Revue de presse


Retour Accueil

sang honneur et sang passion

in : http://www.planetexpo.fr/sa/page3.php3?l=nbelloula

NACERA BELLOULA



J’ai rencontré en ce début de juillet 2004, un ami à Paris, un peu plus de vingt ans s’étaient écoulés depuis notre dernière rencontre, depuis le dernier cours partagé ensemble dans cette classe de lycée mixte, joyeuse…. J’avoue avoir oublier certains détails, sortis complètement de ma tête, et voila qu’il se met à parler, à raconter, et de ses bribes de conversation, jaillissent des étincelles, réveillant ma mémoire alourdie par d’autres souvenirs, plus frais cela. Le lycée, c’est si loin de moi, si loin de nous….les années sont passées, charriant avec elles nos meilleurs moments. J’avoue avoir oublier jusqu'à l’air qu’il faisait dans cette ville natale, dans cette région légendaire où j’étais née où mon ami était né où des héros y étaient nés et d’autres y sont morts, cette terre nommée les Aurès…..

Que d’histoires avaient alimentés nos rêves d’enfants…..que de rêves avaient guidé nos pas. Et ce sont ces histoires que je voudrais retrouver, réécrire, en vérité transcrire pour que l’oubli ne les ensevelisse point ….ni à jamais. Aujourd’hui, la narratrice, c’est moi ; jambes pliées en turque comme j’ai vu s’asseoir mes aïeuls, narratrices étonnantes, alourdies de tatouages verts et des foulards multicolores, personnages cultes, mystiques, effrayants parfois nos esprits naïfs, car craignant des incantations maléfiques. J’ai cherché….cherché longtemps, le fil conducteur, celui qui me ramènera des siècles en arrière. Au commencement de tout et de rien, sur cette terre de Berbérie, antique, immense, royaume déchu de rois mystiques et de reines tristes l’histoire de la vierge s’était nouée, s’était faite. Son nom n’arrivera pas jusqu'à nous, personne ne se souvienne de lui….sauf…Peut-être cette tombe perdue au milieu de l’Ahmar Kadou, nom plus récent de cette montagneuse rose qui se dresse comme un rempart haut de ses contre toute agression contre le temps même qui oserait voler à la belle sa légende. Cette tombe ne serait-elle pas la sienne…la légende dit qu’elle est celle de la sainte Taskala, aurait-il eu une autre sainte qu’elle sur cette terre brûlante de Tifelfel ? Point d’autres indications qui permettraient plusieurs de certitudes même pas sur les écritures romaines transcrites en ces temps, sur les lieux même de sa naissance ….et qui restent lisibles, déchiffrables. Qu’importe, sur cette terre où le sang a coulé si souvent, il ne reste que le sien asséché, fossilisé dans la roche là où courre cette eau cristalline, limpide qui réveille le village de Tifelfel qui raconte son sacrifice.
Au faite connaissait vous, justement la légende de cette eau ? Comment est-elle arrivée au village de Tifelfel ? Se creusant un passage dans les rochers ? C’est cette histoire que je vais vous raconter.
C’est donc à Tifelfel qu’elle était née, la belle, il y a des siècles, du temps où les romains, les légionnaires passaient par là, construisant Thamugadi, Théveste, Mascula. Etais-ce en l’an au temps de l’empereur Trajan ? Qu’importe. Le bel homme, fier dans son allure de légionnaire à la robe pourpre et casque brillant, arborant ses armures et armes avait mis pied à Tifelfel, établissant un fortin pas loin des gorges de Tighanamine, les plus belles d’Algérie, longues de 3 kilomètres, formées par une brisure verticale dans la muraille qui laisse s’échapper les eaux de l’oued Abdi. Les Romains s’étaient rendus compte de la stratégie des lieux et avaient construits deux forteresses au faite, l’une comme je le disais plus haut à Tighanamine et l’autre à Tifelfel afin de surveiller l’entrée et la sortie de ce défilé. Plus bas, dans la vallée verdoyante entouraient de belles cultures, se chevauchant presque, vu de loin des villages Tamrit, El-Arrich, Banian, Mchounech….
Tighanamine se cessa pourtant de rentrer dans l’histoire, s’inscrivant avec ses lettres sur les tablettes du temps ; Des siècles plus tard, le coup d’envoi de la guerre de
libération nationale partit justement de ses gorges, un certain novembre 1954 et qui aujourd’hui, défiant le temps porte une autre transcription.

De cette mémoire fragmentée, reconstituée péniblement par bribes de conversations, bribes de souvenirs aussi, épuisés dans des chansons païennes, oubliées depuis…Bavardages des femmes, murmures d’un lointain amour, récits conjugués à l’infini et j’aurai aimé écouté plus attentivement ces voix….non enregistrées, ces voix orales qui arrivaient comme des rumeurs, envahissant en échos assourdissants nos mémoires dépouillées. Les femmes surtout se souviennent, l’honneur de la vierge était sauve….et cela les femmes s’en souviennent, c’est en vérité, ce qui remplit leurs esprits…en échos….en soupirs aussi…c’est leur histoire, féconde, fertile, digne.
Le destin se tramait en ce lever du jour…des signes s’étaient fait clairs dans le ciel qui se démêlait. La vieille l’avait prévenu « sur ton chemin aujourd’hui Ô ! Belle d’entre les belles tu enchaîneras ta vie » un rire cristallin répondra à la prédiction de la vieille au long corps, à la peau cuivrée, parée d’amulettes et de talismans. «Quatre fois la terre aura tournée…juste quatre fois et ton sang de vierge coulera » la belle se tenait debout, fière, immobilisée par les yeux noirâtres de la prêtresse qui l’œil étincelant, fiévreux pointait son doigt vers elle « Me prédit-elle un mariage » Pensa la belle, qu’importe…les filles derrière elles s’impatientaient. « Avance…Avance » fusaient les phrases ininterrompus et les rires aigus.
Etant la plus jeune, la belle ouvrait la marche, derrière elles, les autres filles du village en file indienne, cruches sur les épaules, et bijoux en argents, tintaient les bracelets ciselés, les anneaux bruyants aux pieds, chaussés de sandales de peaux fines et travaillées….crissaient les pas, sur les pierres, le sentier s’alourdissait, montait péniblement jusqu’au sommet où coulait la source bénie qui abreuvait les assoiffés ; passants, voyageurs, villageois et où les filles venaient puiser l’essentiel de leurs eaux.

Pour soulager la corvée pénible de la collecte de l’eau, sa voix mélodieuse s’éleva dans les airs, réveillant les brises qui faisaient frémir les feuillages touffus des arbres. Le chant s’éleva, s’évapora…un homme s’approcha, descendit de cheval, ultime instant, rencontre inattendue, les yeux se posèrent sur elle, sur ses courbes, détaillant la taille fine, enroulée dans une série de ceintures en laines tressées, accentuant la finesse et le galbe…..le regard s’attarda, le sourire effleura les lèvres et une caresse interdite esquisse le geste. Des vagues tourmentèrent le soldat romain, pénétrèrent en lui en saccades le traversant de haut en bas. Le glorieux centurion qui avait traversé mers et montagnes, arrivant dans ces lieux lointains, venait de rencontrer sur cette piste poussiéreuse d’un village chaoui, sa défaite.

*

Le chef romain, s’inclina devant la beauté de la femme qui venait vers lui, légère dans ses robes fluides et depuis chaque soir face à cette lune qui éclairait ses nuits, il voyait dans sa splendeur et sa lumière, la splendeur et la lumière de la femme berbère, celle qui venait de lui prendre son cœur. Il se mit à la courtiser, surveillant ses allées et venues, rêvassant devant la fontaine de ses yeux si noirs, si brillants. Il lui offrit présents et regards doux, mais la belle se tenait à distance…dans sa tête cheminait une étrange idée. L’amour des siens étaient plus fort, elle le savait, le sentait. Lui, c’est le colonisateur qui a vaincu son peuple en s’établissant sur la terre de ses ancêtres, en fortifiant les camps pour davantage d’infiltration, le voici donc à ses pieds, aux pieds des monts ancestraux de ich Aziza.
Alors, l’idée diabolique lui traversa l’esprit, elle renversa sa tête, jouant avec sa chevelure d’ébène, les tchoûchânat (grands anneaux en argent) qui pendaient à ses oreilles balançaient gaiement. Câline, ensorceleuse, elle colla presque ses lèvres sur celles du romain, le laissant entrevoir l’immense désir qui branlait son ventre « je suis à toi, beau centurion…..mais avant tu dois faire quelque chose pour moi…..veux-tu faire quelque chose pour moi » le romain de la 6ème légion certainement, celle qui avait marqué son passage par une inscription sur la roche, visible aujourd’hui encore à Tighanamine, ce romain était près à vouer son âme au diable pourvu que la belle puisse lui accorder ses faveurs.
Son doigt fin, trace sur la poitrine de l’homme des cercles imaginaires « veut-tu apporter de l’eau à mon village » le sacrifice demandé est mince pensa le romain, bientôt la belle berbère lui appartiendrait. Ce qu’il ne savait pas c’est que la tâche allait être pénible, longue, épuisante mais qu’importe…..sans attendre davantage, encouragé par les caresses et les regards de sa belle, il se mit à l’œuvre. Il traça des plans, calcula le chemin, dessina des détours, des courbes, s’associa les sciences d’architecte, emboucha de la main d’œuvre, détourna l’argent….qu’importe l’eau arrivera au village de Tifelfel et à ses lèvres aussi. Il s’abreuvera enfin et abreuvera cette soif intense qui brûlait sa gorge.
Puis, les saisons s’écoulèrent, les hivers s’en allaient remplacés par d’autres et les étés remplissaient la vallée de cigales, de
Quatre années plus tard, le légionnaire romain réussit enfin son pari, l’eau arriva au village de Tifelfel, venant de la fontaine, tout au sommet de la colline. Par désir, par amour le romain avait réussi a tracé donc un cours d’eau dans la roche jusqu'au village, (visible aujourd’hui encore) quatre années d’un dur labour, de patience, de rêves interdits, de murmures suggérant, de frôlements incitants….le voici donc au bout de sa peine et cette nuit….Oh ! Cette nuit la lune sera en lui.

