbitre, son incroyance, voire son athéisme, non sans se faire traiter de blasphémateur, de mécréant, de païen, d'ennemi de la nation, du peuple et de la Communauté... ! Par contre le premier inculte, le premier taré venu vous fera subir sa "foi", son islam, sa bigoterie et autres billevesées sans que personne n'y trouve à redire !

Pour preuve, Madame Leïla Aslaoui, ex-magistrate, ancien ministre, anti-intégriste déclarée, " éradicatrice " même, dont le mari fut assassiné par un commando islamiste ; bref, une personne que l'on ne peut donc soupçonner d'intégrisme religieux ni même de quelque intolérance que ce soit (du moins pouvait-on le croire). Pourtant, cette femme, à qui on donnerait la Liberté, la Laïcité et la Démocratie les yeux fermés, a dénié toute algérianité à Louisa Hanoune sous prétexte que celle-ci n'est pas croyante (musulmane) en affirmant lors d'une interview ceci : "... un parti comme le PT, qui ne représente rien, qui a à sa tête une femme, certes Algérienne, mais qui ne représente pas l'Algérienne de l'Algérie profonde car elles diffèrent sur un point important : l'identité... L'Algérienne de l'Algérie profonde est musulmane, la représentante de ce parti ne l'est pas... " Le Matin, 04/11/1997.

Autre preuve, Monsieur Ihadadden, francophone, thésard, sorbonnard, universitaire, ayant contribué à la formation de nombreux journalistes algériens, est contre la présence de journaux en langue française... Ces journaux seraient, selon lui, une menace à la souveraineté nationale et à l'identité nationale. Rien que ça ! Car, la diffusion de ces journaux " contribue largement à la division du peuple algérien et à semer la haine entre les francophones et les arabophones, hypothéquant par-là même l'avenir de l'Algérie en tant que nation ", El Watan, 02-03/01/1998.

Il y a jusqu'aux cyniques vous affirmant que ce serait une erreur tactique et stratégique que de s'attaquer de front à la religion. Selon eux, le mieux serait de l'ignorer, l'occulter et laisser le temps faire son œuvre. Au pire, il faut la soustraire aux fanatiques intégristes de tous bords, la prendre en charge et démontrer ainsi que l'islam peut avoir un autre visage... Vaste fumisterie !

Ainsi s'expliqueraient ces actes d'allégeances et autres témoignages zélés (et pas toujours dénués d'intérêts et d'hypocrisie) envers l'Islam avec un grand " I ", venant de personnes qui n'ont rien à voir avec l'islam ni de près ni de loin. A tel point que s'en est choquant. Plutôt que de dresser une limite claire, tangible, infranchissable entre ce qui est religieux et ce qui ne l'est pas. Limite à ne pas outrepasser ; mélange des genres à ne pas pratiquer, sous peine de subir les rigueurs de la loi. Si la politique est œuvre de tous les citoyens, la croyance religieuse doit demeurer une affaire individuelle, personnelle, intime entre le croyant et son Dieu sans qu'il y ait besoin d'intercesseur, ni d'interprète, ni de guide, etc.

Au contraire voici donc nos élites, toutes tendances confondues, qui sombrent, de concessions en concessions, de lâcheté en soumission (au nombre et à l'air ambiant), jusqu'à abdiquer devant une gangrène fasciste aux couleurs islamiques pour légitimer ainsi une religion, devenue religion d'Etat et, de la sorte, à perpétuer une croyance qui est leur propre condamnation future... Bref, ils creusent leurs tombes de leurs propres mains. C'est démentiel !

Aux calculateurs machiavéliques, dictateurs invétérés de tout acabits ou autres indécrottables bigots, la religion sert ces opportunistes désireux de dominer le peuple pour le maintenir dans un état de peur, de torpeur intellectuelle et d'ignorance engourdie.

Aussi Dieu en eut assez de ces peuples ! Face à la saturation causée par leurs appels incessants venant de tous côtés, son standard a sauté ! Du coup, Dieu a fermé son central téléphonique à destination des musulmans en général et des Arabes en particulier ; il a bouché également ses oreilles et mis au chômage ses anges-standardistes et déclaré : "Après moi le déluge ! Qu'ils crèvent, qu'ils s'entre-tuent ! Je ne veux plus être importuné par ces musulmans ignares, paresseux, haineux, criminels. Ils ne se servent de moi que pour assouvir leurs bas instincts, justifier leur vilenie et leur lâcheté !"

Dès lors, Dieu détourna son regard de la "Oumma Islamiya" pour se tourner vers d'autres cieux, là où nations et peuples ne lui réclament rien, n'attendent rien de lui, ne l'invoquent que de rares fois dans l'année, à l'occasion de quelques fêtes où souvent le paganisme le dispute au monothéisme (et encore en font-ils une bonne affaire marchande). En effet, ces peuples-là comptent d'abord sur eux-mêmes. Ils travaillent, créent, conçoivent, imaginent, inventent, prospectent, dominent et prospèrent dans tous les domaines. Bref, pendant que les uns clonent, les musulmans déconnent !

Ces peuples qualifiés par le premier " bon musulman " venu de païens, de mécréants et à qui cependant il doit tous les moyens indispensables à sa survie présente : médecine, chirurgie, médicaments, contraception, moyens de transport, de communication, etc., y compris les armes nécessaires à son autodestruction !

Quand les autres peuples avancent,
les musulmans reculent.

C'est ainsi que pendant que les autres nations, dites "païennes", " mécréantes ", " idolâtres ", progressent et dominent ; les pays musulmans, eux, reculent et traînent à la queue de toutes les nations. Et quand parmi ces nations dites musulmanes ou arabo-musulmanes, se trouvent quelques pays riches, cette richesse est accaparée par des familles (ou royautés) parasites qui s'empressent d'investir, sans aucune contrepartie, dans les pays jugés kufar (impies)... Quant aux dirigeants des ces monarchies tribales, ils se livrent à la débauche et aux délices de l'Occident qu'ils interdisent à leurs concitoyens et sujets.

Après Dieu, et la religiosité, une autre constante chez les musulmans : le sexe. La frustration sexuelle, avec ses tabous et ses obsessions, taraude le " pauvre croyant " ! Les Musulmans obnubilés par le sexe, lui mènent une guerre à outrance par femme interposée. La femme devient ainsi à la fois l'objet de tous les fantasmes et de tous les péchés, et, en même temps, celle qui doit les expier tous.

Sexe en bandoulière, attiré par la femme, telle la limaille par l'aimant, le Musulman part en guerre contre tous ce qui le taraude : refoulant ses pulsions, ses sentiments, ses désirs. Il devient un monstre schizophrène bataillant contre tout ce qui, de près ou de loin, directement ou allusivement, peut se rapporter au sexe, à l'amour, aux sentiments, à la femme (et tous les risques liés à son sexe : virginité, fidélité, honneur, etc.).

Aussi la femme, objets de fantasmes et de convoitises, objet de honte et de déshonneur, devient ainsi la victime expiatoire des lubies de l'homme, de ses tentations et autres faiblesses. La femme devient " La Tentation " par excellence. Aussi faut-il la mutiler, la museler, la voiler, la violer (dans tous les sens du terme) et la priver de tout droit. Simple machine à reproduire de futurs " bons musulmans ", mineure éternelle à la merci du premier mâle venu, la femme, mi-animal mi-esclave, porte et supporte l'homme le jour et la nuit à la fois, sans même pouvoir geindre et encore moins se rebeller.

Autre constante chez le Musulman : la haine de soi, de son être réel et profond, ignorance doublée d'un mépris total pour son passé, pour ses origines. Une amnésie frappe son passé, en particulier de son passé antérieur à sa conversion à l'islam. Cela se traduit par une aliénation et une négation de son être, de son identité, de sa culture antéislamiques. Ce rejet de soi se traduit par une revendication effrénée et éhontée d'une culture et d'une identité qui ne sont pas les siennes, qui n'ont jamais été, et ne seront jamais totalement les siennes : l'islamisme et l'arabisme. Car, à la base, celles-ci lui furent imposées par la force lorsqu'il ne se les a pas de lui-même imposées par simple complexe d'infériorité.

Non content de se réclamer d'une langue, d'une culture, d'une religion et d'une nationalité qui ne furent jamais les siennes ; le Musulman ira même jusqu'à prétendre être plus " musulman " et plus " arabe " que les musulmans Arabes d'Arabie ! Ainsi en est-il de ces expressions comme : " moi, je suis musulman et demi; moi, je suis Arabe et demi " que l'on entend particulièrement chez certains Algériens (notamment arabophones). Il faut toujours qu'ils en rajoutent de crainte d'être en reste et pour justifier/prouver quoi ?

Et cette négation de soi, ne va pas sans drame ni fêlure internes. D'où ces êtres (ces zombies) en quête d'identités. Devenus subitement orphelins, prenant conscience de cette aliénation jusque-là si réconfortante, ils se mettent tout à coup à se revendiquer et à se réclamer de tout un patchwork : Méditerranée, Afrique, Turquie, Arabie, Espagne... Ce cocktail, bien agité, bien amalgamé, pourrait, croient-ils, leur procurer une super-identité... Mais hélas, personne n'est dupe, ce " conglomérat " ne trompe personne ! Ceci n'est que fuite en avant et crainte morbide de se regarder en face.

Les Algériens ne sont pas plus Arabes que Turcs. Quant aux 'vrais' Arabes et 'vrais' Turcs... Ils les rejettent tout simplement. Personne n'en veut et chacun les renvoie à leur misérable et unique origine, semblant leur dire : regardez-vous vous-mêmes, admirez votre faciès, reconnaissez-le une fois pour toutes, contentez-vous-en. Soyez ce que vous êtes et fichez-nous la paix !

Dernière caractéristique constante chez le Musulman : l'absence de démocratie et son corollaire : le goût de la violence et le culte du secret. D'où également le culte du chef. Du chef qui sait ; qui sait mieux que personne. Enfin le mépris de l'individu. L'individu, comme l'individualité, est opprimé et combattu au profit de la collectivité, du groupe : de l'Oumma. Gare à celui qui déroge à la règle : l'exil et la folie, la prison ou la mort, l'attendent.

Cet état n'est pas le résultat d'une culture politique ; il n'est pas le fait du seul FLN ou d'un système unique quelconque : il est la culture musulmane par essence, et nord-africaine en particulier. Il est le fruit de notre culture avec un grand C. C'est notre culture qui est ainsi faite : elle, qui privilégie la rajla (le machisme dans ce qu'il a de plus rétrograde et de désagréable), la force, le secret. Le film " Amachahu " en donne un petit exemple édifiant en mettant en exergue l'un de ses aspects multiples et haïssables à la fois : jusqu'où va le culte du nif ; ce nif (orgueil-honneur mal placé) qui mène au crime, au suicide, au nihilisme et à la faillite totale.

Oumma/Chape de plomb, Oumma/Garrot, Oumma/Ragot, Oumma/Rumeur, Oumma/Poubelle, Oumma contre l'homme, Oumma contre la personne, Oumma contre la femme, Oumma contre l'amour, Oumma contre la liberté, contre l'originalité, contre la jeunesse, Oumma pression/oppression censure et " omerta " sociale, Oumma partout présente et pesante, sans issue ni échappatoire, autocensure et médiocrité imposées à tous. Oumma à la tête de laquelle des zaïms (psychopathes et névrosés) se posent et s'imposent en prophètes-interprètes et guides du troupeau. Demiurges-Thaumaturges, et autres sorciers qui, eux seuls, sont censés savoir et dire ; les autres se soumettent, se taisent, s'exécutent. Reliquat d'une mentalité archaïque patriarcale et phallocratique qui remonte au néolithique. Une société néolithique attardée, égarée, qui perdure au IIIè millénaire. Une mentalité néolithique qui traîne à l'ère des voyages interplanétaires ! Pour preuve, nous savons profiter d'Internet et encore utiliser la meule de pierre à bras !

A ces fondements presque communs à tous les pays musulmans, notamment nord-africains, s'ajoutent des caractéristiques propres à l'Algérie : ceux que l'on considère comme constituant en quelque sorte ces fameuses " constantes nationales " chères aux membres de la " famille révolutionnaire ", plutôt famille mafieuse ! Termes récents employés par ceux qui se considèrent également comme constituant l'unique famille nationalo-patriotique ! Seuls héritiers et dépositaires de l'Algérie en tant que nation, Etat, drapeau, richesses, etc. ! Et quiconque est hors de cette famille, n'est rien ; il est en quelque sorte 'orphelin'. Il ne vaut rien et ne représente rien... Et vive la République monarchique ! Une République de voyous, de canailles et de proxénètes sans foi ni loi, groupés en clans mafieux se réclamant indûment d'un héritage révolutionnaire et du sacrifice populaire et se déclarant seuls dépositaires de l'Algérie, de son peuple, de son histoire, de sa culture, de sa richesse et de son devenir.

C'est également l'héritage d'un passé colonial fait de crime, de sang, de violence, d'injustice, de mépris haineux. Pour le combattre, et vaincre cette malédiction, il fallait user et abuser des mêmes moyens et méthodes. Des injustices, des crimes et des spoliations (morales, idéologiques et matérielles) furent commis tout au long de la colonisation comme elles le furent durant la guerre de libération. Et de l'indépendance à ce jour... Cela en fait des mécontents et des révoltés ! Mais aussi des " habitués " et des experts en cette voyoucratie !

Ainsi se trouvaient (et se trouvent encore) réunis tous les ingrédients préparant le lit à la situation actuelle: une mentalité mafieuse, négative et suicidaire ; une famille aux codes et tabous rigides, archaïques, rétrogrades ; un népotisme tribal et régional sur fond de pratiques oligarchiques et prébendiers. Le tout érigé en " constantes nationales ". Une mentalité où le secret, la soumission, l'injustice, l'oppression, la violence, la terreur, les massacres sont pratiqués, tolérés, justifiés, expliqués au lieu d'être dénoncés et farouchement combattus.

Comme s'y trouve également réalisé tout le processus menant à l'implosion des sociétés bloquées, fermées, rigides où la liberté d'expression et de création est muselée. Empruntant aux uns et aux autres, l'Algérie ressemble à la fois à l'ex-Union soviétique (échec du modèle socialiste et bureaucratique), aux monarchies pétro-bédouinesques (économie bazariste et rentière) et aux dictatures latino-américaines (seigneurs de la guerre, compradores, desperados), le tout sur fond d'une religiosité primaire et ignare (l'islamisme radical).

Bonjour l'avenir !


Quarante ans de F.L.N. Ou l'art de détruire une nation.

L'évolution, le progrès, la civilisation, en un mot: l'Histoire, ce n'est pas ce long fleuve tranquille partant d'un point pour aboutir à un autre ; une sorte d'océan de plénitude aux vagues indolentes et aux clapotis insouciants. Non, l'Histoire est faite d'à-coups, de soubresauts, de revirements, de replis, de régressions pas très souvent "fécondes" hélas, mais également d'hésitations et parfois de grands sauts accompagnés de bouleversements imprévisibles.

Et c'est au travers de semblables épreuves que les peuples se forgent une histoire commune, acceptent un héritage commun (une "mémoire collective").2 Et lorsque subitement, et parfois violemment, un peuple, prenant conscience de sa spécificité, de son unicité, consolide son identité, force le destin en épousant totalement ce genre de bouleversement. Cela devient riche de promesses.

Cette lente et pénible gestation, cette ascension de l'homme dans l'histoire est autant aisée à décrire et à saisir dans sa globalité, à posteriori (c'est-à-dire une fois accomplie), qu'il est malaisé et parfois presque impossible d'en saisir les prémices balbutiantes qui se réduisent souvent à de simples signes discordants, déviants, marginaux, choquants, répréhensibles. Bref, des sortes d'épiphénomènes à peine perceptibles et apparemment sans liens ni rapports entre eux.

Mais un jour, tous ces " petits riens " font jonction et drainent des forces. Ces divers signes (symboles/actes) en ébullition deviennent mouvement qui emporte tout sur son passage et fait réaliser des bonds en avant (ou des reculs aux " siècles obscurs ") à la société, à la civilisation, à l'Histoire.