Elle lui avait donné rendez-vous, la belle parée de tous ses atouts, robes en soie aux couleurs clairs, chamarrés, la gorge opulente ornée de bijoux en argent, le front appesanti de plaques et de chaînes, les yeux noircis et les joues fardées. Elle se tenait offerte dans ce clair de lune qui s’auréolait autour d’elle l’emprisonnant dans une lueur argentée. Fébrilement, il s’approcha d’elle, posa ses lèvres fiévreuses sur les siennes, il en rêvait de cet instant depuis des mois. Elle le laissa faire, ne dit pas un mot, ferma les yeux pour s’échapper de cette étreinte qui la faisait souffrir, elle rêvait la belle à une autre caresse, un autre baiser. Elle s’allongea sur la couche satinée du romain, lui s’éloigna pour se débarrasser des ses armes, ceinture…..quand sa tête se tourna vers elle, son regard s’assombrit, son geste se suspendit…au bord de son lit, une auréole de sang fraîche happait la terre s’infiltrait dans le sol devenu humide….sur la couche, les yeux ouverts, la main encore sur la manche de la dague enfoncée dans la poitrine, la belle dormait d’un sommeil éternel.

*

Triste ton histoire, dis-je à mon ami. L’histoire ne peut pas s’oublier, le cours d’eau est toujours là. Me répondit-il sans doute, mais qui se souvient de cette fille ? Qui parle de cette fille ? Même si l’histoire est inscrite, celle de notre pays est éparpillée, fragmentée comme notre mémoire qui s’était alourdie. L’oubli génère notre impuissance. Tu restes résolument opposé à cette critique stérile. Les gens parlent sans rien dire, sans rien faire, il faut agir amie….écrit donc…écrit car c’est dans le silence que germe l’absence ! Me dit-tu. Soit je vais écrire toutes ces belles histoires que tu m’as racontée, que ma mère m’a racontée que les autres m’ont racontés…Peut-être construirais-je une identité ou complèterais plutôt cette identité qui nous fait défaut. Les Aurès, patrie de mes aïeules semble si lointaine, l’exil qui en moi m’a coupé tout comme toi ou partiellement de cette identité. Que de vestiges pourtant sur cette terre riche en histoire, que de mémoires seraient mises à nus au premier coup de pioche sur ces terres, les fouilles exhiberaient une histoire archivée par le temps. Les byzantins, les romains, les vandales, les arabes, les français…….quel pays se targuerait d’avoir été le centre de la terre ainsi. Oh ! Que de femmes, que d’hommes ont aimé cette terre, chacun à sa façon comme nous à notre façon moi en écrivant, toi en tentant de mettre en place des réseaux pour sortir cette culture du néant. Nous avons eu des moments de gloires, nos aïeules aussi. Sait-tu toi, qui parle de combats de luttes qu’ils étaient des passionnées, des amoureux transis ? Cela te fait sourire, un Chaoui, fier, dur au front plat, têtu, car disait-on s’abreuve exclusivement de lait de chèvre désarmé, et devant l’amour…

*

Soir d’automne d’un 1924, une folie meurtrière traversa le ciel et l’esprit de l’homme qui se prénommait Boubchir, un des membres de la tribu les Ouled Daoud dit aussi Touaba installée sur l’oued El-Abiod. Ce Touaba, un homme, robuste, fier bombant son torse devant ceux qui passaient devant ses champs aimait et allait par amour commettre l’irréparable. Pourtant, rien ne prédestinait cet homme à un tel destin, tendre et affectueux disait-on de lui mais coléreux par moment. Il épousa une jeune fille, bergère qu’il connût dans la plaine où elle allait faire paître ses brebis et chèvres. Il se lia avec elle en dépit de la réticence des siens. La fille assez jolie aux formes enchanteresses se savait irrésistible et put épouser l’homme qu’elle voulait. Hors, voici que la vieille Hadda aux tatouages séculaires allait tout mettre en route pour arriver à ses fins, elle voulait tant sa petite nièce, la fille de sa sœur comme bru…..cette étrangère s’en ira aussi vite qu’elle était arrivé. Passé l’enchantement du moment….le mariage battait des ailes. Il suffisait de peu pour répudier sa femme et Boubchir, garçon doux encore attaché aux girons de sa mère, la reine en définitive de son coeur redevint le fils de sa mère. Sa femme rentra chez elle, emportant avec elle son amertume, sa fillette de quelques semaines et surtout sa jeunesse, celle qui attira sur elle l’attention d’un autre homme qui n’hésita pas à l’épouser. Boubchir ne put contenir sa jalousie. Il voyait la femme qui était sienne s’épanouir, devenir plus belle encore. Il se mit à l’épier, le soir venu caché dans les fourrées, auprès de son foyer. Surpris par le mari de celle-ci plusieurs fois…plusieurs soirs de suite, par crainte, il préféra se séparer de la femme de Boubchir qui tournait trop autour de sa maison. Mais la renommée de la femme avait déjà attiré d’autres prétendants et elle ne tarda pas à se retrouver à nouveau mariée. Ce qui déplu à Boubchir qui avait sans doute souhaité la reprendre mais n’osait défier l’autorité maternelle. Un soir ne pouvant plus contenir toute sa jalousie lui qui ne dormait plus…ne mangeait presque plus…devenait coléreux et impatient décida d’aller voir son ex-femme. Il voulait voir sa fille disait-il en frappant à la porte de celle-ci. Et sans attendre davantage Boubchir tua sa femme.
Soir d’automne d’un 1924 la nuit tombait sur le village…les roumis étaient venus disaient-on pour prendre Boubchir à sa mère, lui qui avait pris la mère à sa fille.

REINE…TRAHIE
Dans cette Cirta maudite

Elle était restée dans l’ombre des siècles durant… l’histoire n’ayant retenu d’elle que cette histoire de trahison…..où ce qui se dit dans les livres d’histoire. Son nom de fleur….d’étoile…Sophonisbe, enchanteur, fort de la force de Massinissa, le grand Aguellid berbère qui put réunir autour de lui les puissantes tribus berbères pour venir à bout des invasions meurtrières des romains, son roi et mari. Elle était reine d’un autre roi aussi prestigieux mais son destin douloureux allait s’accomplir dans la mort… La reine d’on j’évoque la mémoire ne se définissait que face à Rome à laquelle elle vouait une terrible haine. Dès son jeune âge, la princesse Carthaginoise savait que son unique ennemi était Rome….et allait être élevée dans ce sens…jusqu'à son dernier souffle, elle n’eut que cette évidence en tête. Plus tard, séduits par son destin passionnant, nombreux sont les poètes grecs, romains et autres tels que l’italien Trissino, Montchrestien, Pierre Corneille, Voltaire qui ont fait de sa palpitante vie bien d’actes pour leurs tragédies.