Dès la " reconquista chrétienne ", la communauté musulmane, et algérienne en particulier, fut sans cesse agressée, repoussée, envahie, dominée, reléguée dans le sous-développement au sens large du terme. La crise algérienne actuelle était pour ainsi dire prévisible, " programmée " parce qu'inscrite en filigrane dans la dynamique du mouvement national et de la renaissance nationale. Et, sans remonter à l'âge de pierre, on peut la dater dès 1830 jusqu'à 1954. Puis une seconde étape, de l'indépendance à 1988, période où elle change d'objet, de contenu tout en se précisant. Depuis longtemps, l'élite nationaliste algérienne a toujours préféré donner des gages aux couches rétrogrades, bourgeoises et conservatrices de la société d'une part, et se forger une identité artificielle faite de "bouts de ficelles arabo-islamiques", d'autre part.

Il lui fallait à la fois se défendre du colonial, se prémunir contre les idées modernes (révolutionnaires) = remise en cause du système social traditionnel. Pour y parvenir, il lui fallait se réfugier dans l'islam tout en y suscitant, puis en les maintenant, les formes les plus rétrogrades, archaïques, conservatrices. Bien que dérisoire et inefficace contre la conquête coloniale, l'islam, à défaut d'autre chose (d'ailleurs, cette élite a-t-elle été capable de concevoir autre chose ?), va devenir le seul refuge et le seul référant identitaire/national contre l'acculturation, l'aliénation et la dépossession imposés par le colonisateur.

Bref, cette bourgeoisie balbutiante pré-capitalistique, plutôt féodalo-théocratique au lieu de s'émanciper, s'unir, dépasser ses clivages et intérêts immédiats, va appeler à son secours un ramassis de bandits, de corsaires, de pirates, de renégats de tout acabits à son secours. Grâce à ces gens-là, cette bourgeoisie va développer la seule industrie qu'elle sut créer : la course, le rapt, la piraterie, l'esclavage. Bref, on vole et on kidnappe ou on se fait voler et kidnapper à son tour... En même temps elle suscite, développe et impose un islam crispé, figé, méfiant de tout ce qui est l'autre : d'abord le colonial, puis tout ce qui pourrait inspirer nouveauté, modernité, progrès ; le tout étant amalgamé avec étranger = danger = implosion de la famille/société algérienne.

Encore (et toujours d'ailleurs) sous-développée, arriérée, divisée, mal préparée, n'ayant pu s'opposer militairement, techniquement ni économiquement au colonisateur, l'élite algérienne risquait de totalement disparaître. D'ailleurs de grandes et nombreuses familles avaient préféré fuir en Orient plutôt que de subir l'humiliation de la domination. Elles abandonnaient ainsi leur pays à l'ennemi avec en plus le sentiment du nif (honneur) sauf ! Drôle de nif et drôle de patriotisme... abandonner son peuple et son pays à l'ennemi !

Aussi, pour se maintenir, cette élite va-t-elle développer la seule chose qu'elle maîtrise un tant soi peu : l'islam. Elle va instiller et entretenir un islam de combat/rejet de l'autre. C'est-à-dire une caricature de l'islam ; un islam grégaire, sommaire ; en y mettant en exergue le contenu radical, haineux, xénophobe. L'islam devient ainsi refuge, identité et cri de ralliement contre l'oppression. Islam = pureté, moi, communauté... Christianisme = péché, impur, étranger, ennemi. Et, par extension, est déclaré ennemi quiconque doute ou met en cause son hégémonie et sa manière de penser.

Paradoxalement (mais est-ce étonnant ?) cette bourgeoisie féodalo-théocratique va se mettre au service justement du colonat en se montrant indispensable comme agent de transmission et vecteur de domination supplétive. Peu lui importe cette position, du moment qu'elle maintient ses privilèges et autres prérogatives qu'elle estime liés à sa caste maraboutico-féodale. C'est dans cette classe que l'on retrouve les pachas, aghas, caïds, et autres larbins indispensables à la colonisation. C'est dans cette couche également que l'on trouvera les futurs cadres et autres hommes politiques de l'Assemblée algérienne créée de toute pièce par l'administration coloniale.

En même temps qu'était propagée l'idée d'un islam pur, orthodoxe, "conquérant", unificateur et identitaire afin de nier et combattre par tous les moyens ceux qui affirmeraient et revendiqueraient la vraie nature identitaire (culture, langue, nationalité, etc.) du peuple algérien ; c'est-à-dire l'amazighité.

Ajoutons à cela les ingrédients socio-économiques, la léthargie de toute forme d'activité culturelle, artistique ou politique, en même temps qu'était prohibé tout esprit d'analyse, d'introspection, de critique et de doute.
C'est ainsi que l'on se retrouve acculé devant le " choix " entre une société complètement pourrie par la pauvreté, la misère, l'ignorance, la peur, la lâcheté ; poussée vers la prostitution, le crime et la drogue ou le refuge dans une révolte sauvage, suicidaire sous couvert du religieux. Car l'Algérien, tel qu'il a été " conçu ", formé, éduqué, façonné par 130 ans de domination coloniale et quarante années de F.L.N., ne pouvait ne pas se révolter. Et sa révolte ne pouvait prendre que la tournure qu'elle a prise : barbare, sauvage, cruelle, nihiliste.

En effet, dans sa révolte, l'Algérien, au regard de ce qui vient d'être dit, ne pouvait que recourir à la religion dans sa révolte, et surtout dans ce qu'elle a de plus radical, de plus négatif, régressif et condamnable : la coercition et la violence. D'ailleurs avait-il une autre idéologie de rechange et le pouvait-il ? De par son expérience (socialisme à l'algérienne), de l'échec des idéologies " triomphalistes et glorieuses " d'après-guerre (ère boumédiéniste), il se retourne (comme toujours, comme par atavisme) vers ce qu'il croit connaître le mieux : le populisme démagogique à base de religion. Et pourquoi chercher ailleurs ce que l'on a de mieux chez soi ? Et c'est ainsi qu'est ressuscité un intégrisme religieux mis au goût du jour. Cet intégrisme religieux qui, sous diverses formes, a toujours été là, sous-jacent, couvant sous les cendres de la faillite FLN. Entendons-nous bien.

Usage de la religion : comme force...

Certes, de tout temps et en tout lieu, la religion fut utilisée comme moyen pour accéder au pouvoir, le conserver ou imprimer les changements socio-économiques souhaités par la caste dominante. La religion ne cessa de jouer ce rôle efficace et redoutable, aux effets multiples, pervers et dévastateurs, que le jour où des peuples et des nations acquirent un degré de développement intellectuel, moral et technique suffisamment élevé pour la remettre à sa juste place. C'est ainsi que dans les pays très avancés, la religion n'est tolérée au mieux que comme un " patrimoine culturel " et au pire comme un reliquat de superstition folklorique sans réel impact sur la vie sociale, publique ou politique. Certains mêmes l'ignorent sauf deux ou trois fois l'an... à l'occasion des fêtes et au grand profit des commerçants.

Hélas, en Afrique du Nord, nous sommes actuellement loin de cette laïcité. Nous serions plutôt au premier stade ; celui où la religion conquérante, dominatrice, ne tolère ni adversaire ni diversité. Tout comme en Europe au temps des guerres de religions, des croisades, de l'inquisition, etc.
Autrefois, l'Afrique du Nord n'échappait pas non plus à l'utilisation de la religion comme moyen de révolte. Sans remonter très loin, rappelant que dès le IVè siècle après J.C., les Circoncellions (paysans sans terre) et les Donatistes (partisans de Donat, évêque de Baghaï) s'allièrent pour combattre Rome et son Eglise. Il fallut toute la puissance romaine et les fourberies de Saint Augustin pour en venir à bout et consacrer l'Eglise romaine en Numidie. L'Eglise nord-africaine, alliée de Rome, soutenue par Saint Augustin, empêchera l'émergence d'une Eglise nationale amazighe. C'est-à-dire une église authentiquement africaine ; détachée de Rome.

Plus tard, à la faveur d'apostasies ou de schismes religieux, des dynasties imazighen se constituèrent en utilisant l'Islam pour asseoir leur autorité ou se soustraire à la domination de l'Orient. Puis, plus près de nous, au temps de la colonisation française, les mouvements religieux, tels que la Rahmaniya, la Qadiriya, la Senoussiya, Tidjania, Bouamama, Ouled Sidi Cheikh, etc., furent utilisés contre la domination étrangère dont la plus célèbre fut la révolte des Rahmaniya de Cheikh El Haddad de Seddouq et son appui à la " noblesse " représentée par les Moqrani (1870/71). Enfin, dans le premier tiers de notre siècle, les Ulémas (avec Cheikh Abdelhamid Ben Badis) prônaient la renaissance islamique (Nahdha) grâce à une " réforme ", entre autre des mœurs. Cette réforme qui allait, selon eux, régénérer la nation algérienne, affirmer son identité arabo-musulmane mais dans une association à... la France ! (du moins était-ce le vœu de Ben Badis).

... et comme prétexte.

La religion fut donc utilisée comme signe d'appartenance, de reconnaissance et d'identification mais également de différenciation ou de rejet de l'autre. L'autre étant l'étranger par excellence qui plus est colonisateur, envahisseur et oppresseur de surcroît. Jusque-là, rien de bien particulier sur le sol algérien.

La différence énorme avec la révolte religieuse actuelle, menée notamment par le F.I.S., et les GIA interposés, c'est que ce dernier recourre à la religion non pas pour libérer le pays d'une domination étrangère quelconque, non pas pour affermir l'indépendance politique et/ou ou économique du pays, non pas non plus pour relever le pays ou faire progresser le peuple, non pas pour promettre un avenir radieux fait de modernité, de progrès, de justice et de liberté. Non. Non, son seul but est d'opposer les Algériens les uns aux autres pour éliminer (ou faire indirectement éliminer) tous ceux qui s'opposent à ses objectifs. Le FIS utilise la violence et le meurtre des innocents, au nom de la religion, pour imposer sa vision de l'islam par la force. Il veut éradiquer une dictature pour imposer la sienne.

En réalité, le FIS veut chasser une dictature et, par la terreur, instaurer la sienne. Une dictature chassant l'autre et le peuple pris entre l'enclume et le marteau...

Dès maintenant, le FIS -ou la mouvance islamo-intégriste- veut, par la terreur, contraindre les gens à se soumettre ou à disparaître, avant l'instauration de son khalifat. Tel ce slogan à l'usage des femmes : "tu mets le voile ou tu mets les voiles !" Sous le prétexte fallacieux de combattre une clique de corrompus à la solde de l'Occident, le F.I.S. n'hésite pas à entraîner le pays dans une guerre civile et fratricide (ce que l'islam appelle fitna) et le chaos. Au moment où les autres nations préparent leur entrée de plain-pied dans le XXIè siècle, le FIS veut ramener l'Algérie au Moyen Age.

Mais,
On a le régime que l'on mérite !
Comme on a l'opposition ou les assassins que l'on mérite ! Comme on a la classe dirigeante que l'on mérite : faite de voleurs, d'égoïstes, d'incompétents, de voyous ; bref par une belle brochette de canailles.

Car après trente ans de F.L.N. et plus de six ans de terrorisme aveugle, on ne voit pas le peuple uni, réagir fermement pour dire halte. Ça suffit ! Comme cela s'était vu un décembre 1960, ou un 17 octobre 1961 en France pour affirmer la détermination et l'union du peuple algérien.

Comme cela s'était vu au lendemain de l'indépendance pour crier : "sept ans, c'est assez !" Non, méfiant, "cloîtré", peureux, armé de patience, et de lâcheté pour certains, la majorité du peuple algérien attend que d'autres interviennent à sa place et le soulage de son fardeau, quitte à faire appel à des commissions internationales d'enquête ! On ne connaît pas le seuil de tolérance ou d'endurance à la douleur et à la honte du peuple algérien : un peuple " mort " qui a peur de mourir !

Finalement ce peuple mérite bien ce qui lui arrive. Ce que certains n'hésitent pas à qualifier de châtiment divin !


Des "Frères Musulmans"...

Sans remonter à la nuit des temps ni aux années vingt, celles des débuts du nationalisme dit "moderne", on peut noter la résurgence du phénomène religieux en tant que moyen de pression sociale et de jeu politicien en Algérie dès les années soixante-dix. Phénomène plus connu à l'époque sous le nom de Frères Musulmans. Ces derniers se manifestaient notamment auprès des jeunes et des étudiants par des grèves sur les campus universitaires, par le " vitriolage " des jeunes filles en minijupe et l'agression de militants imazighen dont le seul crime était d'affirmer leur identité et de s'exprimer dans leur langue...

Ce phénomène coïncida avec la montée en puissance des Frères Musulmans en Egypte qui se montreront de plus en plus virulents à partir des accords de " Camp David " conclus entre Begin et Sadate et l'assassinat de ce dernier. En Algérie cela correspondait à l'aboutissement de plus d'une décade d'arabisation et d'islamisation forcenées, à la soviétique, menées à grands renforts d'Orientaux qui n'avaient de savoir que celui de psalmodier le Coran et d'aboyer dans les minarets.

Dès lors, on vit apparaître un autre type d'homme algérien qui se situait déjà entre Kaboul et Karachi, entre le Hedjaz et Mossoul. Ces gens étaient reconnaissables (et haïssables) à leur accoutrement, à leur nonchalance qui ne le disputait qu'à leur paresse et à leur crasse. Car, comme hygiène, ils n'avaient que le khôl pour souligner les yeux, le patchouli pour camoufler leur puanteur, de l'encens pour s'enivrer et quelques gouttelettes d'eau pour s'asperger aux ablutions rituelles.

Même leur type physique, pour ne pas dire leur faciès " changea ", il " devint " de plus en plus oriental, plus arabe... plus sémitique pour ainsi dire. D'ailleurs, on apprendrait qu'ils sont les descendants des Hilaliens que l'on ne serait nullement surpris ! A ce propos, il serait plus juste de remplacer le mot vandalisme par hillalisme ; terme mieux approprié.

Hier, le critère de la virilité et de l'algérianité consistait à porter une sorte de balayette sous le nez appelée moustache ; aujourd'hui, ce signe est transformé en serpillière autour du visage dénommée barbe. Demain, à la vitesse où l'on va, on devra se rendre invisibles pour nous fendre dans l'anonymat de la honte et de la déchéance !

... aux socialismes triomphants.

Cela correspondait également aux prémices d'une paupérisation qui ira croissant, aux velléités révolutionnaires pseudo "athées et matérialistes" de Boumediene avec ses trois glorieuses révolutions : industrielle, agricole et culturelle... C'était l'époque volontariste de grandiloquence mégalomaniaque, des "industries industrialisantes" chères à Bélaïd Abdesselam. C'était l'annonce en grande pompe de la Gestion socialiste des entreprises (GSE), de la Révolution Agraire (et non plus réforme agraire), des mille villages socialistes, des slogans tels que : "l'homme qu'il faut à la place qu'il faut", slogans ronflants de sonorité et vides de sens... Cuisant échec, fiasco généralisé, château de cartes s'écroulant avec son principal initiateur mort subitement en pleine force de l'âge.

Politique appuyée, soutenue, cautionnée par les pagsistes, par un bon nombre de futurs démocrates, républicains et autres modernistes qui, aujourd'hui réfugiés en Europe, la dénoncent. Discours et mesures qui flattaient l'honneur des uns et gonflaient d'orgueil les autres. Ceci ne dura pas longtemps, le réveil fut proportionnel à l'ivresse.

Comme tous les pauvres qui, une poignée de monnaie en poche, s'imaginent être très riches. De même les Algériens, ayant toujours été pauvres, dans tous les sens du terme, et cela depuis des lustres, se croyaient riches avec leurs pétrodollars au point de prétendre dicter leur volonté au monde. D'où le fameux discours sur le Nouvel Ordre Economique Mondial tenu en arabe par Boumediene au Sommet des Nations Unies; ou Ben Bella faisant d'Alger la " Mecque " des révolutionnaires.