Dans cette vieille cité, capitale de la Numidie, perchée au sommet d'un rocher comme un nid d'aigle, dans cette fameuse Cirtha qui en avait déjà vu bien des sièges et des cruautés Sophonisbe, apprit en ce jour néfaste de l’an 203 av.J.C….tout à la fois que son mari était mort, qu’elle était veuve puis à nouveau reine de Numidie. Cela faisait trop de choses pour le corps frêle drapée dans ses soieries ce poids de l’histoire….la femme ne savait plus que penser…s’affliger de la perte…se réjouir de son mariage avec Massinissa…..Oh ! Massinissa, celui qui apparaissait dans ses rêves de jeune fille, habillé en guerrier farouche, yeux noirs et taille haute…n’as-t-elle pas aimé autrefois, cet homme ? N’était-elle pas sa promise….
La grande salle du palais de Cirta avait revêtu son visage des heures glorieux. Dehors les énormes feux flambaient, consumant ce qui restait encore sur le champ de bataille. Massinissa régnait à nouveau en maître absolu, après sa longue traversée du désert…après avoir perdu le royaume de son père Gaia….les successions s’étaient faites dans le sang et la haine obligeant Massinissa à livrer une lutte sans merci pour récupérer son trône d’abord contre les troupes de l’aventurier Macetulo qui avait pu rallier à sa cause Syphax qui lui aussi rêvait de régner sur la Numidie et sur le cœur de Sophonisbe bien sur. Il vainquit Macetulo et récupéra le royaume de son père, alors que la lutte avec Syphax ne faisait que commencer. Celui-ci, poussé par Hasdrubal, attaqua et poursuivit Massinissa avec acharnement, l'obligeant à se replier dans les zones montagneuses sans pour autant arrêter les combats. Le destin allait sans répit le mettre face au roi Syphax. N’est-ce pas lui qui lui usurpa le trône de son père ? L’amour de sa vie aussi et le doux sourire de sa bien aimée Sophonisbe ? Le Carthaginois Hasdrubal, Le père de cette dernière ne tint pas compte des liens passionnels qui unissait alors le fougueux Massinissa à la délicieuse Sophonisbe. Sa fille n’était qu’un objet entre ses mains, il préféra la donner en mariage à Syphax l’obligeant ainsi à devenir son allié. Trompé, blessé, Massinissa s’allia alors à leur ennemi Scipion…et l’histoire nous apprendra que Massinissa vint à bout de Syphax dans cette ultime bataille et qu’il le livra à ses ennemis, les romains qui étaient bien installés dans cette Numidie qu’ils avaient envahi, construisant des forteresses et des fortins infranchissables. L’imminence de la guerre en Afrique se précisant allait obliger les deux monarques à revoir leurs stratégies ; Hasdrubal obligea Syphax, en le mariant à sa fille Sophonisbe, à se ranger à ses côtés. Afin de pouvoir récupérer le royaume de son père réduit par Syphax, Massinissa se rangea aux côtés de Scipion. Ce soir tout était oublié…juste cette nuit, l’Aguellid avait droit au repos…..hélas le messager qui se hâtait vers sa demeure, se frayant un chemin parmi les guerriers du roi qui festoyaient, fêtant encore la défaite de Syphax dans les dédales tortueuses de la cité, avait le regard sombre, il n’était autre que le lieutenant de Scipion et se nommait Laelius. Ce qu’il apportait au roi n’était guère réjouissant et plutôt il se déchargerait du message….plutôt il se sentirait bien. Il savait qu’il ne pouvait rien, qu’il se devait de transmettre sa missive….le palais était obscur se soir-là, Massinissa se reposait auprès de Sophonisbe….la belle aux cheveux défaits était enfin à lui….il était encore amoureux, complètement épris et il n’avait pas hésité de la prendre pour épouse, le soir même où la cité tombait entre ses mains. Il l’aimait certes, et voulait aussi la protéger des romains. Or ce que le messager lui apporta ce soir allait le jeter dans le désarroi. Sophonisbe avait vu sa destinée dans le regard noir de Laelius. Celui qui allait devenir un puissant souverain, régnant sur l’Afrique du Nord, imposant son autorité depuis la frontière Tunisienne jusqu'à la Moulaya allait connaître une autre, défaite….encore une…très pénible, l’enjeu encore une fois était la belle Sophonisbe. En voyant s’approcher d’elle le lieutenant de Scipion, Sophonisbe savait que c’était fini d’elle, elle tourna son visage impassible vers son mari et roi et lui dit d’une voix digne « J'ai cette consolation dans mon infortune, qu'ayant toujours eu une haine inconciliable pour la tyrannie romaine, j'ai du moins cet avantage de n'avoir été captive que d'un Numide, et de ne l'avoir pas été d'un Romain; mais d'un Numide encore, qui est mon mari et mon libérateur, et dont je n'ai pas plutôt été esclave que j'ai été maîtresse absolue de son âme. Allez donc, mon cher Massinissa, et ne manquez pas de tenir votre parole à l'infortunée Sophonisbe qui attendra avec beaucoup d'impatience la liberté, ou le poison » Le poison obtiendra la femme, princesse déchue, reine perdue….la haine…l’amour…
L’histoire dit que Massinissa sacrifia sa reine à ses ambitions….ne pouvant tenir tête à Scipion, il lui envoya le corps de sa bien aimée… Sophonisbe avait absorbée la coupe de poison que Massinissa lui avait présenté le soir même de leurs noces.

QUAND RHIOUA CHANTAIT
LE ROYAUME DE FATMA TAZOUGUERTH (la rouge)

Qui marcha sur les traces de la reine Dihya des siècles plus tard sur cette même terre de Berbérie aux multiples gorges escarpées ? Unique femme dit-on qui a su régner justement, après Kahéna….Dihya ou Démia avec majesté sur les Aurès et perpétué le matriarcat, rendant grâce à la femme et la hissant au rang de guerrière intrépide. Qui était donc cette femme qu’honorent les « Rahabas » chanteurs chaouis exclusivement virils ? Les contes aussi la disent cette femme à la chevelure flamboyante ayant vécue plus de cent ans. Fatma Tazouguerth disait-on, était née en 1544 dans la montagne de Hitaouine à Merouana dans les Aurès Inférieures. Les chants chaouis préserver oralement glorifient aujourd’hui encore cette femme qui est passé d’un siècle à un autre grâce à eux :

« Tazoughert Reine des Aurès
L’aphrodite, l’autre déesse
Se baigne dans le lit envoûté de Tifouress
Dans un insolite corsage liquide faiseur
De l’historique copulation »

L’histoire ne dit pas d’où lui vient le royaume à la belle rousse. Etait-elle la femme d’un roi devenue reine après son veuvage ? Avait-elle hérité le royaume de son père ? Dans les vallées et les plaines qu’elle avait parcourue, guerrière farouche sur son cheval intrépide, la reine Fatma unifia sur son passage tribus arabes et berbères, amies et ennemies….sa confiance alla plus aux femmes avec lesquelles, elle constitua et exclusivement le conseil des sages. Pourtant la trahison allait couper sa route…la mort allait guider sa main même si celui qui périra par son épée n’est autre que son frère Zoltan….celui qui a osé contesté en publique ses décisions…plus tendre à l’égard du frère cadet, elle le poussa à l’exil….Sellam peut-être l’image du père…fort qui l’éleva au rang de reine.

« Hommage à vous, Fatma Tazoughert
Hommage à vous, Maîtresse de la fécondité
Hommage à vous, reine des cieux et des terres »

Celle qui composa ses vers n’est autre que la compatriote de Fatma Tazoughert, beaucoup plus contemporaine, l’une de ces poétesses chawis, oubliées qui a su par la parole et le geste lui rendre hommage à sa manière. Lalla Khoukha Rhioua Boudjenit née en 1904 dans la montagne de Hitaouine (Merouana) à une cinquantaine de kilomètre de Batna. Rhioua née dans une famille de terrien riche apprit très tôt à monter à cheval, à chasser, à sculpter mais c’est surtout la poésie qu’elle affectionna au point de ne plus dire un mot sans vers, sans proses se constituant au fil du temps, un riche répertoire. La petite fille, blonde aux yeux verts alla à l’école à Batna, dans un internat, vœu insistant de son père, Belkacem qui tenait à ce qu’elle s’instruise mais après la mère du père, la fillette dût s’accrocher terriblement pour pouvoir continuer et ira au collège de Constantine. D’un tempérament rebelle Rhioua avait tous les caractéristiques d’une pure Chaouia, dignité…entêtement…originalité mais surtout hospitalité et humanisme. Elle épousa un cousin, ne dérogeant point aux coutumes, même s’il était de vingt ans son aîné : elle écrivit en français, en berbère, racontant souvent avec courage et sobriété, la vie des siens à travers sa propre existence, mais surtout un pays sous le joug colonial, un pays enchaîné depuis des siècles, une colonisation sans cesse renouvelée Romains, Byzantins, arabes, français….Révoltée, elle écrit en 1954

« Je suis orpheline sur ma propre terre
L’air que je respire sent le vin et le sang
Partout, il y a des cris, des chaînes et des fers
Soumise, Je ne puis demeurer plus longtemps
Pardon amies d’enfance »
------------------------------------------
« Mais mon pays c’est mon drame,
Car mon pays c’est mon âme »

C’est bizarre que parfois, l’histoire d’un pays se trouve usurpée, et parfois des hommes et femmes soient effacés, entraînés dans une amnésie qui devient vite oubli. J’ai beaucoup cherché pour retrouver quelques faits liés à ces vies, pour retrouver ces parfaites inconnues, ni enseignées dans les écoles ni chantées dans les cercles culturels. Jusqu'à là, ma terre natale me paraissait bien stérile, moi qui suis née au pays des Chaouias j’étais ignorante de cette histoire, depuis, dès que j’ai pu et compris surtout, je vais de surprise en surprise. L’écriture de cet ouvrage m’a permis un retour sur une terre non pas « négligée » mais effacée devant d’autres obligations….J’ai entrepris cet ouvrage comme un voyage et je n’étais plus seule pour mes aventures si aventures y est, sur cette terre où l’histoire s’est incrustée, s’imprégnant sur les rochers des Aurès…..toutes ces citations, des inscriptions latines racontant des noms puniques ; Namphamo, Barigbal, Boumilcar….dans ces régions qui n’ont jamais été soumis à Carthage….inutile de chercher le nom de Khoukha Rhioua ; La belle aux yeux verts, à la voix de velours demeure inconnue chez-elle, pourtant contemporaine, morte en 1963. Maintenant que je sais, je me souviens que j’ai toujours eu sur les lèvres ce refrain populaire, que j’entendais chanter dans les fêtes, je le pensais anonyme…les gens le chantaient mais savaient-ils de qui il est ? Peu probable.