C'était aussi l'époque paranoïaque du F.L.N. (et de Boumediene) avec leur volonté de vouloir enrégimenter le peuple algérien dans des organisations de masse : UGTA, UNFA, UNEA, UNJA, UNPA, ONM, AAE, SMA, etc. Folie l'on vous dit !

Obnubilés par l'illusion lyrique qui permettait d'éluder les vrais problèmes, et dans une fuite éperdue vers la faillite, les dirigeants algériens, comme leurs clientèles, vécurent dans un état second, une sorte de nirvana, que la rente pétrolière et la Sécurité militaire permettaient de vivre tous les rêves sans se réveiller.

Las, le peuple ne suivit pas. Il opposa sa légendaire force d'inertie. Face à la réticence, la méfiance ou la passivité de beaucoup ; face aux obstructions et sabotages des Frères musulmans et d'une frange de la bourgeoisie traditionnelle et conservatrice, Boumediene donnera des gages à droite et à gauche.

A droite, il accélère et renforce le processus d'arabisation de l'enseignement, de la justice et de l'administration avec une " ré-islamisation " des mœurs par l'introduction de valeurs traditionnelles et islamiques dont les projets du code de la famille (le premier projet remontait à 1963) et du statut personnel n'en sont que la partie visible. Comme de sa passivité face à l'éclosion des mosquées (ces fusées qui ne décolleront jamais, selon l'expression de Kateb Yacine), ces coupoles scintillantes sous lesquelles ne brille aucune intelligence, ou de l'instauration du vendredi comme repos hebdomadaire, l'instauration des appels à la prière dans les casernes, l'entrée en force des islamo-conservateurs et des arabo-baâthistes dans les médias publics, le renforcement du ministère du culte...

A gauche, Boumediene permet à l'ancien Parti communiste algérien de ressusciter sous un nouveau sigle : le Parti de l'avant-garde socialiste (PAGS). Il en fera son allié " objectif ", selon la terminologie marxiste, et s'en servira comme d'un agent zélé à sa propagande. Boumediene les surnommera les " tarous " (chiens rabatteurs) de ses révolutions progressistes et irréversibles.

... à la " Sainte alliance ".

Rassuré croit-il sur ses deux ailes, Boumediene va désigner l'ennemi commun à tous : les Imazighen avec leur revendication culturelle aux relents " régionalistes et séparatistes ". Il les qualifiera de régionalistes, d'archaïques attardés, d'agents de l'ennemi, de séparatistes, de frein à la révolution en marche... Et, dans ce combat, il parvient à créer une sorte de sainte alliance ; à réaliser provisoirement l'unanimité autour de lui. Tout au moins sur ce sujet.

Il est à noter que parmi la foule d'"intellectuels", notamment les francophones qui, aujourd'hui, cherchent refuge à l'étranger, rares furent ceux qui en leur temps dénoncèrent ces pratiques, préludes à la catastrophe actuelle. Bien au contraire, nombreux furent ceux qui profitèrent des prébendes du régime pour asseoir une notoriété et s'octroyer le titre d'intellectuel dont ils se targuent aujourd'hui.

Qui n'a pas vu la ridicule et grotesque émission de la TV française A2 à ce sujet : où l'on voit d'anciens hauts fonctionnaires algériens (dont un ancien chef de cabinet de Boumediene) réduits à quémander leur soupe à un curé, puis un autre jouer les persécutés à chaque étage de son immeuble sous l'œil de la caméra ! Un troisième jouer à l'espion dans une cabine téléphonique... ! Franchement, ils n'inspirent ni pitié, ni solidarité, ni respect.

On aurait plutôt envie de leur cracher à la face : "c'est en partie par votre faute, et par votre lâcheté, si nous en sommes là !" N'est-ce pas eux qui se posaient en censeurs et moralistes de la rigueur révolutionnaire, Cette pseudo morale socialo-révolutionnaire qui était en train de nous forger "un nouvel Algérien". N'est-ce pas eux qui, du haut de leur morgue, méprisaient le peuple en général et les immigrés en particulier (accusés de tous les maux). Ce sont ceux-là mêmes qui insultaient ceux qui optèrent (en vertu des accords d'Evian) pour la nationalité française, sans pour autant renier leur origine et leur culture. Eux aussi qui sont les premiers à se réfugier, aujourd'hui, en France, à appeler au secours cette "Fafa" qu'ils dénigraient pas si longtemps encore. Honte à vous !

Sans porter de jugement ni condamnation aucune, on ne peut qu'être choqué par les propos et la conduite de certains intellectuels réfugiés en France, soi-disant "menacés de mort" chez eux. Qu'ils le soient et qu'ils choisissent la fuite c'est leur droit ; c'est la vie. Mais, qu'ils aient au moins la pudeur de se taire (tout au moins pour certains) au lieu de se répandre en calomnies, en crachant dans la soupe FLN, celle dont ils s'étaient bien nourris ! Et surtout, de grâce, qu'ils ne se posent surtout pas en démocrates ni en défenseur de la démocratie : leur passé (nauséabond) et pas très lointain plaiderait plutôt le contraire !

Décidément ils n'ont ni honte ni pudeur !

Une immigration qui aurait pu jouer un rôle très positif (tant intellectuel, que technique et économique). Comme ce fut le cas pendant l'émergence du mouvement national ou pendant la lutte de libération nationale (cotisations, manifestation de solidarité et d'identification, rejet du colonialisme -1960, 1961, 1962-, soutien, déportation, etc.). Non, elle fut tenue en suspicion, abandonnée, brimée, soumise au contrôle de l'Amicale des Algériens en France, organisation du parti et supplétive des services de sécurité algériens. Aussi l'émigration comprit à son tour qu'il lui fallait couper les ponts avec ce régime dont elle n'avait plus rien à espérer.

Dès lors, cette émigration entreprit son regroupement familial et, de célibataire qu'elle était, elle se transforma en migration familiale avec des capacités de reproduction sur place, à l'étranger, grâce à un nombre de plus en plus croissant de filles et de garçons. Néanmoins, et malgré un certain tassement de ses envois en devises, bien des familles en Algérie ne vivraient pas sans le soutien des leurs à l'étranger.

Cependant il est à noter qu'à la suite de la vague d'attentats et d'assassinats visant les immigrés algériens en France, il y eut une Conférence nationale sur l'émigration, en octobre 1973, au cours de laquelle Houari Boumediene a déclaré "Je jure devant Dieu et devant vous tous, que l'Algérie actuelle est en mesure d'accueillir et de nourrir tous ses enfants" (citation de mémoire). Qu'en a-t-il été après cette rodomontade ? Rien. Du bluff ! L'immigration fut stoppée officiel-lement des deux côtés de la Méditerranée. Certes quelques milliers d'Algériens sont retournés en Algérie mais très vite, après avoir épuisé leurs épargnes, ils ont dû faire 'des pieds et des mains' pour revenir en France, quand ils n'ont pas sombré dans la misère et la folie sur place.

Pourtant, c'est bien cette immigration qui contribuera peut-être à sauver l'Algérie. Quand elle pourra rentrer en masse pour relever le pays grâce à sa jeunesse, sa culture mais aussi par son savoir, sa technicité et ses moyens financiers qui s'élèvent déjà à plus de quatre fois le budget annuel de l'Algérie...

La femme, plus de la moitié du peuple algérien, est bafouée dans ses droits et dans son corps. Le récent code de la famille, voté en 1984 (surnommé code de l'infamie) fait de l'Algérienne une mineure à vie soumise aux mâles de sa famille père, frère, époux... Sans aucun droit, soumise à un système bien plus pernicieux que la polygamie officielle qui déjà tolère quatre épouses...

En effet pourquoi s'embarrasser d'épouses légales quand il suffit de répudier sa femme (avec ses enfants mais sans les bagages) et d'en prendre une seconde, une troisième, et ainsi de suite sans avoir à se soucier de ce qu'elles deviennent avec leur progéniture. Car, il faut bien le rappeler et dénoncer ces répudiations-divorces qui se font en violation flagrante des lois et toujours au détriment de la femme qui sera parfois contrainte à bien des choses pour survivre. Elle devient ainsi la proie idéale des fissistes lorsqu'ils voudront " moraliser " les mœurs. Le FIS s'attaquera à ces pauvres femmes, abandonnées, sans ressources, qu'il traitera de prostituées et les livrera à la lapidation, à l'incendie et au meurtre.

Un enseignement de plus en plus arabisé, sans prise sur les réalités et les nécessités nationales : l'histoire ancienne réduite à une simple "épopée arabe". Et l'histoire contemporaine, trafiquée, politisée, idéalisée où plus personne ne trouve de repères, réduite à une " saga éfélénesque " ; les sciences exactes presque inexistantes ; la philosophie dépouillée de toute analyse, critique, doute ; réduite à une pseudo-théologie. Bref, un enseignement qui, en voulant toucher le plus grand nombre, ne se donne pas les moyens humains, financiers et matériels de son ambition.

D'où l'échec du système scolaire algérien dont les effets négatifs se feront sentir dès le milieu des années 70. D'où également la fabrication d'"analphabètes bilingues" selon l'expression consacrée. Ces gens incapables d'analyses et de réflexions, sans esprit critique ni de synthèse. Formés peu à peu à prendre tout ce qui vient pour argent comptant. A obéir et croire sans réserve ni doute aucuns. A tout gober y compris l'irrationnel pour peu qu'il soit enrobé de la parole divine : comme le nom d'Allah écrit au laser sur le ciel nuageux d'Alger.

Un enseignement destiné spécifiquement aux enfants de paysans et d'ouvriers, dont le but est de créer des schizophrènes. Car les enfants de la nomenklatura, eux, allaient (et vont toujours) à l'étranger ou dans les écoles des missions étrangères. Cet enseignement qui ne débouchait (et ne débouche toujours pas) sur aucun diplôme de décision, de pouvoir ou de prestige mais juste bon à fournir des enseignants (pour augmenter encore le nombre d'abrutis diplômés), dans la justice et les administrations subalternes. Donc ces gens, par leur issue sociale et leur formation, se voyaient exclus de la société " occidentalisée " dans laquelle l'élite semblait se complaire.

En fait de modèle occidental, la pseudo-élite algérienne, parce que sans véritable passé bourgeois ni réelle culture, sans savoir ni vieux substrats civilisationnels propres, issue du ruisseau, ne reposant sur rien, ne pouvait donc que singer ce qu'il y a de plus abject en Occident... Rien d'étonnant si celui-ci, par la faute de ces tarés, est considéré par les laissés-pour-compte, comme l'ennemi numéro un et la cause première de toutes leurs misères.

Ces "élites arabisées" avaient cru un moment dans la démagogie du FLN et son programme scolaire. Rien d'étonnant à ce qu'elles exigent aujourd'hui son application extrême y compris dans le domaine religieux. D'ailleurs la constitution, tout comme les textes fondateurs de l'Algérie moderne, leur donne raison. En effet de tout temps la primauté de l'islam (et donc aussi de la langue arabe) a été affirmée dans l'Etat algérien.

Avec une démographie galopante, pour ne pas dire démentielle, véritable tonneau des Danaïdes, où toute prévision est vouée à l'échec, où tout plan est vite dépassé... Ces dernières années les "statistiques" tendent à nous faire accroire que la politique de contraception et de planning familial menée par l'Algérie portait ses fruits par une chute modeste mais sensible du taux d'accroissement démographique. Pourquoi ne pas reconnaître que cette "baisse significative" est due en parie essentiellement à la pénurie de logements tout simplement ! En effet, c'est d'abord l'absence d'un logement décent qui fait reculer l'âge de nuptialité de quatre à cinq ans et baisser le nombre de mariage. A cette difficulté première s'ajoutent le chômage, des revenus réduits comme peau de chagrin par une inflation galopante (jusqu'à 40/45% il y a encore quelques années). Comment veut-on que des jeunes se marient, et engendrent, lorsqu'ils sont contraints à dormir par rotation par manque d'espace ? D'autant qu'ils n'ont aucune perspective d'avenir!

Bien qu'à l'époque -année 60/70-, avec une population moindre que celle d'aujourd'hui, avec l'argent qui coulait à flot (grâce au pétrole à 30 et 40 dollars/baril, qui a fait des Algériens, à l'instar des monarchies bédouinesques, des rentiers-assistés), avec une police politique efficace et l'embrigadement des masses, Boumediene payant les uns, éliminant les autres (Mohamed Khider, Krim Belkacem, Colonel Chabou, Medeghri, etc.), de Abane Ramdane à Mohamed Boudiaf, le meurtre fut la seule réponse du régime face aux opposants de conviction. Enfin, poussant à l'exil beaucoup d'autres, réduisant l'opposition à une existence fantomatique. Grâce à quoi Boumediene réduisit le peuple au silence, à l'ignorance où seuls la rumeur et l'obscurantisme faisaient (et font encore) office de savoir et d'information.

Le goût pour le secret, le mystère, la violence et la rumeur a été renforcé dès ce temps-là. Il en est de même de l'acculturation, du désintérêt social et de l'apolitisation des Algériens qui datent de cette époque.

Tous les grands débats de portée nationale ont été escamotés, contournés, occultés. Que ce soit l'identité et la personnalité algérienne, que ce soit la langue et la culture amazigh ou tout simplement l'histoire du mouvement national des années vingt à ce jour. A chaque fois, que ce soit avec Ben Badis dans les années trente ou avec le MTLD et la crise dite berbériste de 1949, que ce soit l'histoire de la guerre de libération ou tout ce qui posait problème et/ou menaçait l'arabo-islamisme, tout était évacué, écarté, combattu sans ménagement.

De la charte de Tripoli de 1962 à celle de 1976, depuis la 1ère Constitution de 1963 à celle de 1989, instaurant le multipartisme et à la révision constitutionnelle de novembre 1996 : tous les débats nationaux ont été étudiés à la " lumière " du FLN, et de son idéologie aux conceptions fumeuses érigées par la " famille révolutionnaire " en " constantes nationales ", incontournables et inamovibles.

A la question "Qui sommes-nous ?", M. M.-S. Benyahia, un des idéologues du régime (il y en eut d'autres, M. C. Sahli, M. Lacheraf, M. Harbi, Taleb Ibrahimi, etc.) répondait par le " Que faire? " léniniste, sans pour autant apporter de réponse si ce n'est celle de proposer une "maïeutique d'ensemble" définie dans le cadre FLN-National où devraient, selon lui, s'exercer notre autocritique, notre analyse et notre introspection. Ce cadre devait, selon lui, demeurer dans les limites arabo-berbères éventuellement mais arabo-musulmanes sûrement (souligné par moi).

Des entités régionales, viables socio-économiquement, ont été sacrifiées. Aujourd'hui, au plan régional, nous payons trente années de gaspillage et de découpages administratifs fantaisistes. En héritage, nous avons une crise sociale, économique et culturelle profonde, un désordre politique sanglant. Parce que formés, mais également fascinés par le modèle centraliste et jacobin français, les gouvernements successifs algériens, n'ont fait que reproduire ce modèle français (le plus ringard de toute l'Europe). Alors que partout ailleurs dans le monde, c'est l'autonomie, la décentralisation et le fédéralisme qui l'emportent : USA, Inde, Suisse, Allemagne, Belgique, Espagne, Grande Bretagne, etc.

En Algérie on a cherché à discipliner l'espace, comme on a voulu le faire avec les citoyens en les modelant à l'idéologie éféléno-islamo-arabiste. En quelques décennies, ils ont soumis le pays à un découpage volontariste, arbitraire, sans tenir compte des réalités économiques, sociales, culturelles et historiques locales. Toute entité régionale viable fut disloquée par un maillage administratif, plutôt militaro-policier, toujours la crainte du réveil du démon régionaliste (régionalisme dont le pouvoir par contre en use et abuse comme bon lui semble), qui détruisit le socle des équilibres politiques et sociaux.

Si l'aspiration à l'autonomie et au fédéralisme de bon aloi chez le peuple était vigoureusement combattue et dénoncée. A la tête de l'Etat, le régionalisme le plus négatif, transformé en mafia et clientélisme, était érigé en mode de gouvernement et d'administration. En bref on interdisait à la base ce qui était permis au sommet. Pratique toujours en vigueur hélas !