« Akard Anoughir Lève –toi pour partir
Dhou guabaad ou’brid Le chemin est long
Jer Menna dhou chir Entre Menna et chir
Akerd Anouguir Lève –toi pour partir
Youmem ath yahbel » Ton frère est envoûté »

Tant de dérives dans ce pays….une mémoire effacée…des faits raturés….l’histoire falsifiée…à quel dessein ? Moi qui me cherche, me retrouve pourtant au détour d’une page de manuscrit dépoussiérée….me retrouve sur ces visages familiers….ils sont miens et je suis la leur….bribes de vie….relatés….racontés sous le voile…d’une plume hésitante…les tribus avaient disait-on leurs poètes et chaque poète se rattachait à une tribu, il louait les siens, chantait sa race, les femmes, l’amour, les ancêtres….les poètes partaient en guerre côte à côte avec les guerriers, ils utilisaient des pamphlets contre leurs ennemis….Sait-tu que les Aurès étaient le pays des poètes, il y a eu les poètes romantiques, les poètes penseurs, les poètes guerriers, les poètes courtisans, les poètes….et les belles poétesses de « Therwent-er »
Rhioua chantait :
« Que veux tu de moi/Qui ne possède rien
Pourtant/Prend ce que tu veux
De ma bouche »

Dialogue hors du temps….dialogue entre femmes ; par bribes de souvenirs…une passerelle pour la mémoire…pour Fatma Tazoughert qui n’apparaît point dans les livres d’histoires, rejoignant dans l’oubli cette Lalla Fatma N’soumer ainsi que bien d’autres, pour lever le voile pour éclairer le temps, rayonner sur les crêtes enneigés des monts Chélia et Djurdjura pour une commune histoire, car voici venir le temps de la révolte…voici venir pour nous Fatma Tazoughert, celle qui hérita de sa bien aimée mère Adhfella toute la science et la magie qui furent d’elle une bonne guérisseuse et une prêtresse redoutée. Quand elle arrivait sur les champs de batailles, habillée en fantassin lourdement armé, elle imposait respect et crainte. Les autres femmes encouragées par leur reine se battaient durement en lançant ces youyous stridents, cris de guerre, cris de mort disait-on. La légende parfois emboîte le pas à la réalité….et on retrouve sa trace au abord des villes de Marrakech, de Meknès et de Fès qu’elle réussit à prendre disait-on en 1566.
Forcement elle était belle la reine chawi au point où des guerriers se disputaient ses faveurs et elle fut mère disait-on de dix-sept enfants. Un script avait sans doute écrit les prouesses de la reine….avait suivi ses expéditions, notant minutieusement les faits les gestes…des poètes, certes l’ont chanté…n’est-ce pas le pays de l’oralité. La reine méritait pourtant un script, n’a-t-elle pas été la légende rousse ? La légendaire rousse, dirais mon ami, lui qui excelle dans l’exhumation d’histoires anciennes. Connais-tu l’histoire de cette reine ?
Ses mains habiles savaient tressés les tapis, les burnous- ajridi- les authentiques et savaient montés si bien les chevaux avec habileté et grâce. Ses ennemis la craignaient et ses amis l’adulaient. L’histoire s’arrêta là…pas plus…pas un souffle, pas un écrit….le secret se referma sur sa personne…..Elle qui inspira le grand poète El Mejdoub né à Tit, sur la bordure du Maroc Atlantique, entre El Jadida et Azemmour.

QUAND CANROBERT S’EN MELE…
SANG DE NARA ET POESIE D’ANNA

Alger était prise, ouverte, offerte aux Français ce 13 juin 1830, les flottes avaient déversé leurs soldats sur la côte algéroise et Staoueli devint vite une garnison française refermant l’étau sur la blanche cité. Les incursions à l’intérieur du pays provoquaient des insurrections et l’Aurès s’était insurgée à son tour, après Mascara, Oran, Constantine….. Il y avait alors cette petit ville, perdue dans la vallée de l’Oued Abdi….protégée jusque là par ses marabouts et ses saints….Nara se confondait avec Zaatcha dans une résistance farouche, si l’une a survécue, l’autre fut détruite et ne sera jamais reconstruite, seule une plaque sur la route Biskra Tolga indique: " ZAATCHA 1849 ". Elle était née à Batna, puis grandit à Menaâ la magnifique qui trônait sur ses vergers au milieu d’un impressionnant cirque de montagnes, elle Colette la fille d’un instituteur français exactement 81 ans, après que l’autre village…Nara l’insurrectionnelle, la rebelle fut détruit, rasé, ses hommes tués, ses enfants et ses femmes éparpillés par les soldats français du Colonel Canrobert. Nara haut lieu des Aurès, à moins d'une heure de marche à l'est, dans les gorges du djebel Lazereg, haut perchée sur son rocher, et qui donna fort à tordre aux français qui arrivèrent à ses pieds en ce rude janvier 1850 après avoir fini avec la glorieuse Zaâtacha. Le colonel Canrobert se trouva après son action d'éclat détenteur de la croix de Commandeur de la Légion d’Honneur et les étoiles. Il avait à peine 40 ans et rien ne pouvait entraver ce chemin qui l’auréolera de gloires, pas même l’extermination de tant de populations. Enfant espiègle, cheveux coiffés en tresses rebelles, soulevées par sa démarche souple, la fillette humait les parfums des lauriers roses qui bordaient l’oued fécond qui clapotait sur ses pieds menus. Dans sa tête grandissait cet amour du pays qui arma sa patience et sa plume qui quelques années plus tard, elle allait écrire rejoignant d’autres poétesses chawis dans cette affirmation identitaire complexe.
«Mon enfance et les délices
Naquirent là
à Menaâ, commune mixte d’Arris.
Et mes passions après vingt ans
sont le fruit de leurs prédilections »

En cette aurore de double découverte, quand crispée, les mains entourant ses genoux, elle rêvait de Menaâ dans cette prison hostile de Barberousse…condamnée en 1957 pour avoir dit non à la colonisation de la France au martyrs des siens….par les paras de Massu qui fera parler de lui durant la bataille d’Alger. Colette choisissant un nom de plume, juste la moitié de son prénom composé….juste Anna, et elle rêva la belle à son ciel azuré, et dans ses cheveux s’ourlaient les tiges odorantes d’Azir (romarin).
Se souvenait-elle de cette toute première fois où elle allait à l’école dans ce village Chaouia, elle la fillette française rejoignant d’autres enfants différents, et c’est de cette différence qu’était née l’autre Anna. Un homme aussi était né justement de cette différence ou de cette indifférence à quelques pas de Menaâ. En mai 1849, l’homme avait surgit d’entre les entrailles de Zaatcha, l’oasis rouge pour enflammer la population surexcitée qui l’attendait lui qui leur assura être « Inspiré de DIEU ». Bouziane, se prénommait l’homme, porteur d’eau autrefois, cheikh de Zaatch du temps de l’Emir Abdelkader marabout disait-on de lui, auréolé déjà de gloire…N’a-t-il pas repoussé en 1833, l’assaut des 4000 hommes commandé par le Bey Ahmed venu de Constantine ? Il avait sa réputation à tenir, et les rumeurs qui courraient dans les palmeraies faisant de lui « El Mehdi » l’envoyé - un peu le Christ qui descendrait sur terre –

extraits d'un récit "Aurès, mon histoire"
PS: les Aurès sont des montagnes au profond pays des berbères chaouis, pays de mes miens.