Dès l'indépendance, et pendant des décennies, quel avait été le souhait du FLN ? Celui de faire de l'Algérie le bastion de l'arabo-islamisme. A grand renfort, il a " importé " des religieux de tout acabit, des bras cassés tout justes aptes à braire dans les chaires au fond des mosquées. Des chômeurs, ignares, ramassés dans les bas-fonds des médinas du Moyen-Orient, se voyaient affublés du titre de maîtres, d'imams, de théologiens, de professeurs... avec pour mission d' " islamiser " ces mécréants d'Algériens !

En fait, ils vont s'empresser d'injecter le venin de l'islamisme actif et l'idéologie des Frères musulmans notamment Egyptiens. Et pendant des décennies, de l'école au souk, de la maison à l'administration, du café à la mosquée, du journal aux plaques de signalisation routière, l'arabisation, et son corollaire l'islamisme, se propageait dans la population, le sida arabo-islamique se mettait en route. Parallèlement à cela, la constitution est taillée sur mesure pour un président-dictateur qui doit être non seulement un " vrai algérien " d'origine et de confession musulmane depuis des générations, mais lui-même doit être également un vrai musulman, parler l'arabe et veiller à l'application et au respect de l'islam, lequel est institué en religion d'Etat.

Quant aux opposants à l'enseignement du français, prétendant que celui-ci nous rendait étrangers à nous-mêmes, ils ne se sont jamais posé la même question à propos de la langue arabe. Car, de toutes les langues étrangères, l'arabe est bien la seule langue qui réellement véhicule une religion (l'islam) et une idéologie (l'arabo-islamisme) sans s'en cacher. On peut toujours apprendre l'allemand, l'espagnol, le français, le russe, etc., sans que cela fasse de nous des catholiques ou des orthodoxes, ni épouser telle ou telle idéologie ou querelle philosophique propres à ces langues et cultures. Ces langues ne sont que des outils, tout comme un tracteur, une voiture ou un tournevis sans plus. Sachant que ces langues sont étrangères, elles sont prises, utilisées et considérées comme telles.

Par contre, cela ne le sera jamais avec la langue arabe tant que celle-ci sera considérée comme la nôtre. Tant qu'elle est enseignée et perçue comme elle l'est actuellement en Algérie. C'est-à-dire une langue avec son cortège idéologique, mystique, obscurantiste, acculturant. Langue fermée et fâchée à tout esprit scientifique. Langue qui vous oblige à prendre fait et cause dans ses querelles théologico-idéologiques... A l'image de sa religion qu'elle sous-tend, la langue arabe est plus qu'hégémonique ; elle est absolutiste et totalitaire.

Le citoyen doit se définir par rapport à elle et non par rapport à ce qu'il est ou voudrait être. Le citoyen doit s'y soumettre sans esprit d'analyse ou de critique, sans contestation ni débat : "je suis comme je suis. Tu me prends telle que je suis, et si cela ne te convient pas; c'est à toi de changer. C'est à toi de te plier à ma volonté". Ainsi semble "s'exprimer" la langue arabe dans ses exigences, son contenu et son enseignement en Algérie !
De toutes les langues étrangères, seule la langue arabe oblige à se définir par rapport à elle, à se reconnaître en elle. Comme elle est la seule langue impliquant une identité supranationale dans laquelle l'identité nationale est réduite, sinon carrément gommée.

Il est assez cocasse de noter qu'un Abassi Madani déclarait sur Radio-Alger, en 1991, "la tamazight est pour moi une langue nationale" et que El Munqid, organe officiel arabophone du FIS, publia des pages en tamazight transcrite en arabe... Alors que l'un des derniers Premier ministre algérien, Mokkdad Sifi, indiquait récemment que la Constitution de 1963 (qui ne reconnaissait pas la langue tamazight) avait, à ses yeux, résolu la querelle linguistique... Il est vrai que certains affirment que Sifi est sifiste, (jeu de mots entre Sifi et fissiste).

Bilinguisme ou trilinguisme ?

Traiter les Algériens francophones de "bâtards culturels de la colonisation", de "hizb frança" (parti de la France)... Mais alors comment devrait-on traiter les arabophones ? De la même façon ! Ne sont-ils pas eux aussi les "bâtards de la colonisation arabe", de "hizb arabi". En quoi l'un serait-il plus injurieux que l'autre ? Certes la " colonisation arabe " est plus vieille mais encore bien plus vivace et vicieuse celle-là. Trêve de plaisanterie. Rappelons-nous que l'Algérie (et toute une partie des grandes villes nord-africaines) furent non pas bilingues mais trilingues.

Depuis Carthage à nos jours, le plurilinguisme a toujours triomphé chez nous. Et alors, quel mal y a-t-il à cela ? Y a-t-il de quoi avoir honte ? C'est plutôt une source d'enrichissement quand chaque langue est à sa place sans opprimer l'autre et où chacune a son avantage et son utilité. Hier ce fut le punique, le latin et tamazight. Aujourd'hui, l'arabe algérien (le maghribi, selon le terme d'un linguiste Algérien) ayant succédé au punique avec lequel il a de nombreuses affinités linguistes (phonétiques, lexicales et syntaxiques), le français a, en quelques sorte, succédé au latin et tamazight, certes disloquée en plusieurs parlers locaux, est toujours là ; plus dynamique et plus vivante que jamais !

Par contre, il est curieux de noter que le grec (par Byzantins interposés) et le turc n'ont guère laissés de traces, à part quelques mots. Néanmoins, pour en finir, en quoi l'arabe nous serait-il plus proche, notre " chose ", que l'anglais, le français ou l'espagnol ?

Aussi, il serait plus conforme de donner à la langue arabe juste la place qui lui revient, c'est-à-dire une langue étrangère sans aucun privilège : affectif, sacré (même si le Coran affirme le contraire) ou psychologique. Et que Tamazight, langue autochtone, ancestrale, consacrée dans le temps et l'espace, recouvre sa juste place : en tant que langue nationale et officielle. Telle est la vérité. Telle est la réalité des problèmes linguistiques en Algérie. S'en offusquer ou la rejeter ne résout en rien la situation posée.

Mort de Boumediene.

Décembre 1978, Boumediene meurt. Un " dictateur ", voué aux gémonies, craint et honni de son vivant, est pleuré par ceux-là mêmes qui le haïssaient ! Allant plus loin, certains aujourd'hui, grâce aux mémoires courtes -jeunesse galopante et ignorance rampante aidant-, ressuscitent un passé boumédieniste légendaire (gommé, clean, soft) : où l'Algérie, selon eux, était crainte, admirée, respectée et son peuple de même. Certes, reconnaissent-il, Boumédiene était sévère mais juste. et c'est ce qu'il nous faudrait dans la situation présente.

Malgré ces nostalgiques, avec la disparition de Boumédiene, vont sombrer et disparaître également peu à peu tous ses projets grandioses, mirifiques, " pharaoniques " comme disent certains islamistes. Quelques langues se délient et l'on commence à entrevoir à peine le terrible héritage boumedieniste... Mais ce n'était encore rien par rapport à ce qui allait suivre.

Dans la plus pure tradition des Janissaires Turcs à l'époque de la régence d'Alger. Où les Deys changeaient d'une semaine à l'autre, lorsqu'ils n'avaient pas tout simplement la tête tranchée ! Pour succéder à H. Boumediene, Chadli Bendjedid, l'officier le plus âgé dans le grade le plus élevé, est choisi dit-on, grâce à l'appui de Kasdi Merbah, alors " patron " de la Sécurité militaire à l'époque.

Mais n'est pas potiche qui l'on croit. Prudent, matois, patelin, Chadli joue le bon père tranquille et, sans heurt ni fanfare, liquide l'héritage boumediéniste. Il ouvre quelques lucarnes, libère les uns (Ahmed Ben Bella, Ferhat Abbas, etc.), réhabilite des héros de la révolution passés sous silence jusque là, crée des grades dans la haute hiérarchie militaire, tolère d'autres figures emblématiques, tout cela dans le seul but de bien camoufler ses magouilles et installer sa propre mafia afin d'accaparer le peu de richesses qui restent. Car les anciens barons de Boumediene s'étaient déjà bien servi avec des comptes bien pourvus à l'étranger. A ce propos, Jean Ziegler, député socialiste suisse, affirme que les avoirs algériens situés en Suisse se montent à 47 milliards de dollars, soit presque deux fois la dette algérienne (ceci en 1992).

C'est après les années quatre-vingt, et ce l'on appelle la "révolte berbère" Tafsut amazigh, que cette mouvance islamiste va réellement se transformer en force politique organisée. Chadli, comme le FLN et les couches conservatrices, ne voyait pas d'un bon œil les forces progressistes et autres " orphelins de Boumediene " faire jonction avec la revendication culturelle amazigh. Seule porteuse d'espoir et constituant la seule menace réelle dans le futur contre le régime. Pour mémoire, c'est le 2 novembre 1982 que fut assassiné Kamel Amzal, un militant amazigh, d'un coup de poignard donné par un islamiste, à la Cité Universitaire de Ben Aknoun.

... aux criminels de Dieu.

D'où le soutien multiforme dont bénéficia la mouvance islamiste : les associations cultuelles, la prolifération des mosquées, le renforcement de l'arabisation, le code de la famille, le pire que l'Algérie ait connu et le plus rétrograde de toute l'Afrique du Nord. Et, ce que les différentes oppositions ne parvinrent pas à obtenir, ni les diverses révoltes : 1965, 1967, 1975, 1976, 1980, 1984, etc., à réaliser, la chute vertigineuse du prix du baril de pétrole en 1986 le réalisera en précipitant les choses.

Après une expérience courte et hasardeuse qui suivi la mort de Boumediene, c'est Abdelhamid Brahimi, dit la science, qui de 1980 à 1984, en tant que ministre de la planification et de l'aménagement du territoire, puis comme Premier ministre, de 1984 à 1988, qui va donner le coup de grâce à l'Algérie et ce dans tous les domaines : politiques, économiques, financiers, culturels, etc.

Octobre 1988. Soudain les Algériens, comme au sortir d'un cauchemar, se réveillent au bord du gouffre et se découvrent tels qu'ils sont : ils ne sont rien. Ils ne représentent rien, ne valent rien, n'ont rien. Ils n'ont aucun avenir, aucune référence au passé. Ils sont sans projets, dépourvus de ressources pour entreprendre quoi que ce soit. Ils ont un semblant d'Etat sans moyens aux mains d'une nomenklatura avide, égoïste, toujours plus riche, plus arrogante que jamais. Et un peuple de va-nu-pieds, toujours plus nombreux, de plus en plus pauvre, plus exploité qu'il ne l'a jamais été et qui plus est par les " siens ".

C'est l'explosion-manipulation d'octobre 1988 qui se soldera par des centaines de morts, une armée traumatisée et un peuple dorénavant divisé, fracturé. Pour reprendre l'expression de Kaïd Ahmed, ancien compagnon de Boumédiene et secrétaire général du FLN, qui disait : " nous étions au bord du précipice et nous venons de faire un pas en avant " !

Catastrophe sociale et naturelle.

Mais bien avant cette explosion sociale, le mouvement islamiste s'était étendu, ramifié, étoffé. Il eut même ses radicalisés au point de monter un maquis dans le massif blidéen dans les années 1982-87. A la même époque, entre 1980 et 1988, l'Algérie aura connu quatre tremblements de terre : octobre 1980, janvier 1987, octobre 1988 et octobre 1989, tous situés dans le triangle sud-ouest de l'Algérois. Lors de ces catastrophes, la population découvre l'absence, la désorganisation et l'inefficacité de l'Etat et de ses moyens. Par contre, dès 1987, mais surtout à partir de 1988 et 1989, la population verra avec une stupéfaction teinte d'admiration l'aide apportée par la mouvance islamiste, puis par le FIS en tant que tel ensuite.

Ses associations caritatives profiteront de cette misère pour marquer un bon coup dans l'imaginaire populaire et une rupture d'entre la population et le régime désigné comme seul responsable par son inefficacité et son indifférence à la fois. Cette déliquescence sera poussée jusqu'à sa limite extrême par la création d'une sorte " d'administration " et de " services sociaux " parallèles dirigés par le FIS.

Comme de coutume, le FLN commet l'erreur fatale, celle de légaliser le FIS. Voici un parti qui clame tout haut son idéologie religieuse ; qui affirme que seule la Chari'a aura force de loi ; qu'en cas de litige seule la loi divine s'impose à tous ; que la démocratie n'est au mieux qu'un tremplin pour accéder au pouvoir et, au pis, une idée satanique de l'Occident... Malgré cela, il est légalisé !

En vérité, en légalisant ce monstre, le FLN (gouvernement Chadli-Hamrouche) pensait faire d'une pierre deux coups : opposer une force irréductible, déterminée face aux démocrates dont il ne mesurait encore ni la force ni la puissance. Et, en faisant peur à la population, par la menace fissiste et l'inconnu qu'il fait planer sur le futur, Hamrouche, comme ses conseillers, pensait récupérer la mise en obtenant la première place ou à tout le moins demeurer la force principale.

Mais le FLN a négligé une donnée essentielle : la haine qu'il inspire et son rejet catégorique par la population qui était prête à se donner au diable pourvu qu'elle soit débarrassée de ce monstre ! Depuis toujours mais surtout depuis 1988, le FLN était vomi, haï, par tout Algérien de quelque bord que ce soit. Comprenant cela, Chadli était prêt à toutes les compromissions, à toute concession, cohabitation et autres reniements au profit du FIS, pourvu que lui et les siens gardent le " trône "...

Chadli oublie une chose : qui l'a fait roi ?
Comme au temps de la Régence turque.
On le lui signifia manu militari.

Il dut se résoudre à démissionner et contraint de lire publiquement sa propre déchéance !

Aussitôt les résultats du premier tour des législatives connus, la hiérarchie militaire décide d'arrêter la farce démocratique et le " suicide " programmé de l'Algérie (y compris le sien). C'est vrai que beaucoup de démocrates, notamment le RCD, l'UGTA et tous ceux groupés au sein du Comité National de Sauvegarde de l'Algérie (CNSA), avaient appelé à l'arrêt du processus électoral. L'armée dépose donc Chadli mais, peu sûre de la légitimité de son coup, elle institue une autorité collégiale, le HCE où s'y trouvent réunies des personnalités représentant chacune un courant et une caution de légitimité historico-nationaliste afin de donner quelque apparence de légalité. L'armée ira jusqu'à faire " rapatrier " un vieux militant nationaliste, patriote intègre, connu pour son opposition notoire au vieux système du FLN, lui, qui en fut l'un des " créateurs" originel, souhaitera en être le fossoyeur.

Proclamation du 19 juin 1965 (Extraits)

"...Après trois années de souveraineté nationale, le pays se trouve livré aux intrigues tramées dans l'ombre, à l'affrontement des tendances et des clans ressuscités pour les besoins d'une vieille astuce de gouvernement : diviser pour régner. Les calculs sordides, le narcissisme politique et l'amour morbide du pouvoir trouvent leur meilleure illustration dans la liquidation systématique des cadres du pays et la criminelle tentative de discréditer les moudjahidin et les résistants..."

"... Le bilan est lourd et combien significatif : la mauvaise gestion du patrimoine national, la dilapidation des deniers publics, l'instabilité, la démagogie, l'anarchie, le mensonge et l'improvisation se sont imposés comme procédés de gouvernement. Par la menace, le chantage, le viol des libertés individuelles et l'incertitude du lendemain, l'on s'est proposé de réduire les uns à la docilité, les autres à la peur, au silence et à la résignation."

"L'héritage déjà lourd de la longue période coloniale et de huit années de souffrances se trouve aujourd'hui très sérieusement aggravé par le règne du laisser-aller, la déliquescence de l'Etat... Point de redressement et encore moins de miracle, sans le travail, le sérieux, la clarté des objectifs et l'unité."