Chanson Chaouie, de l’interdit au travesti

Liberté du 30/10/2003
http://www.liberte-algerie.com
Par : DJAMEL ALILAT
On ne l’imagine peut-être pas assez, mais dans l’Algérie d’aujourd’hui, le simple fait de chanter en chaoui est encore un combat, un défi et un engagement, aussi bien politique que culturel, qui peut valoir à son homme son pesant de tracasseries en tous genres et son lot de sacrifices personnels. Il y a bien sûr la chanson chaouie d’expression arabe. On en a gardé le rythme, le tempo et le folklore, mais on l’a vidée de sa sève pour en faire une musique qui s’adresse beaucoup plus aux postérieurs des dames qu’aux cœurs des hommes.
C’est une sorte de tiroir-caisse qui se porte plutôt bien. On peut se permettre de lui organiser des tournées et de nombreux passages à la télé ; elle est inoffensive et aseptisée. Et puis, il y a l’autre. Celle de la langue des ancêtres qui rappelle aux Berbères des Aurès leurs racines et leurs origines. Celle-là n’a pas droit de cité, car elle peut, comme en Kabylie, servir de courroie de transmission au combat pour la reconquête de l’identité berbère, ce que l’on veut à, tout prix, éviter dans cette région du pays fière et rebelle.
Vingt ans après son émergence, où en est aujourd’hui cette chanson à qui on n’a jamais voulu donner sa chance ?
C’est ce que nous avons voulu savoir en allant à la rencontre de ceux, pas très nombreux, qui s’entêtent, dans un souci de préservation ou simplement par réflexe naturel, à s’exprimer dans cette langue, qui voit son aire géographique se réduire comme une peau de chagrin sous les coups de boutoir conjugués de l’urbanisation et de l’arabisation. Dihya se complaît dans un long silence après un premier album fracassant ; Amirouche a rangé sa guitare quelque part à Paris ; Mihoub a vu son inspiration vaincue par les tracas d’une vie quotidienne qui ressemble plus à une lutte pour la survie qu’à autre chose ; Nezzar s’occupe de son studio à Batna — il faut bien vivre, dit-il — et les nombreux groupes qui sont apparus dans le sillage des pionniers ont déposé les armes, faute de sponsors ou de producteurs qui croient en eux. Seuls persistent quelques vieux routiers, comme Joe et ses Berbères ou le jeune Massinissa, malgré le couac d’un album en arabe, qu’il a beaucoup de peine à se faire pardonner. Nous sommes allés à leur rencontre pour nous entendre raconter toutes les difficultés qui font que, bien au-delà du message que l’on veut transmettre, le simple fait de chanter dans sa langue maternelle est, à lui seul, un combat harassant.

D. A.

Nouari Nezzar
Nous sommes des sans-papiers dans notre propre pays

C’est un documentaire télévisuel sur le défunt peintre Cherif Merzougui, qui a fait connaître au public le jeune Nouari Nezzar aux débuts des années 1980. Ses chansons, des ballades interprétées à la guitare sèche, avaient servi de bande sonore et révélé, du même coup, un artiste au cachet musical très original. Depuis, en vingt ans d’une carrière plutôt discrète, ce perfectionniste qui n’arrête pas de faire de la recherche n’a produit qu’un seul album. Au grand dam de ses admirateurs. C’est peut-être peu, mais suffisant pour influencer toute une génération de jeunes chanteurs en mal de modèles et qui ont repris sa technique de guitare et sa manière de chanter. Il nous a reçus dans son petit studio, un modeste local beaucoup plus encombré par du matériel informatique que par les instruments de musique, et nous a interprété à la guitare quelques-unes des nouvelles compositions qui devraient figurer dans l’album qu’il compte sortir au printemps. Verdict : du très bon rock-folk chaoui comme on aimerait en entendre un peu plus souvent. Nouari nous a également entretenu des nombreux écueils que rencontrent ceux qui, vaille que vaille, tentent de sauver un patrimoine artistique et culturel menacé, tout en essayent d’inscrire la musique chaouie dans l’universalité.

Liberté : Nouari, pourquoi ces dix ans de silence ?
Nouari Nezzar : En fait, je n’avais rien à dire à mes compatriotes chaouis et pour dire vrai, la majorité a été emportée par le style “arrassi”, le style fêtes.

C’est un style qui vous révolte ?
Non, du tout. Je demande ma part, c’est tout, même si je suis étonné que tant de gens partagent ce “mauvais goût”. Je me pose la question de savoir s’il n’y a plus un public qui veut écouter de belles choses.

Oui, mais ceux qui faisaient autre chose que le “arrassi” n’ont rien produit. Vous avez laissé le champ libre.
Non, nous n’avons pas laissé le champ libre. D’abord, il faut comprendre une chose, nous sommes des musiciens, des compositeurs-chanteurs. Nous ne sommes pas des éditeurs, et les éditeurs, eux, demandent des trucs faciles et populaires. Cela dit, c’est un genre que je respecte énormément. J’ai travaillé, entre autres, pour cheb Aziz, que Dieu ait son âme, et je lui ai fait de belles choses, et à ce propos, dans le deuxième album, j’ai fait toutes les chansons paroles et musiques dont la chanson Rahou djani khebrek a été reprise par, entre autres, Khalass et Aârrass sans même mentionner le nom du compositeur. Je condamne ces gens qui pillent le travail des autres, sans même mentionner le nom de l’artiste qui a produit l’œuvre.

Sinon, y aura-t-il bientôt un nouvel album sur le marché ?
Oui, je compte sortir un nouvel album d’ici le printemps prochain, si mon travail me laisse un peu de temps libre, car il faut bien vivre. Ce sera un travail fidèle à mon style, du rock-folk chaoui, mais avec des sonorités résolument modernes. Je peux vous dire que j’ai fait beaucoup de recherches et j’ai mis à profit cette période d’hibernation pour m’initier à l’informatique musicale. L’informatique met à la disposition des artistes un outil extraordinaire avec des sons professionnels. C’est là que le mot liberté prend tout son sens. Tu n’es plus tributaire de musiciens approximatifs ou qui ne viennent aux répétitions que quand ils le veulent bien.

Quelles sont les influences qui ont façonné le style Nouari Nezzar ?
Je vais peut-être vous étonner, mais mes premières influences, c’est Abdelhalim Hafez et le charqi en général, mais étant donné que c’est toujours la même rengaine, je m’en suis vite lassé. Dans les années 1970, on m’a offert un magnéto 4 pistes avec une bande, où étaient enregistrés tous les tubes du siècle. J’ai alors découvert presque toute la musique de l’époque : le jazz, le rock, les Beatles, James Brown et tous les autres. Il y a également toute la chanson populaire algérienne qui m’a influencé, Cheikh Hamada, Aïssa El Djermouni, Beggar Hedda, Guerrouabi et d’autres encore.

Et ton jeu de guitare alors, de qui t’es-tu inspiré ?
Pour le jeu de guitare, c’est une technique très personnelle que j’ai développée à force de jouer. Je n’ai jamais écouté quelqu’un pour l’imiter, je suis trop fainéant pour ça. Je suis mon instinct et je développe la rapidité et la dextérité.

Est-ce que tu vois une relève quelque part dans la chanson d’expression chaouie ?
(Moment de réflexion) Non, je ne vois personne. Même ceux qui ont commencé à chanter en chaoui, ils se sont mis à chanter en arabe, comme Massinissa par exemple. Les gens, maintenant, fuient la chanson d’expression chaouie, car ils pensent qu’elle va les cantonner dans un ghetto, donc pour toucher un plus grand public, ils chantent en arabe.

Oui, mais vous, les pionniers de ce genre, vous avez manqué à votre devoir de présence. Vous vous êtes tu pendant toutes ces années.
Le problème est que nous n’avons pas de mécènes. Nous n’avons pas non plus d’éditeurs ni de producteurs. Les éditeurs qui existent ne sont intéressés que par l’argent. J’ai été, en 1982, le premier à chanter en chaoui à la télé et quand je dis chanter, ce n’est pas les deux ou trois mots que l’on jette comme ça, du genre “ekker annouguir” pour amuser la galerie. J’ai été expressément fier d’avoir chanté en chaoui à la télévision nationale pour nos vieux et nos vieilles qui étaient contents d’entendre leur langue maternelle pour la première fois à la télé. Nous, les chanteurs chaouis, nous sommes des sans-papiers dans notre propre pays. Nous sommes boycottés. Nous ne passons nulle part, nous ne sommes invités nulle part. Même au festival de Timgad, qui se passe pourtant chez nous, on préfère inviter des vedettes orientales. Nous remercions au passage la télé pour la large part qu’elle fait à la chanson chaouie. Elle nous passe un tas de trucs égyptiens, alors que la télé égyptienne ne passe jamais nos artistes. Ah, au fait, en ce qui concerne mes influences, j’ai failli oublier Idir. Monsieur Idir, à qui je rends un grand hommage en cette occasion.

Un dernier mot ?
J’ai compris une chose : maintenant, je travaille pour mon public.

Entretien réalisé par D. A.

Djamel Sabri et les Berbères
“Nous sommes pour l’union dans la diversité”

Djamel Sabri, Joe pour les intimes et les nombreux fans, est un véritable personnage qui laisse rarement indifférent. Avec son groupe, les Berbères — qui vient de produire un quatrième album intitulé Silineya —, il a connu son heure de gloire lors d’un passage télé où son interprétation d’El-Bachtola, l’une de ses chansons fétiches, a fait merveille. Cependant, ce rebelle, qui a choisi le rock pour crier sa révolte, s’est engagé très jeune dans la défense de la culture de ses ancêtres. Il a osé chanter tout haut ce que les autres pensaient tout bas. Ce geste lui a valu son exclusion du lycée en tant qu’élève et plus tard en tant que prof avec, en bonus, les gardes à vue, les convocations, les intimidations et autres brimades que l’on réservait, à l’époque du parti unique, à ceux qui avaient le toupet de réclamer leur langue maternelle ou de contester l’idéologie arabo-baâthiste du régime. Mais il ne faut pas trop se fier à son look de rocker. Si sur les planches, c’est une véritable bête de scène qui galvanise son public à la manière d’un Mick Jagger qu’il admire encore, en privé, l’homme se révèle profondément religieux et entend vivre sa spiritualité, y compris dans sa musique. De ses différents passages en Kabylie, où il s’est produit avec Ferhat, Ideflawen et d’autres encore, Joe garde des souvenirs impérissables. Notamment, le concert avec Matoub Lounès et tout le stade qui reprenait en chœur l’indémodable Yemma El-Kahina. “Les artistes ont fait beaucoup pour le rapprochement entre les communautés. Entre frères berbères et entre frères algériens. Nous avons notre propre culture et elle n’est pas orientale”, dit-il. “Nous sommes pour l’union dans la diversité”, ajoute-t-il.
Chez lui, à Oum El-Bouaghi, où nous l’avons rencontré, il nous a reçus dans son local, son jardin secret qu’il appelle affectueusement “mon temple”.