Ainsi s'exprimaient H. Boumediene et ses compagnons du Conseil National de la révolution (CNR) pour justifier leur putsch. En quoi les promoteurs de cette proclamation du 19 juin 1965 ont-ils changé la situation telle que décrite à l'époque ? Et celle-ci en quoi diffère-t-elle de la situation actuelle, soit trente ans plus tard ? Nous sommes toujours dans le même train qui fonce vers l'abîme et l'inconnu.


Mohamed Boudiaf assassiné.

Croyant pouvoir en faire leur " objet ", les militaires découvrent très vite que le vieux militant qu'ils ont placé à la tête de l'Etat est intraitable, incorruptible et sincèrement animé par la volonté de sortir l'Algérie de l'impasse où ils l'ont fourvoyée. Qu'à cela ne tienne, l'armée connaît la marche à suivre en pareille situation : méthode éprouvée et expérimentée depuis l'indépendance : Mohamed Boudiaf sera assassiné six mois après sa désignation à la tête de l'Etat.

C'est le crime le plus abject : faire venir un homme de cette dimension pour l'assassiner... C'est manquer aux règles même de l'hospitalité sans parler de l'acte odieux en soi.

Les clans mafieux s'étant aperçus de la popularité croissante de Mohammed Boudiaf qui, très vite, sut où résidait les difficultés, les blocages. D'abord communiquer avec le peuple dans sa langue accessible et compréhensible ; toucher la jeunesse et lui faire confiance tout en lui redonnant espoir et courage. Ainsi le peuple découvrit la vraie stature et nature de Boudiaf. Le peuple découvrit un nationaliste propre, intègre, honnête et animé d'une volonté sincère et réelle d'entreprendre les véritables ruptures nécessaires. Aussi tous ceux qui craignaient pour leurs intérêts, leur situation ou des révélations lors de procès retentissants ont décidé de le supprimer. D'ailleurs la rumeur publique ne s'y était pas trompée en avançant les raisons suivantes du meurtre de Mohammed Boudiaf :

a) sa volonté de vouloir éradiquer la mafia politico-financière liée à une certaine hiérarchie de l'armée et autres clans mafieux ;
b) son ambition de vouloir créer un parti populaire qui gênait non seulement le FLN mais également les vieux et jeunes " partis d'opposition " ;
c) d'avoir effectué son voyage au Maroc, où il sera reçu par Hassan II, malgré l'opposition des militaires.

Toujours est-il que le peuple algérien, dans cet assassinat comme dans tant d'autres, attend toujours que la vérité soit faite... Ce fut la seconde erreur du pouvoir. Dès lors, c'est la fuite en avant : terrorisme, contre-terrorisme, vendetta, vengeance, violence, coups tordus, répressions, destructions, sabotages... Ingrédients classiques d'une sale guerre civile qui n'ose dire son nom.

Selon un exclusif du Nouvel Afrique/Asie (juillet-août 1994), "La CIA prétend connaître le principal maître d'œuvre de l'assassinat du président Mohamed Boudiaf. Selon une source officielle à Washington, le directeur de la CIA, M. Woolsey, a transmis à la Maison Blanche des informations ultra-secrètes concernant une enquête minutieuse de ses services. Celle-ci aurait abouti à l'identification de la personnalité algérienne qui a mis au point le complot visant à éliminer le successeur de Chadli Bendjedid."

Pourtant, le meurtre de ce patriote qui plaçait "l'Algérie avant tout" et affirmait que "la mosquée appartient à Dieu, la patrie à tous", ne sera jamais élucidé et ses commanditaires ni identifiés ni jugés.

Du côté du pouvoir, depuis 1988, on n'a pas vraiment fait preuve de détermination ni donner l'impression de vouloir réellement régler le problème d'une transition qui tarde à venir. Tout est tergiversation, improvisation, manque d'imagination et fuite en avant avec perte de temps, de moyens et d'espoirs. A défaut d'hommes crédibles, la caste au pouvoir va rechercher de vieux chevaux de retour tel que Ali Kafi, un islamo-baâthiste notoire et Belaïd Abdesselam, quelqu'un qui est resté figé aux années soixante sans rien comprendre à l'histoire. Le pouvoir ira jusqu'à envisager la nomination de Abdelaziz Bouteflika (surnommé le grand voleur) à la tête de l'Etat !

Autre exemple de ces hésitations et incohérences : le rééchelonnement de la dette extérieure qui aurait dû intervenir depuis 1988. Non, il aura fallu attendre, attendre et perdre six ans ; que l'Algérie se trouve en état de cessation de paiement, pour parvenir à un accord avec le F.M.I. Et en 1994, l'Algérie aura payé déjà l'équivalent de deux fois sa dette...

Une Constitution pro-islamiste, sinon pré-fissiste.

Cette assemblée jusque-là monocolore, simple chambre d'enregistrement, se déchaîne en lamentables " chikayates " infinies lorsqu'il s'agit de défendre ses privilèges. En dehors de cette chambre d'applau-dissements, il y a des organes de consultation mais leur existence est de pure forme, sans réel pouvoir. Aussi le FIS, ou tout autre parti d'opposition accédant demain au pouvoir, aurait bien tort de modifier une si " belle " constitution, taillable et corvéable à merci, permettant la concentration de tous les pouvoirs et permettant tous les abus imaginables.

On ne peut conclure ces trente ans de gabegie FLN sans mentionner la Constitution... Taillée sur mesure pour un président autocrate, la constitution algérienne n'est qu'un jouet qu'on malmène et dont on se sert à sa guise. D'autant qu'il n'existait pas, et n'existe toujours pas, de contre-pouvoir ni de véritables organes de contrôle (telle qu'une justice indépendante, une Cour des comptes puissante, un Conseil Constitutionnel digne de ce nom, une presse libre et indépendante, des syndicats autonomes, etc.).

Avec un parlement forcément croupion, de béni oui-oui, aux prérogatives limitées, sauf celle de voter à la hâte la loi sur l'application et la généralisation de la langue arabe, juste avant sa dissolution grâce à l'appui de son président Abdelaziz Belkhadem...

Ainsi et avant tout, la Constitution de 1989 s'ouvre par la phrase rituelle : "Au nom de Dieu clément et miséricordieux" (seule phrase écrite en arabe dans la version française).

Le préambule vante "l'épopée de l'islam... et l'Algérie, terre d'islam... pays arabe."
art. 2 : "l'Islam est la religion de l'Etat."
art. 3 : "L'arabe est la langue nationale et officielle".
art. 9 : "Les institutions s'interdisent... les pratiques contraires à la morale islamique..."
art. 70 : "Pour être éligible à la présidence de la République, il faut être de nationalité algérienne d'origine, de confession musulmane, avoir quarante ans révolus au jour de l'élection..."
art. 73 : (serment du Président) : "... Je jure par Dieu Tout-Puissant de respecter et de glorifier la religion islamique..."
art. 161 : "Il est institué auprès du Président de la République un Haut Conseil Islamique composé de onze membres désignés par le président de la République parmi les personnalités religieuses."

Après cela, on a envie de conclure par " Allah ou Akbar ! "

C'est cet ersatz de constitution confectionné et voté à la hâte en 1989, après les émeutes de 1988, dont une vingtaine d'articles devraient être abrogés et une trentaine d'autres amendés, que le pouvoir a remanié (amendé) et soumis à référendum en novembre 1996 (voir le texte complet et commentaires dans la partie document). Constitution qu'il veut imposer comme incontournable, indiscutable et inamovible !

Du XIIIème au XXème siècle :

Que d'opinions divergentes sur les Algériens.

" On se rappelle la vigoureuse résistance faite par les Zénata, jusqu'au moment où leur chef Ouezmar Ben Soulat fut conduit prisonnier à Médine pour être présenté au Khalif Othman Ibn Affan. On n'a pas oublié leurs successeurs, les Houwara et les Sanhadja, et comment les Ketama fondèrent ensuite une dynastie qui subjugua l'Afrique occidentale et orientale, expulsa les Abbassides de ce pays et gagna encore des droits à une juste renommée. "
(...)
" Citons ensuite les vertus qui font honneur à l'homme et qui étaient devenues pour les Berbères une seconde nature ; leur empressement à s'acquérir des qualités louables, la noblesse d'âme qui les porta au premier rang des nations. Les actions par lesquelles ils méritent les louanges de l'univers, bravoure et promptitude à défendre leurs hôtes et clients, fidélité aux promesses, aux engagements et aux traités, patience dans l'adversité, fermeté dans les grandes afflictions, douceur de caractère, indulgence pour les défauts d'autrui, éloignement pour la vengeance, bonté pour les malheureux, respect pour les vieillards et les hommes dévots, empressement à soulager les infortunés, industrie, hospitalité, charité, magnanimité, haine de l'oppression, valeur déployée contre les empires qui les menaçaient, victoires remportées sur les princes de la terre, dévouement à la cause de Dieu et de sa religion ; voilà, pour les Berbères, une foule de titres à une haute illustration, titres hérités de leurs pères et dont l'exploitation, mise par écrit, aurait pu servir d'exemple aux nations à venir ".
N'ajoutons plus, la cour est pleine ! Il en est ainsi des pages entières.

Entre ce témoignage datant du XIVè siècle d'un historien, savant, sociologue (avant la lettre) doublé d'un homme politique et d'action, natif de cette contrée et qui a " bourlingué " de Tunis à Marrakech, et de Biskra à Grenade ; qui a connu des hauts et des bas et fini sa vie comme grand jurisconsulte au Caire. Cet homme qui, grâce à ses conseils -et connaissances- épargna à l'Afrique du Nord et à l'Europe les affres de la conquête mongole de Timour Lenk (Tamerlan).

Et les deux témoignages suivants, que pouvons-nous en conclure ?

Augustin Bernard écrit : " Les Berbères, à cause de leur peu de cohésion et de leurs querelles intestines, sont incapables de s'unir contre l'envahisseur et de lui résister longtemps... A certaines époques, une organisation superficielle et éphémère a été imposée du dehors aux indigènes, mais, à chaque défaillance du pouvoir central, ils sont revenus à leur anarchie traditionnelle... Jamais les tribus berbères n'ont réussi à s'agglomérer en un Etat vraiment organisé et durable. Elles ne s'arrachent à leurs querelles intestines que pour se perdre dans l'universel et faire partie de vastes empires dont le centre se trouve d'ordinaire ailleurs que dans l'Afrique du Nord. " (Géog. Universelle..., T.XI, " Afrique septentrionale... ", Paris, A.. Colin, 1937).

Vingt ans plus tard, G.-H. Bousquet, écrit à peu de chose près la même chose : " ... Ils (les Imazighen) n'ont jamais manifesté la volonté, ou le désir de former une unité, et ils ont, soit vécu en anarchie tribale, soit été rattachés à des royaumes, ou des empires, dont, maintes foi, le centre était en dehors de l'Afrique du Nord... De plus on ne peut déceler chez eux un effort quelconque pour forger quelque chose de spécifiquement national. " Il ajoutera plus loin : "... ce qu'elles ont (les populations imazighen) de commun entre elles, c'est quelque chose de négatif, l'impossibilité de s'unir, de créer, de faire en association une œuvre constructive quelconque à laquelle elles peuvent s'affirmer vis-à-vis des non-berbérophones, de constituer, en un mot, un ensemble social, stable, cohérent, de quelque envergure, poursuivant un but donné, quel qu'il soit ". (" Les Berbères ", Paris, PUF, 1957).

Malgré ses critiques sévères et autres réserves, exprimées par ailleurs dans son œuvre, l'opinion d'Ibn Khaldoun est emprunte de compréhension, d'indulgence ce qui témoigne chez lui d'une meilleure connaissance et d'une excellente maîtrise de son sujet. Inversement, les histrions coloniaux, imbus de leur supériorité momentanée, rejettent, minimisent ou ridiculisent ces " peuplades " juste bonnes à être colonisées, dominées.

Heureusement qu'avec le temps et les nouvelles découvertes, mais aussi grâce à l'esprit neuf (dépassionné par la décolonisation) qui anime certains chercheurs, ces jugements trop abrupts, à l'emporte-pièce, car les uns sont quelque peu trop laudatifs et les autres carrément péjoratifs, sont relativement rectifiés. Une nouvelle vision apparaît, des vérités rétablies et des correctifs apportés... Mais beaucoup reste à faire.

Ainsi en est-il de l'origine " mystérieuse " des Imazighen, où chacun voit en eux des peuples venus pas très loin de chez lui, afin de mieux se les approprier ! D'où ces appellations aussi étranges que fantasques telles que les Maxitani, Les Macises, les Massyles, etc., ne seraient qu'une déformation phonétique du même nom : Mazigh. En effet tous les auteurs s'accordent au moins sur un point : le terme Amazigh. Terme que les autochtones se donnent pour nom. Quant au nom 'berbère', qui n'est pas emprunté à leur langue, il leur fut appliqué par les Arabes qui les désignèrent sous le vocable de 'beraber', eux-mêmes l'ayant empruntés aux Romains 'Barbari' qui signifie tout simplement Barbares. C'est-à-dire que l'on est toujours le barbare de quelqu'un ! Quant aux Grecs, ils les appelaient 'Libyens' d'une tribu de la Cyrénaïque : les Lebous et Numides à l'Est. Ce qui fait écrire cette boutade à Gabriel Camps : " Tour à tour ont été évoqué l'Orient pris globalement (Mèdes et Perses), la Syrie et le pays de Canaan, l'Inde et l'Arabie du Sud, la Thrace, la Mer Egée et l'Asie Mineure, mais aussi l'Europe du Nord, la péninsule ibérique, les îles et la péninsule italiennes... Il est sûrement plus difficile de rechercher les pays d'où ne viennent pas les Berbères ! " Et l'auteur de conclure plus loin : " Et si les Berbères ne venaient de nulle part ? " Voulant dire par-là qu'ils seraient tout simplement de purs autochtones, issus de cette contrée qu'ils ont toujours habitée.

Même si G. Camps remet un peu les pendules à l'heure cela ne change rien au fait que des opinions diverses et nombreuses restent très divisées quant à leur jugement et opinion sur la nation (ou le peuple) amazigh. Car aujourd'hui, les jugements erronés ne viennent pas seulement des autres mais sont également formulés par notre propre élite intellectuelle.

Ainsi en est-il de cette " violence " (barbare, sauvage, sanguinaire), autant physique que politique, qui s'abat sur l'Algérie et que les uns estiment presque naturelle, sinon biologique, chez les Algériens. D'autres, plus prudents, enrobent la présentation en expliquant cette violence, presque " inhérente " aux Algériens, par les aléas historiques (domination et colonisation depuis le XVIè siècle à 1962) mais également par l'histoire encore toute récente de la guerre de libération.

Partis politiques algériens

Comme les feuilles mortes, ils se ramassent à la pelle ! Mais contrairement aux feuilles, les partis politiques algériens disparaissent aussi spontanément qu'ils sont apparus, sans laisser de traces, sans compost, sans bonifier la terre non plus ! Parasites inutiles jusqu'au bout !

L'Opposition à partir de 1989

Sans être exhaustive, voici la liste des partis politiques anciens et nouveaux, issus de la clandestinité ou " spontanément " éclos comme champignons dès 1989. Certains ont disparus, d'autres ne comptent guère.

1 / Partis anciens sortis de la clandestinité :

FFS : parti d'opposition créé dès 1963 et présidé actuellement par Hocine Aït Ahmed. Dépose sa demande d'agrément en septembre 1989 et sera agrée en novembre de la même année.

MDA : fondé et dirigé par Ahmed Ben Bella depuis 1982 mais légalisé en juin 1990. Interdit depuis la nouvelle loi sur les partis (mars 1997) ce parti cesse d'exister, surtout depuis le départ de son fondateur, A. Ben Bella, au Maroc et ses sorties fracassantes quant à ses origines marocaines, ses choix... Dès lors ce parti est considéré comme mort.

MDRA : parti fondé par Krim Belkacem en 1967, sera agréé en janvier 1990, et dirigé par Slimane Amirat. N'étant présent qu'en Kabylie (et encore très en marge) ce parti, " écrasé " par le FFS et le RCD, n'a presque plus d'influence depuis le décès de son dirigeant.

PAGS : succédant à l'ex-PCA, il demeure un parti communiste avec quelques relais au sein de la centrale syndicale UGTA. Il était dirigé par Sadek Hadjeres. Après une scission en son sein, le sigle PAGS disparaît au profit d'une nouvelle appellation : Ettahadi-Tafat. Il est dirigé par El Hachemi Chérif. Ses organes de presse Saout Ech-Chaab et Algérie Actualité ayant cessé de paraître, il " investira par ses militants et journalistes", le quotidien Le Matin. Ce parti changera à nouveau de nom en mars 1998 pour devenir le MDS : Mouvement démocratique et social.

PAP : Parti algérien du peuple. Constitué clandestinement en mai 1983. Dépose ses statuts en septembre 1989 est présidé par Miloud Nouari : publie un bi-mensuel Eçadaa.

PNDS : Parti national démocratique socialiste. Créé le 15/12/1967 par Mohamed-Ali Senighri, ancien membre de l'ORP (organisation de la résistance populaire issue de l'ex-PCA contre le putsch de juin 1965 et qui donnera naissance au PAGS).

PST : Parti socialiste des travailleurs dont le porte-parole est Chawki Salhi. Organisation d'extrême gauche qui sort au grand jour après 15 ans de clandestinité.

PT : Parti des travailleurs, d'obédience trotskiste, dirigé par Louisa Hanoune, Mustapha Ben Mohamed et Abderrahman Arfouti. Ce parti succède au Comité de liaisons Trotskistes algériens, constituait clandestinement en 1974. Sera légalisé en début 1990 sous le nom de PT. Soutient les grèves du FIS en avril-mai 1991, comme en boycottant les législatives de décembre 1991, revendique la laïcité de l'Etat, la reconnaissance de tamazight et le vote à 16 ans.

2 / Partis créés depuis 1989 :

a) Mais ayant une ancienne base populaire et issus d'un passé de lutte :

El Oumma : dirigée par Ben Youcef Ben Khedda, dispose d'un organe de presse : El Minbar. Ce parti s'auto-dissout plutôt que de soumettre à la nouvelle loi sur les partis (mars 1997).

FIS : Front islamique du salut, dont l'annonce de l'existence est faite le 18/02/1989 à la mosquée d'Al-Sunna de Bab-el-Oued. Il se veut l'expression politique unifiée de tous les musulmans algériens contre le pouvoir en place et pour l'instauration d'un Etat islamique. Son " programme " sera publié pour la première fois par La Tribune d'Octobre du MDA (A. Ben Bella). Le Fis dispose d'un organe de presse El Munqid. Il est dirigé par Abassi Madani.
Le FIS n'aurait jamais du être agréé et, par ses actions, aurait du être dissous bien avant mars 1992. En effet, le FIS tombait sous le coup de deux articles (selon la constitution de 1989) :
- 1°) art. 5 : " l'association politique ne peut fonder sa création et son action sur une base exclusivement confessionnelle " ;
- 2°) art. 6 : " l'association à caractère politique s'interdit tout atteinte à la sécurité et à l'ordre public ainsi que celle aux droits et libertés publiques ".

MCRA : Mouvement des comités révolutionnaires algériens. Mouvement pro-libyen, créé vers 1981, proche du MDA dont il se désolidarise en 1987. Parti non agréé. Son programme prévoit, outre l'application de la chari'a dans tous les domaines, il veut réaliser le programme contenu dans le Livre vert de Kadhafi...

PSD : Parti social démocrate, agrée le 5 septembre 1989, se veut du " juste milieu " (ouassatia), regroupant les intellectuels, les professions libérales et une partie du patronat, dirigé par feu Abderrahmane Adjerid, qui en sera exclu, et publie Le Progrès.

RCD : Rassemblement pour la culture et la démocratie. Issu du militantisme culturel amazigh en Kabylie et s'opposant au FFS (par divergence et ambition de ses principaux animateurs). Fondé en Kabylie le 10 février 1989 et sera agréé le 6 septembre 1989. Dispose de trois organes de presse : Asalu, Ettajemou et l'Avenir. Toutes ces publications cesseront de paraître et le parti " investira " dans Liberté. Le RCD peut être considéré comme un parti centriste social-démocrate. Il est dirigé par Saïd Sadi.


b) Partis " nés spontanément " après 1989 :

AFP : Associations des forces populaires. Présidée par Mustapha Telemçani. Son but préserver les acquis de novembre dans le respect de l'islam...

AHD 54 : Dernier parti à voir le jour en juillet 1991. Son responsable, Ali-Fawzi Rebbaïne, s'oppose au projet de privatisation d'un quart des réserves d'hydrocarbures de Hassi Messaoud.

AJL : Alliance pour la justice et la liberté agréée en octobre 1990, elle se veut démocratique et en faveur d'un gouvernement d'union nationale non en contradiction avec les principes du droit islamique. Elle présentera 66 candidats aux législatives de décembre 1991. Elle est dirigée par l'avocat Salah Brahimi et Ammar Laouar.

ALP-PLA : Algerian liberal party - Parti libéral algérien. Fondé en juillet 1990 par Ahmed Sebti, Hocine Abdelli. Se déclare pour la liberté et le libéralisme en tout...

ANDI : Association nationale des démocrates indépendants. Fondée par un transfuge, Mustapha Toumi, venu de l'UFD.

ANR : Alliance nationale républicaine. Dirigée par Redha Malek. Ce parti aurait des chances d'emporter des élections si les républicains, pour une fois sincères et mettant l'intérêt national au-dessus des rivalités partisanes, et s'unir en un " front " démocratique.

APUA : Association pour l'unité et l'action. Présidée par Abbas el-Mehri Allalou. Tint son congrès constitutif en juin 1991 mais participa aux élections municipales de juin 1990.

Ennahdha : parti islamiste plus extrémiste que le Hamas mais moins populaire. Dirigé par Abdallah Djaballah. Opposé à la démarche du secrétaire national, Adami, Abdallah Djaballah quitte ce parti pouir créer le sien propre : le MRI.

FAAD : Front pour l'authenticité algérienne démocratique. Présidé par Tayeb Kabri. Rejette l'arabisme, affirme l'authenticité algérienne fondée sur l'amazighité et l'islamité.

FD : Front démocratique, dirigé par Sid-Ahmed Ghozali, lequel a longtemps dirigé la Sonatrach, avant d'occuper différentes fonctions dont celle de Premier ministre, et enfin candidat évincé à la course présidentielle d'avril 1999. Mais son parti ne serait toujours pas agréer (août 2000) bien qu'il ait déposé son dossier deux mois auparavant.

FGI : Front des générations de l'indépendance. Dirigé par Mohamed Yousfi et Azzedine Brahimi. Apparu opportunément lors de la conférence gouvernements/partis en juillet 1991.

FNC : Front national du chahid. Fondé en septembre 1989. Son but est de protéger les principes et les idéaux de la révolution du 1er novembre 1954 représenté par l'islam, l'unité de la patrie et la justice sociale...

FSN : Front du salut national. Présidé par Abderrahman Adjerid qui fut exclu en 1990 du PSD dont il fut l'un des fondateurs. Participa aux consultations entreprises par Sid Ahmed Ghozali lors de la formation de son gouvernement en juin 1991.
Né en 1939 à Ouled Moussa, wilaya de Boumerdes, ancien résistant en Kabylie sous les ordres de Cheikh Yaalaoui, lieutenant de Amirouche. Démobilisé en 1962, entreprit des études et fini comme avocat inscrit au barreau d'Alger en 1973. Décédé en

GD : Génération démocratique. Dirigé par Abdelli qui exprimera sa confiance en l'armée et trouve en Ghozali, juin 1991, l'homme qu'il fallait à la situation

Hamas : parti islamiste soi-disant modéré et " opposé " au FIS. Il prétend édifier un Etat islamique, sans violences, par étapes et par voie légale. Il est dirigé par Mahfoud Nahnah. Qui changera de nom en mars 1998 pour devenir MSP : Mouvement de la société pour la paix.

JMC : Jazaïr Musulmane contemporaine (El), ses fondateurs publient un texte de 700 pages pour sortir l'Algérie de la crise. Ce parti se réfère à l'islam comme source originelle et suprême de conception et de jugement, comme il milite pour une coranisation continue... Nous savons qu'il y a deux courants... l'alternatif et le continu. Avec le JMC, nous avons le Coran continu !...

MAJD : mouvement algérien pour la justice et le développement, fondé en novembre 1990 et agréée fin 1989par Kasdi Merbah, ancien responsable de la Sécurité militaire, ancien Premier ministre de Chadli et démis de ses fonctions en septembre 1989.
Depuis l'assassinat de son fondateur, en 1993, ce parti ne parvient pas à sortir des querelles de personnes ni vraiment à s'imposer au niveau national. Ce parti changera également de nom en mars 1998, pour devenir le RPR : Rassemblement patriotique républicain.

MEA : Mouvement écologique algérien. Agréé le 30 août 1989. Ce parti éphémère " disparaît " sans laisser de traces ni faire parler de lui.

MFAI : Mouvement des forces arabes et islamiques, agréé en en août 1990 et par Amor Lassoued. S'oppose à ceux qui prônent la laïcité et attaque tous les comportements contraires à l'islam.

MJD : Mouvement de la jeunesse démocratique. Présidé par Redouane Hamidou.

MJD : Mouvement pour la justice et la démocratie. Participe aux consultations de Ghozali lors de la formation de son gouvernement, juin 1991.

MRI : Mouvement pour le renouveau islamique fondé en 1999 par l'ancien responsable d'Ennahdha, Abdallah Djaballah.

OGRS : Organisation des générations pour la révolution scientifique. Créé avec l'aval du Cheikh Sahnoun, situe son action dans la ligne de Da'wa. Refuse la laïcité et fait de l'enseignement islamique son cheval de bataille.

OSIA : Organisation socialiste Illal Aman. Mouvement d'extrême gauche qui fusionnera avec le PST en décembre 1991.

PAHC : Parti algérien de l'homme capital. Dirigé par Malek Hachouche. Dépose son agrément le 08/10/1989. Prône la participation des travailleurs aux bénéfices de l'entreprise et la consolidation des valeurs islamiques. Participe aux élections municipales de juin 1990 dans... 02 wilayas !

PEL : Parti écologie-liberté. Présidé par Smaïl Boulbina. Soutient l'action de Ghozali. Ce parti déclare 500 militants de la bouche de son président...

PNA : Parti national algérien. Créé le 16 avril 1989 et dépose son agrément en septembre 1989 et agréé en novembre de la même année. Présidé par Nourreddine Houam, prône le libéralisme économique et le strict respect de la chari'a.

PNSD : Parti national pour la solidarité et le développement. Agréé en septembre 1989 et dirigé par Rabah Benchérif.

PPA : Parti du peuple algérien. Se réclamant de l'ex-PPA de Messali Hadj créé en 1937 et interdit en 1939. Ses statuts sont déposés en août 1989. Son agrément sera refusé en octobre 1989 et confirmé par la Cour d'Alger en novembre 1989. Son dirigeant, Mohamed Memchaoui, 72 ans, neveu de Messali Hadj, a été, dès 1938, responsable au sein du PPA, du MTLD et du MNA.

PPD : Parti progressiste démocratique. Déposera sa demande en 1989 et sera agréé en avril 1990. Présidé par Mabrouk Saci. Un parti très discret qui se déclare pour un projet d'une justice sociale islamique et démocratique.

PR : Parti républicain, présidé par Slimane Chérif, devient illégal, selon le ministre de l'intérieur au regard de la nouvelle loi sur les partis (ce parti aurait déposé tardivement sa dernière demande).

PRA : parti pour le renouveau algérien légalisé en novembre 1989. Parti islamisme se déclarant "moderniste et modéré", dirigé par Nourredine Boukrouh.

PRP : Parti républicain progressiste. Dirigé par Driss Khadir, enseignant. Figure parmi les " partis " ayant participés à la conférence gouvernement- partis politiques en juillet 1991.

PSJT : Parti science justice et travail. Se déclare favorable au boycott des législatives de décembre 1991.

PSL : Parti social libéral, fondé par Ahmed Khelil, ancien membre du cabinet Ahmed Ben Bella jusqu'en 1965. Dépose son agrément en septembre 1989 et légalisé en novembre de la même année. Favorable au libéralisme économique.

PUAID : Parti de l'union arabo-islamique démocratique. Dirigé par Belhadj Khelil Harfi, qui propose le regroupement de la communauté musulmane de Golfe à l'Océan au sein d'un Etat unique et central. Participe aux législatives de décembre 1991 dans... une wilaya !

PUP : Parti de l'union populaire. Agrée en novembre 1989 et présidé par Djamel-Eddine Habibi. Se déclare pour la généralisation de la langue arabe, se réclame du socialisme et prône l'application correcte et réelle de l'islam. A la suite de dissension, et n'ayant pu se conformer à la nouvelle lois sur les partis, il se transforme, avec les mêmes dirigeants, notamment Habibi, en Algerian National Congress (ANC). Ce qui rappelle le mouvement sud-africain de Nelson Mandela !

RABI : Rassemblement algérien boumédieniste et islamique. Qui deviendra RAI (Rassemblement arabe et islamique) en avril 1990, dirigé par Laïd Grine. Prône la généralisation de la langue arabe s (dans tous les domaines)

RNA : Rassemblement national algérien. Présidé par Abdelkader Belhaï. Oeuvre pour une société libérale.

RND : parti néo-FLN ou un FLN-bis dû à des transfuges de cet ancien parti. Il est créé de toute pièce pour appuyer et soutenir l'action du chef du président Liamine Zeroual. Dirigé une première fois par Bensalah qui est également président de l'Assemblée nationale. Le RND sera coiffé par un islamo-conservateur notoire : Benbaïbèche et dirigé par une troïka constituant son Comité central dont le sinistrement célèbre Mohamed Betchine.

RUN : Rassemblement pour l'unité nationale. Dirigé par Moussa Maghni, obtient son agrément en juin 1991. Il sera le 50ème parti agréé par le ministère de l'intérieur.

TLL : Triomphe pour les libertés, dont le porte-parole est Omar Mahi, propose de rattraper les retards de l'Algérie par rapport aux pays développés et insiste sur le développement de la recherche scientifique, nucléaire et solaire.

UDL : Union pour la démocratie et la liberté. Créée en octobre 1990 et dirigée par Moula Boukhalfa et Abdelkrim Saddiki.

UFD : Union des forces démocratiques. Créé par Mohamed Mahsas, ancien ministre de Ahmed Ben Bella, ce parti sera légalisé en décembre 1989 et se déclare continuateur du mouvement révolutionnaire national libérateur et qui vise l'édification de la société algérienne au moyen du socialisme démocratique en conformité avec les véritables justices sociales islamiques. Le programme est un socialisme-islamiste spécifique... bref on est revenu à l'époque des années soixante ! Rien de bien nouveau donc.

UFP : Union des forces pour le progrès. Son agrément sera déposé en novembre 1989.

UPA : Union du peuple algérien. Dirigé par Abderrachid Benzaïm, parti très proche des thèses islamistes, notamment du FIS.

Wafa : Parti fondé et dirigé par Ahmed Taleb-Ibrahimi, homme politique qui occupa différentes fonctions ministérielles sous Boumédiene. Il est candidat àl'élection présidentielle d'avril 1999, mais solidaire des autres candidats, il se retire lui aussi de la course à la veille du scrutin. Considéré comme un islamo-conservateur, son parti est non seulement proche du FIS, mais ces cadres et militants actifs sont constitués par d'anciens éléments du FIS. A tel point que certains considèrent Wafa comme une vitrine légale de l'ex-FIS. D'où également les refus des autorités d'agréer ce parti.

Malgré la soixantaine de partis politiques ou d'associations à caractère politique ayant vus le jour depuis 1989, on peut considérer seulement dix partis politiques " dignes " de ce nom, quant aux autres, c'est-à-dire tout le reste, on peut les considérer tout juste comme des petits attroupements de " copinages ", créés pour la circonstance ou profitant de quelques largesses étatiques. Nombreux n'ont ni programme, ni éléments, ni locaux ni moyens. Certains vivent seulement à travers les communiqués de presse que les journaux à leur début, et par manque de matière, publiaient complaisamment.