Liberté : Joe, cela fait un moment que je t’écoute et je suis frappé par le pessimisme et le manque total d’espoir qui émanent de toi.
Joe : Eh oui ! C’est la réalité. C’est ce que je vis depuis plus de 20 ans maintenant. Bon, c’est quand même bien quand tu entends qu’on enseigne tamazight à l’école. ça aurait pu être fait il y a longtemps, en 1962 et même avant mais… On avance lentement mais sûrement. En tout cas, à dire vrai, je me sens blasé. On a beaucoup de manques quand tu vois la réalité en face mais on fait avec. On a pu composer avec. On a fait ce qu’on a pu. En 20 ans, nous avons produit quatre albums avec lesquels on s’est fait connaître au niveau national et même ailleurs, comme en France. Tu sais, les gens savent faire la différence entre les artistes et les “pochistes”. Le marché de ces dernières années, c’est de la prostitution de l’art. Ce qui marche, c’est ce qui fait danser. C’est la danse du ventre. Il n’y a jamais eu de producteurs chez nous. La culture du producteur et de l’impresario n’existe pas. Il y avait dans le temps un super gars qui s’appelait Toufik Badis, mais, hélas, il est sorti du circuit.

Dis-moi Joe, tu ne penses pas que la chanson d’expression chaouie est un peu en régression après l’explosion qu’elle a connue il y a de cela quelque temps ?
C’est vrai que, relativement, il y a eu régression. Ceux qui ont repris le flambeau après nous, par recommandation de leurs producteurs, ont fait autre chose. Ils leur demandaient de suivre la demande du grand public. Pour eux, le grand public n’est pas que d’expression chaouie, il s’exprime aussi en arabe dialectal. Peut-être que c’est une politique, je n’en sais rien. Ils disent que le public est hétéroclite, donc il faut donner du mélange, ce dont j’ai horreur. Je préfère donner ce que j’ai dans ma langue maternelle. Là ce n’est plus de l’art mais une politique commerciale. C’est bassement matérialiste. on lance n’importe qu’elle mélodie et on produit comme ça à la va-vite 4 ou 5 albums par an. Ce n’est pas le cas de la musique d’expression chaouie. En plus, nous, non seulement on fait de la musique d’expression chaouie, mais en plus de la poésie. El Hadj Tayeb (ndlr : le parolier du groupe) est un poète. Nous, contrairement aux autres, nous ne cédons pas à la facilité.

Chanter en chaoui, c’est aussi, quelque part, mener un combat identitaire, non ?
La peau ! C’est ça ta peau ! c’est ce qui fait que t’es arabe, kabyle, chaoui ou autre. Nous sommes pour l’unité, pour l’union, et non pour la division. Nous sommes pour l’union dans la diversité. C’est ce qui fait la richesse des autres pays. Qu’on le veuille ou non, le kabyle, le targui, le chaoui… existent. Ce sont toutes ces composantes qui font le corps de l’Algérie, qui sont le puzzle de ce pays, qui n’est autre que de culture amazigh à bien y réfléchir. J’ai débuté à l’âge de 17 ans et j’en compte aujourd’hui 45. Ce n’est pas à cet âge que je vais changer.

Il faut être conséquent avec soi-même…
Ben, oui ! J’aurais peut-être pu changer à l’adolescence, l’âge où on est énormément influencé, mais en fait on ne change pas beaucoup à part dans la sincérité de ce que l’on fait. Je parle de la sincérité de la personnalité du personnage, qu’il soit artiste ou autre.

Toi, Joe, tu es l’un des rares à avoir gardé vaille que vaille le cap du rock, de tes influences. C’est une forme de fidélité, non ?
Oui, oui. Nous avons subi les influences de l’époque et à l’époque, c’étaient le blues et le rock. C’étaient Muddy waters, Led zeppelin, Jimmy Hendrix, les Stones, Joe cooker, les Who… C’étaient toute une culture et un mode de vie. Ma musique n’est pas carrée, il faut qu’elle soit triste. Elle doit parler au cœur. À l’âge de la maturité, je veux palper la guitare à la manière d’un Keith, d’un Lou Reed ou d’un Hendrix. La guitare, c’est une partie de moi-même, c’est un cinquième membre. Je m’exprime complètement avec cet instrument.

La musique chaouie est très proche du rock par le rythme et le tempo et ce que tu fais, toi, c’est profondément chaoui, mais c’est rock.
Ben oui, parce que ce que tu fais tu dois le balancer dans un style. Tu as l’originalité de la mélodie et les paroles d’expression chaouie. À bien regarder, le chaoui, où est-ce qu’il vit ? dans un univers rocailleux, aride, il vit dans la montagne. Que veux-tu qu’il en sorte si ce n’est du rock.

À un moment donné, on s’attendait à ce que cette musique décolle véritablement…
Oui, il y a eu des voix, celles des Berbères, de Nezzar et autres, mais il n’y a pas eu de grands producteurs derrière pour prendre en charge les artistes. À l’Est, ça manque totalement.

On ne t’a pas vu à la télé depuis belle lurette…
Cette fois-ci, on va essayer de faire un passage avec le nouvel album. On est là depuis 20 ans et on peut encore chanter. On persiste à exister. On n’est pas nocifs, on ne fait pas de mal. On est des gens simples et on accepte les autres pourvu qu’on nous accepte sans haine. C’est la richesse de ce pays. Voilà notre message. Peut-être qu’un jour il y aura des génies dans ce pays…

Si on leur donne l’occasion de s’exprimer…
Oui, bien sûr, et aussi si le type qu’il soit artiste ou autre est sincère. Si tout le monde part, qui va bâtir ce pays ?

Tu n’as plus la flamme sacrée ?
La flamme existe, mais la seule voie dans laquelle je veux continuer est la voie de Dieu, celle du Coran. Demain, je ne le connais pas. Je marche comme le veut Dieu. Peut-être que je donnerais encore plus. La flamme je l’ai toujours dans le cœur. Je sais que beaucoup de gens placent encore leurs espoirs en nous. Je sais que pour eux on représente quelque chose et je ne veux pas les décevoir. Je n’ai pas changé de route, mais je veux être dans ma voie spirituelle.

Est-ce que tu vois une relève quelque part ?
Non, non. Je ne vois aucune relève. Personne ! C’est le règne de la foutaise et des “pochistes”. La course vers le fric et le matos. La musique n’a plus rien de spirituel, de culturel. Elle n’exprime plus l’âme du peuple. Ce n’est plus de la musique engagée. Les gens qui sont comme nous sont rares. Je parlerai peut-être de Nouari (NDLR : Nezzar Nouari), mais il ne produit plus rien. Il a des gosses, un studio, il travaille. Probablement, c’est ce que lui veut faire, mais ce n’est pas vraiment ça ; il est obligé. Il faut bien vivre.

Un dernier mot, Joe…
Passe un grand bonjour aux lecteurs de Liberté et à Farid qui nous appelait les Navajos, un nom que j’aime bien. Moi, franchement je ne sais plus si je vais continuer… même si je n’ai pas encore divorcé avec la musique. J’ai encore beaucoup de morceaux enregistrés. Deux bandes complètes. C’est mon jardin secret. Un jour peut-être j’en ferais part au public.

Entretien réalisé par D. A.

MASSINISSA
“On m’a traité de raciste parce que je chante dans ma langue maternelle”

Un jour de l’année 1987, le village où habite le jeune Ali Chibane, qui n’a pas encore pris le pseudo de Massinissa pour chanter, se réveille bariolé de la fameuse lettre “z” en tifinagh, qui symbolise si bien la culture berbère. Des agents de “sécurité” ne tardent pas à arriver pour arrêter le jeune Ali et son ami Aïssa Brahimi, qui deviendra plus tard le parolier du groupe. Interrogatoires, coups et cellule pendant trois jours à Batna. “T’as quel âge ?”, interroge un officier le jeune Ali. “Vingt ans”, répond Ali. “Voilà, tu vas passer les 20 prochaines années en prison et tu sortiras à l’âge de 40 ans.” “Où est le problème ?”, rétorque Ali. Heureusement pour ses nombreux admirateurs et pour la chanson chaouie, ces 20 dernières années, Massinissa ne les a pas passées derrière les barreaux, mais derrière les micros, à chanter cette culture berbère qu’il revendique haut et fort. Et quand bien même l’album qu’il a produit en arabe est resté en travers de la gorge de ses nombreux fans, car cela a été vécu comme une “trahison” à “la cause” de sa part, il demeure l’un des meilleurs espoirs de la chanson auressienne d’expression berbère. Nous l’avons rencontré chez lui à Oued El-Ma, au pied des montagnes de Belezma, pour un petit entretien.

Liberté : Le fait de chanter en chaoui ne te pose-t-il pas de problèmes ?
Massinissa : Si. On a même essayé de monter les gens contre moi. On m’a traité de raciste simplement parce que je chante dans ma langue maternelle. On a dit de moi que j’insultais les Chaouis qui se sont arabisés et on m’a clairement dit : “Tant que tu chantes dans cette langue, tu n’iras pas très loin.” J’ai même reçu plusieurs lettres d’intimidation.

Tu passes facilement à la télé ?
Ces derniers temps, cela se fait sans problème, mais dans les années 1990, c’était très difficile. Avant de passer à la télé, on venait toujours vérifier le titre et le contenu des chansons et on nous demandait de faire très attention et d’éviter toute allusion à la politique. Il fallait donc ruser. Expliquer que l’on chantait pour la paix, les fleurs, l’amour, les oiseaux et tutti quanti, pour faire passer le message.

Ton dernier album ressemble à un spécial fête. C’est quoi cette histoire ? tu fais du “aârassi” maintenant ?
C’est vrai que je suis parti au studio avec des chansons très différentes, huit au total, pour faire l’album. L’éditeur a exigé d’autres chansons qui ne soient pas politiques. “On veut du aârassi”, du “chttih, sinon on ne prend pas ton album”, disent les éditeurs. Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ? C’est plus fort que moi, c’est la vie qui veut ça. J’ai passé des moments très difficiles. Mon fils est tombé malade et je n’avais pas en poche le moindre sou pour le soigner. C’est dur quand tu en arrives là. Nous, les chanteurs d’expression chaouie, nous sommes boycottés. Joe et moi sommes victimes d’un véritable embargo. J’ai été obligé de faire un album en arabe pour vivre. Je suis auteur-compositeur-interprète et je n’arrive pas à vivre de mon art, mais heureusement qu’il y a les studios privés sinon, avec les studios de l’État, on n’arriverait pas à enregistrer la moindre chanson.

Par qui et par quoi as-tu été influencé ?
Principalement par les Pink Floyd et on écoutait beaucoup avec Joe Les Berbères et Idir. J’adore ce que fait Idir.

Tu dois certainement avoir des projets…
J’ai un concert en janvier avec Idir à Paris. Il m’a vu me produire à Lyon, ça lui a plu et il m’a invité par l’intermédiaire de Amar Madaoui. Et je profite de l’occasion pour dire aux gens qu’il y aura bientôt un retour d’un Massinissa pur et dur comme au temps de Ahouatid, Anza netmetouth Oussan aâden, etc. Du rock chaoui comme on l’aime. Tu sais, il y a ceux qui se fatiguent, qui font de la recherche pour faire avancer la chanson chaouie, mais elle a été travestie par ceux qui courent derrière l’argent. Ceux que le système dresse contre la culture. Les Chaouis de service.
Entretien réalisé par D. A.


Les Aurès, Entre fierté et pauvreté

In Liberte du 23/10/2003 http://www.liberte-algerie.com
Par : DJAMEL ALILAT


Le jour commence à peine à poindre lorsque, par une matinée pluvieuse et brumeuse, nous quittons Batna pour un long périple auressien afin de prendre le pouls du pays chaoui. La route monte rapidement. Au col de Tizi n'Rsas, 1550 m d'altitude, succède celui de Thitt Oulodh appellation arabisée en Aïn Ttin. 1805 m d'altitude et un paysage tibétain où l'on s'attend à voir surgir de la brume une caravane de yacks ou un cavalier mongole. Nous traversons Afra, le village natal de Ben Boulaïd et Tibhirine, un autre col qui porte fièrement ses 1510 mètres d'altitude. Au-dessous de la route, Ighzer Amellal est en crue, il a plu fortement la nuit passée et il faut avoir l'œil bien perçant pour distinguer Bacha, petit hameau accroché à la montagne, tellement ses maisons de pierre se confondent avec le paysage rocailleux qui est le sien. Plus loin, autre lieu-dit qui porte bien son nom, Tifartassine et ses monts dégarnis. Nous arrivons à la mythique Arris qui se réveille à peine en ce vendredi de brume et de froid. L'entrée de la ville a été goudronnée et les bordures refaites sur quelques centaines de mètres à peine. Renseignement pris, Boutef est passé par là. Nous rencontrons des membres de l'association Ighzer Amellal, du nom de cette rivière qui va de Chélia jusqu'à M'chounèche, la porte du désert et qui arrose sur son passage la vallée d'Arris. L'association s'occupe de culture et d'écologie, en ce sens qu'elle se fixe comme mission de défendre la vallée contre la pollution. Elle fait des conférences et des expositions et elle a participé au dernier séminaire du MCB à Tizi Ouzou. On commente la visite de Boutef dans la région. À Batna comme à Arris, nous dit-on, on a tout fait pour donner l'impression que la visite de l'auguste personnage a suscité l'engouement populaire. Rachid Hamatou, un vieux routier de tous les combats démocratiques et identitaires, s'insurge : “Ils ont essayé de monter les uns contre les autres. C'est méchant de réveiller les vieux démons du tribalisme en montant les tribus les unes contre les autres.”
Amar Brakni, un autre militant de la première heure nous explique ce qu'il appelle le clapet anti-retour : on canalise les badaux vers le périmètre de la visite de Boutef et quand y rentre on peut plus ressortir. Une vieille technique pour donner l'illusion du nombre.
Arris, c'est un peu Aïn El-Hammam en Haute-Kabylie, même altitude, même végétation mais sortis du centre, qui donne une impression de relative prospérité, nous découvrons la misère des vieilles maisons de pierre et des pistes boueuses ou poussiéreuses, selon la saison.
À Tabendout nous nous arrêtons pour acheter des pommes. Sans tambour ni trompette, toute la région est en train de devenir la capitale algérienne de la pomme. On en produit de grandes quantités mais il n'y a jusqu'à présent pas d'industrie digne de ce nom pour la transformation de ce fruit. Tout au long d'Ighzer Amellal, les vergers sont verdoyants et bien entretenus mais la vallée est tout de même menacée par la pollution. Greenpeace connaît ce problème grâce au site www.chez.com/aureschaouia installé à Paris et cherche à le prendre en charge. L'organisation internationale s'intéresse à cette vallée et ses problèmes écologiques que l'État ignore.