Beaucoup de ces partis se sont évanouis dans la nature. Mais leurs " dirigeants " sont bien capables de " ressusciter " selon les opportunités du moment et les besoins des manipulateurs tapis dans les rouages du système.


II - MOUVANCE ISLAMISTE

On voudrait nous faire croire que la mouvance islamiste est une constellation de partis/associations aux objectifs et idéaux opposés, etc. De même qu'elle serait divisée entre salafistes (internationalistes) et Djaz'aristes (nationalistes) ; entre " légalistes " qui seraient soi-disant " pacifistes " et les révolutionnaires qui seraient extrémistes... Tout cela n'est que vue de l'esprit et construction d'intellectuels loin des réalités. Ou alors, volonté absolue de nous imposer un islamisme quel qu'il soit !

En réalité tous les islamistes se valent. De quelque tendance qu'ils soient, ils sont kamis blanc et blanc kamis. Leurs disputes, leurs divergences concernent la forme, le détail, le superflu, mais pas l'essentiel. Sur le fond et le but à atteindre, ils s'entendent comme larrons en foire.

En effet, quel est l'objectif d'un parti islamiste, aussi modéré soit-il, s'il peut exister des modérés dans un mouvement religieux ? N'est-ce pas d'introduire -ou réintroduire- la foi, la croyance et les pratiques religieuses dans la société ? Et s'agissant de l'islam, ce dernier ne peut être prêché, enseigné, lu, que dans sa langue originelle : l'arabe. Et quand on sait ce que cette langue charrie comme scories culturelles et idéologies politiques... Donc forcément, un jour ou l'autre, on se retrouvera de nouveau face à un intégrisme ne rêvant que d'instaurer par tous les moyens le royaume d'Allah sur terre !

Le F.I.S. n'est finalement que la partie visible d'un iceberg constitué à l'origine par une multitude de partis ou associations religieuses. Au-delà donc de la composante FIS proprement dite, il y a une myriade de micro-partis et associations minuscules qui, sans réellement faire partie du FIS, n'en sont pas moins proches de lui, dans la mesure où tous, comme on l'a vu, se réclament de l'islam et érigent l'islam comme unique modèle et comme but.

Al Irchad wal Islah (Orientation et Réforme) :

Fondée fin 1988 par Mahfoud Nahnah, agréée le 11/09/1989, lequel créera un autre mouvement en mars 1991 : le Mouvement de la société islamique MSI-Hamas (qui en est l'expression politique). Parti qui sera contraint de changer de nom à la suite de la nouvelle constitution et loi sur les partis : il deviendra Mouvement de la société pour la paix (MSP) en avril 1997.

Son fondateur, né en 1936 (d'autres sources le disent né en 1938) à Blida. Issu d'un milieu modeste. N'aurait jamais fréquenté l'école française mais seulement coranique " Al Irchad " fondée par le mouvement nationaliste et fermée après 1954. Marié, père d'une nombreuse famille où les filles constituent la majorité. Pendant la guerre de libération, il aurait collecté des médicaments et distribué quelques tracts. C'est insuffisant pour " mériter " la qualité de résistant ; il n'aura donc aucune " preuve " ni attestation à fournir, comme l'exige la loi, afin de pouvoir se présenter aux présidentielles de 1998. Tout en enseignant l'arabe dans le primaire et, grâce à des conditions particulières, il suivra des cours de littérature arabe à l'Université dès 1966 pour devenir enseignant à la faculté centrale d'Alger. Durant ses études, il aurait lié connaissance avec les Egyptiens qui l'auraient initié à l'idéologie des Frères Musulmans.

Il aurait par la suite fréquemment séjourné en Syrie et en Egypte dans les années 60/70 (avec une bourse d'études du gouvernement algérien). Il sera condamné à 15 ans de prison en 1976 sous Boumediene pour s'être opposé à la Charte, mais libéré en 1981 par la grâce de Chadli.

Fidèle à ses engagements, il reprend son activisme auprès de Mustapha Bouyali quand ce dernier constituera un maquis dans le massif blidéen (1980/85). Mahfoud Nahnah est arrêté, la scie à la main au moment où il s'apprêterait à couper des poteaux téléphoniques. D'où le surnom de scieur de poteaux que lui accola Ahmed Ouyahia lors de la campagne présidentielle de 1995. Mais, selon d'autres témoignages, cet " engagement " est de pure forme, comme celui auprès des mouvements islamistes dont il reste très 'timide'. En fait, beaucoup de ses anciens compagnons le soupçonnent de travailler pour les 'services' algériens.

Il est présenté comme " opposé " au FIS, mais surtout comme un " modéré ". En fait, un rusé et un parfait opportuniste sans vergogne (un fieffé coquin). Sous les apparences du musulman tolérant et démocrate (plutôt chouroucrate selon son expression favorite) veille en lui le vieux théocrate intransigeant et borné. Que l'on se rappelle ses envolées " lyriques ", dignes des grands inquisiteurs, lorsque à l'ENTV, il exige la plus grande fermeté contre le MCB pour son appel au boycott de l'école. Il ne déploiera pas autant d'énergie, ni de mâle fermeté, envers le GIA... et autres assassins de l'Algérie.

Al Oumma (la Communauté) :

Ce mouvement se veut dans la continuité du mouvement national PPA-MTLD avec une connotation religieuse. Fondé en juillet 1989 par l'ancien président du GPRA, M. Ben Youssef Ben Khedda : né le 23 février 1920 (M. Harbi donne la date de 1922) à Berrouaghia, pharmacien de formation installé à Blida, son père était magistrat. Il milite dans les Scouts musulmans algériens puis chez les étudiants musulmans (voir biographie). Ce parti préférera s'auto-dissoudre (mars 1997) que de se soumettre à la nouvelle loi sur les partis politiques.

Al Sunna wal-Charia (Tradition et loi islamique) :
Association qui a adhéré au FIS puis carrément fondue en lui.

Al Takfir wal Hijra (Anathème et Exil) :
Mouvement radical totalement clandestin, composé en majorité de jeunes. Branche algérienne d'une secte militaro-mystique née en Egypte dans les années 1970 et signalé en Algérie dès 1974 dans des tracts prônant l'instauration d'un Etat islamique par les armes, proche du Hizbullah libanais, lui-même financé par l'Iran.

Peu avant la mort de Mohamed Boudiaf, le 29 juin 1992, ce mouvement avait fait circuler un tract, selon lequel, et d'après le Coran, "l'assassinat du prince pervers est légitime. Le prince qui ne gouverne pas avec les lois divines est un hérétique. L'ennemi immédiat, ce sont les princes et il faut pousser tout musulman à les combattre au nom de Dieu." Et le tract de conclure : "La guerre est une ruse". Le chef de cette branche islamiste est un certain " émir Nuh " (Noé), arrêté et condamné à mort, il sera exécuté le 11 octobre 1993.

Al takfir... compte sur l'appui iranien qui a déjà formé une vingtaine d'Algériens dans les troupes du Hezbollah au Sud-Liban comme il peut également compter sur le soutien du Hezb Islami du Premier ministre afghan Gulbuddin Hekmatyar.

Association populaire pour l'unité et l'action (APUA):

Fondée par Mehdi Abbès Allalou en juin 1989, sa demande d'agrément déposée le 3/12/1989 sera agrée en janvier 1990. C'est un parti "national centriste arabo-musulman" qui "considère la langue arabe" comme "l'unique langue nationale et officielle du pays" et qui "vise à œuvrer sans relâche pour contrecarrer les visées des tenants de la francophonie et de la francophilie".

Ceci est un aperçu de la part d'un parti considéré comme très modéré... ! Malgré ses déclarations (ou à cause d'elles) cet homme sera désigné comme membre du CNT (succédané à la défunte APN) et, en tant que tel, ou en tant que chef de parti, il envisage de se rendre en Israël dans "l'intention d'apporter aux Israéliens la vérité sur la situation dans notre pays et d'expliquer le fait que, malgré les menaces extrémistes, le peuple algérien aspire à la démocratie et à la liberté d'expression". Finalement, il se rétractera et déclare n'avoir pas l'intention de se rendre en Israël tant que les relations israélo-algériennes ne seront pas encore normalisées (El Watan 17/07/1994).

Association des Oulémas :
Légalisée en mars 1991, dirigée par Ahmed Hamani et Tahar Foudhala. Elle aussi se considère comme l'héritière de celle crée en 1931 par A. Ben Badis.

Associations des Imams :
Association des Médersas :
Association des Zawiyas :
Inutile de présenter ces trois associations, leur simple appellation est suffisamment significative.

El Djazaïr musulmane contemporaine :
Association à caractère politique fondée en juin 1991 et dirigée par Mohamed Benmohamed.

Ennahda -Mouvement de la renaissance islamique- (MRI) :

Mouvement de la Nahdha islamique : Créé en 1988 à Constantine, se transforme en MNI à l'été 1990 et sera légalisé en octobre (ou décembre) 1990 mais aurait existait depuis 16 ans dans la clandestinité selon son président. Parti qui changera également de nom en mars 1997 (loi sur les partis) en devenant En-Nahdha (Renaissance).

Abdallah Djaballah, né en 1955, à Skikda, école coranique, puis université de Constantine en 1974, Après sa licence, il séjourne en Arabie saoudite d'où il sera expulsé à la suite des événements de 1979. Sera arrêté et emprisonné en Algérie dans les débuts des années 80. Imam de Constantine, fondateur dans les années 70 de la " Djemaâ islamiya ", proche des Frères Musulmans. Sera emprisonné, puis interpellé plusieurs fois (quand il fut soupçonné de sympathie pour le MIA de Bouyali), proche également du Hamas mais surtout du FIS. Son mouvement est surtout implanté dans le Nord Constantinois.

Hamas :
Mouvement pour la société islamique, fondé par Mahfoud Nahnah, le scieur de poteaux, à qui l'on doit le terme de " Chouracratia ". Un néologisme, ou plutôt un sabir, obtenu à partir de Choura et Cratie. ( v. Al Irchad wal Islah).

Hezbollah algérien :
Fondé en mars 1990 et dirigé par Jamal Eddine Bardi. Son but est la "mise en application totale du coran et de la sunna".

Hizbou el Haq (Parti de la Justice) :
Ne maîtrisant pas suffisamment le tifinagh, et voulant démontrer qu'il n'était pas hostile à tamazight -par pure démagogie peut-être- et par méconnaissance de l'alphabet sûrement, ce parti a transcris en tamazight Hizbou el Baq, ce qui donne : le parti des punaises, ce qui correspondrait peut-être mieux à la réalité ! Ce parti est dirigé par le docteur Mohand Aïnouche, dont la demande d'agrément a été déposée le 04/09/1991, se dit favorable à la libre entreprise, à la propriété privée, à la défense des cultures populaires...

Parti du rassemblement arabe islamique (PRAI) :
Agrée en septembre 1990 et dirigé par Ali Zeghdoud. Ce parti œuvre pour la généralisation de l'arabe à tous les secteurs de la vie publique en Algérie et un enseignement qui s'inspirerait de la charia.

Parti du renouveau algérien (PRA) :

Parti dont l'origine, ou l'idée, remonterait à Malek Bennabi. Ce penseur algérien, originaire de Tébessa, a fréquenté Cheikh Ben Badis et subi l'influence des Oulémas. Il est considéré comme l'un des premiers scientifiques du mouvement nationaliste algérien dont il animera et influencera le côté musulman moderne : une sorte d'Ataturc sans le côté laïc. M. Bennabi serait donc l'inspirateur de ce parti dont la création, par voie de presse remonte au 3/8/1989, dépose sa demande d'agrément le 17/9/1989 et sera agréé fin 1989.

Son président est, depuis le 3 mai 1990, Nourreddine Boukrouh, né en 1950 (d'autres sources citent l'année 1945) à El Milia, dans le Nord-Constantinois, économiste de formation, ancien cadre au ministère des Affaires religieuses, ancien directeur de la CNEP, passe au secteur privé en 1984. Marié, père de cinq enfants. En 1979, il se rend en Iran et à son retour, il publie une série d'articles sur l'expérience islamique iranienne. Il collabore à El Moudjahid, et Algérie Actualité (très proche de Chadli Bendjedid). Pour cela il fut considéré un moment comme un sous-marin du chadlisme. Actuellement, il partage son temps comme chargé d'affaires du côté de Riadh el Feth et consacre ses moments perdus à diriger son mouvement.

Et malheureusement une renommée (vrai ou supposée) finit par coller à la personne. Car, de temps à autres, comme sur commande, Boukrouh lâche quelques articles, parfois ciblés, parfois tous azimuts. Ainsi en a-t-il été de son attaque frontale, par presse interposée, et jusqu'à la justice, contre Betchine, l'âme damnée de Zeroual, durant l'été 1998... Puis silence radio !

Le PRA se réfère à un islam maghrébin avec pour référence Ben Badis et le progrès scientifique (quand il est conciliable avec... le Coran !) Le PRA s'affirme comme un parti opposé à la laïcité, et résolument ancré dans les valeurs civilisationnelles islamiques. Ce parti a fait de la fête du " Mouloud " (naissance du Prophète) sa " journée nationale ".

Parti de l'Union Arabo-Islamique Démocratique (P.U.A.I.D.) :
Fondé le 31 mars 1989 à El Goléa, il dépose sa demande d'agrément le 18/11/1989 et sera agréé en janvier 1990. Présidé par Belhadj Khellil Harfi, artisan de son état. Il prône le regroupement de la Communauté islamique du Golfe à l'Océan au sein d'un Etat unique et central, l'application de la chari'a et la consolidation de la... démocratie dans le respect des libertés individuelles !

Rabitat al Dawa al Islamiya (Ligue de l'Appel islamique) :
Fondée en octobre 1989 par le Cheikh Ahmed Sahnoun, âgé de 84 ans, imam de Kouba, -considéré comme le père de l'islamisme algérien- qui se veut le continuateur des Oulémas des années trente.

Rassemblement algérien boumedieniste islamique (RABI) :
Décidément les Boumedienistes ne reculent devant rien : Rabbi signifie : maître, seigneur, Dieu en langue sémite (arabe, hébreux). D'ici qu'ils se prennent pour Dieu et veuillent le remplacer !

Rassemblement Islamique Républicain (R.I.R.) :
Fondé le 20 janvier 1994 à l'issue d'une conférence entre le Hamas, les Oulémas et les prédicateurs. Cette nouvelle formation se propose de jouer les médiateurs entre le pouvoir et le " parti de Dieu " (FIS). Elle se dit "ouverte aux islamistes armés qui auront déposés les armes, aux membres du F.I.S. et à tous les patriotes sincères". Décidément, il n'y a qu'eux pour en rir... e ! Quand les uns se prennent pour Dieu les autres ont envie de rire...

Rassemblement National Constitutionnel (RNC).

Et enfin le : FRONT ISLAMIQUE DU SALUT

Tout en étant assuré de la bienveillance passive ou active de la mouvance islamiste dite modérée, quitte à l'attaquer au besoin (l'assassinat de Bouslimani membre du Hamas ou d'un responsable de l'APUA en est une preuve.

Cependant, officiellement, le FIS, en tant que sigle (parti), sera créé à la Mosquée Ibn Badis de Kouba à Alger et annoncé officiellement le 18 février 1989 à la mosquée Al-Sunna de Bab-el-Oued. Il déposera sa demande d'agrément le 22/8/1989 et sera agréé le 16/9/1989. Il est constitué par d'autres groupuscules islamistes :

Ahl al Tali'a (les gens de l'avant-garde) ;
Jamaât al Djihad (groupe du Djihad) ;
Jamaât al-Tabligh (le groupe du Message) :
L'action de ce groupe se fait au niveau des quartiers populaires pour : "une purification et une restructuration de la pensée islamique".

Al Dawa (Propagation de la foi) ;
Al Sunna wal Chari'a (Tradition et loi islamique) :
De tendance chi'ite, lié à l'Iran par le biais du Hezbollah libanais. Il contrôlait une dizaine de mosquées entre 1989/90.

Une branche armée :
Elle-même constituée de trois groupes distincts pour mieux se répartir leur sale besogne et dérouter l'adversaire.

Mouvement Islamique Armé (M.I.A.).
Groupe Islamique Armé (G.I.A.).
Armée Islamique du Salut (A.I.S.).
Cette dernière (l'AIS) devrait être issue en principe de la fusion du MIA et du GIA en un seul corps. Mais il n'en sera jamais rien... par divergences ou par opportunité tactique ?

Et un syndicat :

Syndicat Islamique des travailleurs (S.I.T.) :
Organe syndical crée en 1990 par le FIS pour contrecarrer l'UGTA, qui ne parviendra jamais à mobiliser la masse des salariés et des travailleurs, notamment lors de son appel à la grève générale du 25 mai au 7 juin 1991.

Une section de ce SIT, dénommée : Transport, Télécommunication et Tourisme, dont le président est Omar Akil (commandant de bord à la CNAM), le secrétaire général, Djamel Senouci (contrôleur aérien) et Yahia Hemam (chef du développement de la CNAM). Ces responsables, notamment ceux de la CNAM, à travers le bateau " El-Djorf ", seront impliqués dans un trafic d'armes en provenance de la Belgique au profit des groupes islamistes armés.

PROGRAMME du FIS

Le FIS n'ayant jamais publié, ni produit un véritable programme politique, ce ne sont donc que des extraits d'un " Projet de programme politique " paru le 7 mars 1989. Ces mêmes extraits sont repris et développés dans Tribune d'Octobre, organe du MDA (d'Ahmed Ben Bella). Mais un parti se réclamant de Dieu, se présentant comme l'expression divine sur terre, a-t-il besoin d'un programme quelconque ? Il lui suffit d'appliquer le coran (du moins la version qu'il s'en fait), pour le reste il n'y à plus qu'à se soumettre ; Dieu et le Fis y pourvoiront !

Néanmoins, il s'est cru dans l'obligation, ne serait-ce que pour se démarquer des autres, et surtout de 'la juiverie occidentalo-maçonnique', de produire une sorte de " programme " dans lequel il affirme d'abord son refus catégorique d'établir une distinction entre Islam et Politique (donc refus absolu de la laïcité), son ardente volonté d'appliquer la chari'a et de ne recourir qu'à celle-ci. S'agissant de l'économie, le FIS prône la privatisation et le libéralisme : le capitalisme sauvage des bazaristes et des trabendistes dont il se nourrit d'ailleurs.

Religion et Démocratie
- L'Islam est le cadre et la référence idéologique de l'action politique qui embrasse tous les aspects de la vie.
- Il constitue le recours idéologique le plus fiable pour fonder un projet politique à la mesure de la vie.
- C'est un substitut global à tous les problèmes idéologiques, politiques, économiques et sociaux dans le cadre de l'Islam.
- Seule la charia et sa méthode... permet de traiter toutes les questions.
- La législation doit se soumettre aux impératifs de la charia.
- Toutes les instances de l'exécutif doivent être réformées : présidence, gouvernement, département, commune.
- Seule la foi en Dieu peut permettre de sortir du cercle vicieux de sous-développement et des diverses formes de néo-colonialisme.
- il faut légiférer sur la base de la chari'a.
- Réformer toutes les instances de l'exécutif : présidence, gouvernement Assemblée nationale, APC, APW de façons qu'elles fonctionnent selon la chari'a que le peuple algérien aura fait sienne par conviction.

S'agissant de la démocratie, celle-ci est considérée comme un "concept étranger, et un mot qui n'existe dans aucun dictionnaire de langue arabe ni dans le coran, ni dans la sunna... La démocratie est un péché... Si la démocratie est un cadre de dialogue et de respect de l'opinion, nous sommes d'accord avec ce concept. Par contre nous n'accepterons pas que l'élu soit en contradiction avec l'islam, la charia, sa doctrine et ses valeurs". Et Ali Benhadj précisera : "Je suis les commandements de Dieu. Quant au droit positif (celui des hommes), je le piétine."

Quant au Cheikh El Hachemi Sahnouni, il déclare le 8 mai 1991 : " En cas de majorité aux prochaines législatives, nous suspendons la Constitution, nous interdisons les partis laïques et socialistes, nous appliquons immédiatement la Chari'a, nous expulsons immédiatement le président de la république ".

Réforme sociale.
- Pour réaliser la réforme sociale globale, on aura recours à la Hissba, considérée comme le moyen légal pour organiser les rapports dans les domaines suivants :
1°) la rue,
2°) le marché,
3°) l'usine,
4°) le champ,
5°) l'administration,
6°) la mosquée.
La Hissba sera également l'équivalent d'une police des mœurs. Grâce à cela le système se stabilise, les conditions de concorde et d'entente sont établies, l'usine est entretenue, les bonnes mœurs et les coutumes sont respectées et la nation évolue vers les objectifs de la charia islamique.

Il faut se conformer à la charia islamique et à sa méthode équitable, modérée, exhaustive, qui seule permet de traiter toutes les questions qu'elle qu'en soit l'importance.
- La législation doit se soumettre aux impératifs de la charia.
- Le Très-Haut n'a-t-il pas dit que : " le culte de celui qui recherche une religion en dehors de l'islam n'est pas accepté " ?
- Qui donc est meilleur juge que Dieu envers un peuple qui croit fermement ?

Education
- Il faut revoir les manuels scolaires à la lumière des préceptes de la charia et des exigences de l'éducation islamique.
- Il faut revoir le contenu éducatif pour en extirper toutes les idéologies et les concepts porteurs de valeurs contraires aux valeurs islamiques.
- Il faut revoir tous les programmes et les objectifs (de l'information, de l'éducation et de la pédagogie) pour prévenir l'invasion intellectuelle et culturelle, et que les programmes servent à approfondir la loi... (islamique s'entend).

Femme
- La femme musulmane est une force irremplaçable sur le plan psychologique, social et culturel. Il s'agit de savoir canaliser cette force et d'employer ses potentialités de la manière la plus judicieuse dans le cadre de la stratégie de développement de notre civilisation. Pour ce faire, notre attention doit porter sur les directions suivantes :
- renforcer la foi et les bonnes mœurs de la femme ;
- élever son niveau de conscience politique, éducative et civilisationnelle ;
- réhabiliter la considération de l'islam pour la femme en la préservant de toute répression et en luttant contre le relâchement des mœurs et le mimétisme aveugle ;
- éclairer la société sur l'importance du rôle et de la mission de la femme. L'islam en effet, a été et demeure cette religion qui ne fait pas de distinction entre la femme et l'homme son frère.

Pour Abassi Madani : "Les récentes manifestations de femmes contre la violence et l'intolérance constituent un des plus grands dangers qui menace le destin de l'Algérie... Ces manifestations sont un défi à la conscience du peuple algérien, et consacrent le reniement des valeurs d'une nation... Ces femmes qui sont manipulées, sont les éperviers du néocolonialisme et l'avant-garde de l'agression culturelle."

Santé
- Il est nécessaire et indispensable de prendre en charge la santé aux fins de prémunir la nation des maladies et des handicaps qui en découlent...
- Combattre le dépravés, les libertins considérés par la religion et confirmés par la science comme groupe à haut risque de transmission des maladies vénériennes telles la syphilis, le sida... (réclamer que les malades du SIDA soient porteurs d'un badge afin que les gens prennent garde à eux).

Médias et civilisation
- Pour le FIS, l'information est le domaine où se concrétisent la liberté d'expression et le droit de la communauté à respirer l'air pur, car l'information est une fenêtre ouverte sur le monde. Cette fenêtre a malheureusement été fermée et l'air à l'intérieur longtemps confiné. Une des conséquences de ce "black-out" est que la communauté algérienne se trouvait dans l'incapacité de répondre aux contempteurs de l'islam qui déversent les calomnies les plus viles contre notre religion... Nous devons recueillir la quintessence de l'apport scientifique.

Cet échange doit nous servir dans la lutte qui se déroule à l'échelle planétaire et dont l'enjeu est la dimension civilisationnelle... Aujourd'hui, les amateurs de chansons et de films sont comblés alors que ceux qui cherchent à en savoir plus sur la religion restent sur leur faim. Le fait est que l'accès des médias est interdit aux partisans du droit et de la vérité, ceux dont le seul souci est la promotion de l'islam et de la charia et aussi de la science et de la technologie.

Et à cet effet seront :

- Révisés la programmation radiophonique et télévisée, l'organisation des bibliothèques, des centres culturels, des théâtres, des complexes sportifs, des cinémas... les moyens d'information doivent être le filtre permettant de trier parmi les données circulant de par le monde celles qui correspondent à la société islamique nouvelle ou qui ne correspondent qu'à l'invasion culturelle des civilisations adverses ; les médias transmettront la parole de Dieu.

Economie
La doctrine du FIS se fonde sur la recherche de l'équilibre entre les besoins de consommations et les conditions de production, sur la nécessaire complémentarité entre qualité et quantité en rapport avec la croissance démographique et l'évolution, civilisationnelle.

Et pour étayer cette généralité, il propose ceci :
- Lutter contre les monopoles, l'usure et les pots de vin, le gaspillage tout en réformant la distribution, le commerce intérieur et extérieur, la politique énergétique et les ressources minières.
- Révision de la politique agricole de manière à soutenir la paysannerie et à assurer une relation fonctionnelle harmonieuse entre l'agriculture et l'industrie de transformation pour garantir l'autosuffisance et une politique d'exportation adéquate.
- Garantir le travail au père de famille afin de stopper l'hémorragie qu'est l'émigration devenue facteur de dislocation de la famille ; réformer la cellule familiale et lui apporter un soutien matériel et spirituel.

Extrait d'un tract du FIS : à propos des femmes.

"Mères, sœurs, épouses, je voudrai en tant que père, frère, époux que ta beauté soit ma richesse, que sans toi je ne pourrai vivre. Je brûle de jalousie de te voir servir de secrétaire à un renard humain, qui avant de t'embaucher a demandé ta photo. Je ne voudrai pas que tu sois un outil de travail, un bouc émissaire, pour ceux qui veulent détruire les mœurs islamiques."

"Je ne voudrai pas que tu te serves du mot juif " émancipation " pour attaquer les valeurs islamiques de tes ancêtres et plaire aux organisations féministes."

A propos de laïcité, pour le FIS les tenants de la laïcité, principalement le RCD, s'efforcent ni plus ni moins " d'introduire au sein de la société algérienne une nouvelle forme de colonisation incompatible déjà avec le principe de base de notre Constitution. Pour le FIS, la laïcité ne serait qu'une machination judéo-maçonique contre l'islam en général et l'Algérie en particulier.

En complément à ces extraits, voici des propos tenus par Abassi Madani et par Ali Benhadj :

I - Abassi Madani : Dès la rencontre, il s'excuse de devoir éviter tout contact avec la main que lui tend l'épouse de F. Jeanson en affirmant :
- "Il y a des normes, des valeurs, un système. Ce système, c'est la Vérité : le Coran et la Sunna. Or la vérité est une, elle est complète. Dieu c'est le Complet, l'Absolu ; les hommes, c'est l'individuel, l'incomplet, le relatif. Conclusion : Notre tâche est de leur imposer l'Absolu."
- "Aucun individu n'a le droit de relativiser l'Absolu."
- "L'Islam c'est le Modèle."
- "L'Islam, martela-t-il à deux reprises, c'est un moyen, ce n'est pas une fin..." Propos rapportés par Francis Jeanson).

Dans Le Point du 30/04/1990, à la question de savoir quel était l'objectif fondamental du F.I.S., Abassi Madani répondait ceci à Philippe Aziz : " Instaurer un pouvoir islamique et rendre les lois conformes à l'unique Constitution qui ait été offerte aux musulmans : le Coran et la Charia".

Comme il assimilera le FIS au peuple musulman et algérien en déclarant : "Celui qui frappe le Front (FIS) sera frappé par Dieu, car le FIS est la vérité et Dieu est pour la vérité", cité par Algérie Actualité du 1/1/1990.

Selon ce leader, " le FIS n'est pas une association politique, mais un cadre dans lequel le peuple algérien trouvera son expression en vue de concrétiser ses légitimes ambitions... (et) Si la démocratie est un cadre de dialogue et de respect de l'opinion, nous sommes d'accord avec ce concept. Par contre, nous n'accepterons pas qu'un élu soit en contradiction avec l'islam, la chari'a, sa doctrine et ses valeurs ".

II - Ali Benhadj : "Si nous sommes dans une société islamique véritable, la femme n'est pas destinée à travailler. La femme est une reproductrice d'hommes. Elle ne produit pas des biens matériels, mais cette chose essentielle qu'est le musulman." (Horizons 23/02/1989).

"Je ne respecte ni les lois, ni les partis qui n'ont pas le coran (comme guide). Je les piétine sous mes pieds. Ces partis doivent quitter le pays. Ils doivent être réprimés." (Alger Républicain, 5/4/1991).

Démocratie ? Liberté ? C'est quoi pour Ali Benhadj :
la démocratie, ce vocable importé du monde des infidèles, cache des croyances corrompues et des conceptions licencieuses, qui heurtent l'islam au plus profond...

Le mot liberté dresse les groupes humains contre toute autorité, jusqu'à la sunna de Dieu. C'est pourquoi, autant que nous le pourrons, nous effacerons ce vocabulaire, car il inspire l'idée de la force brutale, qui rend la populace avide de sang comme le sont les animaux.

Celui qui change de religion tuez-le, (souligné par nous) a dit le Prophète. On lui applique le châtiment de l'apostat. La liberté d'expression ne permet pas au musulman de blasphémer, de contester sa religion ni de se révolter contre ses normes...

Extraits de son " épître " rendue publique par son avocat, maître Touati, en 1993.
Titre : "Propos irréfutables pour faire front à la tyrannie des dirigeants."

"Salutations et paix. Apprenez Messieurs de la Cour Suprême ou de la Cour Supérieure de Justice que je prends la plume pour vous faire parvenir cette épître inspirée des paroles du Prophète..." (Il ne se mouche pas du pied !).
(...)
"... Il est indubitable que la doctrine politique islamique ne peut être appliquée que sous la tutelle d'un pouvoir fort... Il faut prendre le pouvoir pour appliquer cette doctrine, car sans cela l'islam se réduit à des sermons et à un culte sans rapport avec la réalité, ce qui est inacceptable pour ceux des musulmans qui connaissent la vraie religion. Car le pouvoir et le Coran sont comme des jumeaux : ils sont indissociables."
(...)
"... Il n'y a aucun des dirigeants des pays islamiques dont on puisse dire qu'il soit légitime... à l'exception des pays de la péninsule arabique, où, grâce aux efforts des prédicateurs et des Oulémas, la Charia est appliquée."
(...)
"... Si je n'étais pas en prison, je serais un simple soldat sous le commandement du frère militant Abdelkader Chébouti (chef du G.I.A.)... ou de n'importe quel autre, pourvu qu'il s'agisse d'un homme qui lutte contre ce régime."

Tel est le style épistolaire avec sa mentalité sous-jacente qui nous est proposé...
C'est du tapis volant !

Faut-il rappeler que pour cet individu "on ne vote pas pour Dieu ; on lui obéit !" Dans son esprit, Dieu n'admet pas cette " mascarade " que sont le vote, la démocratie et tutti quanti. En tout état de cause si l'on obéit à Dieu, on doit voter FIS. Car selon lui, Dieu et le FIS ne font qu'un ! Voici un énorme blasphème selon les normes religieuses que personne n'ose relever ni en accuser le FIS.

Les militants islamistes du FIS, mettant en pratique cette doctrine, multiplieront dès 1989/90 les actes d'intimidation, de violence et d'agression contre les femmes vêtues à l'européenne, les artistes et chanteurs les bars servant de l'alcool, les salles de spectacles : cinémas, théâtres, etc. Comme ils s'opposeront à la venue de la chanteuse portugaise Linda de Souza et à la pièce El Ayta -le cri-, de Azzedine Mejdoubi, parce que considéré comme communiste (athée) et militant du RCD.


Amar NEGADI