Le pays des Palmiers
Nous arrivons aux gorges de Tighanimine, un autre site touristique tombé dans les oubliettes de la République. Ici curiosité locale, on prend son café parfumé à l'armoise, une plante aromatique et médicinale omniprésente. Après Tighanimine, le premier palmier ne tarde pas à faire son apparition pour nous indiquer que nous rentrons dans son immense territoire. D'ailleurs, à partir de Tifelfel, petit village aux couleurs ocres le palmier est roi. À T’kout, par laquelle nous faisons un petit crochet, les graffitis annoncent d'emblée la couleur politique. “Ulac Smah Ulac” ! Ici, le tifinagh est partout et les archs ont pignon sur rue et la situation bien en main. Nous rencontrons Fattah, l’Abrika local. C'est un jeune homme de 22 printemps berbères au regard d'acier. Il a un look d'Indien Navajo et il porte les cheveux longs comme son idole et ami Belaïd qu'il reçoit souvent chez lui. Fattah s'est investi corps et âme dans le mouvement citoyen et le combat des archs. Dernièrement, Abrika est resté trois jours chez lui.
Ce n'est pas nouveau, il venait souvent ici dans les années 1995-96 avec Saddek Akrour, autre militant bien connu dans ces milieux, chez Tahar Achoura, le frère aîné de Fattah mort d'un cancer le 25 mai 1996.
Lorsque ce grand militant de la cause berbère est mort, sur sa tombe l'épitaphe a été écrite en tifinagh et pour la petite histoire, les quatre imams du village sollicités pour la prière du mort se sont débinés pour divers prétextes. Chez ces gens-là, comme aurait dit Brel, on ne prie pour le repos de l'âme d'un militarit berbériste. C'est aujourd'hui son combat que Fattah continue. Cela lui confère sans doute une certaine légitimité et un ascendant certain sur les jeunes du village regroupés au sein de l'association Assireme Fattah est fier. Il a pu joindre à sa coordination celle de Belihoud de Ghassira et Inoughissen, et également Ichemoul, Bouzina et Manâa, mais T’kout, la rebelle, reste le cœur de la contestation. Ici, d'ailleurs il y a eu des émeutes comme en Kabylie et Fattah nous montre les photos aussi bien des émeutes que de la marche qu'ils ont organisée lui et ses amis. À la venue de Boutef à Batna et à Arris, la confédération des associations d'Ighzer Amellal basée à T’kout a lancé un appel pour le boycott de la visite de Boutef, mais pendant et avant la venue du président, T’kout a été isolée par des barrages de gendarmerie pour prévenir toute mauvaise surprise venant de ces jeunes rebelles.
Nous quittons T’kout pour Ghouffi et ses fameux balcons. La magie de ce canyon et de ses vieilles maisons accrochées à ses flancs vous prend et ne vous lâche plus quand elle ne vous donne pas le vertige. L'œuvre de la nature, qui a mis un peu plus d'un million d'années pour sculpter ce paysage, a rencontré le génie des hommes qui ont bâti des villages qui épousent parfaitement le relief et se fondent en lui. Dans le lit du canyon coule l'Ighzer Amellal et une rivière de palmiers. Mimouna Amar qui tient une échoppe de produits artisanaux sur place nous entretient des 26 espèces de dattes que compte les palmeraies en contrebas et des huit des tribus qui se sont partagé le site depuis des temps immémoriaux. Les villages sont aujourd'hui déserts mais il y avait là Ath Yidhir, Chorfa, Flous, Ath Bouali Ghrine, Ath Mimoune dont il est issu, Boltith, Ath Mansour et Ath Yahia. Quant à l'hôtel Transatlantique qui a été construit dans le même style architectural que les villages qui l'entourent et ce, en 1902, il n'est plus que ruines comme tout le reste. “De temps à autre”, nous dit Amar, le gardien de ces lieux magiques, “il y a encore quelques rares touristes occidentaux qui s'aventurent jusqu'ici mais ce n'est plus comme au bon vieux temps de l'Onat et du tourisme où l'on recevait tous les jours des centaines de touristes des quatre coins du monde.” Et l'on reste là à contempler cet endroit féerique et à se dire que, décidément, ce pays est tombé sur la tête. Sinon, il n'aurait jamais laissé mourir ainsi un trésor naturel et architectural pareil qui devrait tout au moins être classé patrimoine national à préserver à défaut d'être classé patrimoine de l’humanité. C'est un crime, il n'y a pas d'autres mots pour exprimer la négligence de ce site unique au monde. Le cœur gros, nous quittons Ghouffi pour M'chounèche et en cours de route Rachid laisse éclater sa rancoeur contre tous ces officiels, ces politicards qui ne viennent que pour chercher la légitimité. “C'est la même politique depuis Rome : appauvrir et laisser mourir”, lâche-t-il. “On ne peut éternellement continuer à être un distributeur automatique de légitimité !” “Pas de journal, pas de radio, pas de routes, pas d'aéroport. Il fallait garder les Aurès dans l'enclavenent, la pauvreté et l'ignorance. À propos de l'aéroport, celui de Batna est le seul au monde où l'on a mis plus de temps dans l'appellation que dans la construction !” Les anciens moudjahidine et la clientèle habituelle du régime ont en effet jeté tout leur poids pour que l'aéroport de Batna ne s'appelle pas Imadghassen du nom du mausolée berbère se trouvant à une quarantaine de kilomètres de la ville. “Cette politique de changement de noms et de déberbérisation ne date pas d'aujourd'hui : on a tout fait pour que Ighzer Amellal devienne Oued Labiod”, ajoute Rachid.

Ce pays est tombé sur la tête
L'homme a gardé des bleus dans l'âme et des cicatrices un peu plus apparentes. Un jour, il a reçu une visite nocturne. L'inconnu qui a frappé à sa porte lui a asséné un coup de bâton qui lui a cassé la clavicule net et un coup de tournevis dans le corps. “Si tu veux la démocratie, va chez les Kabyles !” lui lance-t-il avant de s'enfuir à toutes jambes en le laissant là mourant sur le pas de sa porte. Aujourd'hui, pour témoigner, il écrit un livre témoignage qui porte le titre de Aurès bâillonné muselé mais depuis l'épisode de l'agression dont il a fait l'objet une petite bombe lacrymogène l'accompagne partout où il se déplace. Sur la route la voix de Joe le rebelle et celle de Amirouche l'enfant du pays nous accompagnent. Elles conviennent bien à ces immensités ocres et rocailleuses qui les ont vu naître. Nous arrivons à Thadarth n'Teslith, petit village où l'on raconte encore la légende de la fille qui se serait suicidée en se jetant du haut d'un rocher car on voulait lui faire épouser un riche inconnu au lieu de celui qu'elle aimait. Tout en ayant une pensée émue à cette pauvre martyre, nous traversons sans nous arrêter Ighzer n'Ouzeggagh transformé en Oued Lehmar et puis Baniane, le village natal de Dihya la chanteuse pionnière de la chanson moderne d'expression chaoui avant d'arriver à M'chounèche, Timessounine en berbère et qui a été longtemps considérée comme la capitale de la contestation chaoui avant que T’kout ne lui ravisse la place. Il y a exactement vingt ans que je n'ai pas mis les pieds à Timessounine et je ne la reconnais plus tellement, elle a changé. Des immeubles ont poussé et les maisons de parpaings et de ciment ont presque fini de manger les authentiques maisons traditionnelles avec leur couleur si caractéristique. Celles-ci ne subsistent plus que dans quelques îlots épargnés quand elles ne tombent pas complètement en ruine.
La langue, heureusement, n'a pas changé. Ici on parle un chaoui pur et dur. Comme pour le reste des Aurès, les atouts pour le développement du tourisme existent mais ne sont pas exploités. Avec la grande paImeraie qu'elle possède, ses vieilles maisons typiques et l'Akhenak, les merveilleuses gorges longues de plusieurs kilomètres où coule Ighzer Amellal, il y a de quoi attirer les tours operators les plus exigeants mais en l'absence d'une politique touristique, on n'est pas près de voir l'ombre d'un touriste dans le coin. “Satané pétrole !” dit Rachid, “sans lui on n'aurait jamais laissé notre pays partir comme ça à vau-l’eau !” Nous cherchons longtemps Mihoub, le chanteur natif du village pour un petit entretien et nous finissons par perdre sa trace parmi les palmiers.
C'est aussi l'occasion pour nous de rencontrer quelques “anciens combattants” du mouvement berbère pour un brin de causette. Nous quittons enfin M'chounèche-Timessounine, le village natal de Si L'houès le héros de la guerre de Libération nationale pour Biskra non sans avoir jeté un coup d'œil sur le lac formé par le barrage de Imi n'El Guerzal arabisé en Foum El-Ghezal où l'on vient pêcher en famille. Un autre rendez-vous manqué par le tourisme national. Nous rentrons sur Batna, la tête pleine d'images toutes aussi sublimes les unes que les autres. Le mot de la fin, c'est bien sûr Rachid qui l'aura. “Et voilà, tu viens de faire le tour des Aurès et tu as vu les Chaouis. Des gens à qui on a tout enlevé.” L'ami Rachid a tout à fait raison. On a tout enlevé aux Chaouis. Tout, sauf une chose essentielle : la fierté.

D. A.

PORTRAIT
Fattah, l’Abrika des Chaouis
À T’kout, son village natal, c'est la cheville ouvrière du mouvement citoyen. Fattah incarne à lui seuI les archs. Si vous le rencontrez, ne vous fiez pas trop à son aIlure de jeune lycéen. Il a tout juste 22 ans, mais un culot de tous les diables. Pour donner une idée de l'ascendant qu’il a pris sur les jeunes du village, on nous a narré cette petite anecdote révélatrice. Un jour, dans un café, le maire et le chef de daïra, rentrés prendre une consommation, n’ont pas été servis. Ils ont attendu longuement les bras baIlants avant de sortir tête basse et queue entre les jambes. Fattah avait refusé qu'on les serve. D'un signe de tête. Son modèle c’est Abrika. Et il ne l'a pas cherché bien loin, c'est l’ami intime de son frère Tahar mort d’un cancer en 96.
Depuis, Le barbu de Tizi vient régulièrement en pèlerinage sur la tombe de son ami Tahar, mais ce que beaucoup de gens ignorent est que Belaïd est lui-même membre fondateur du MCA, l’équivalent dans les Aurès du MCB kabyle.
Dans la chambre de Fattah, plusieurs portraits ornent les murs. Côte à côte, il y a là Matoub, le défunt Tahar, Abrika et un autre barbu notoire qui porte le nom de Che Guevara.
“L'islamisme n’a jamais pris racine ici, nous explique Fattah. Là où le berbérisme existe, l’islamisme s'efface.” Un constat qui ne manque pas de pertinence. “Les pouvoiristes — entendre par là les gens qui sont pour et avec le pouvoir — ont également perdu le terrain ici. Ils passent en rasant les murs.” lI y a quelque temps, les archs des vieux sont rentrés en conflit avec les archs des jeunes. Fattah nous explique que les vieux ont essayé de dicter leurs lois. Interdit de fermer l'APC, interdit de fermer les routes, interdit de faire des émeutes... Les jeunes ont bien entendu réagi : il est interdit d'interdire. Fattah Achoura, en fait, ne fait que prolonger le combat de son frère en le portant plus loin, mais, et nous l’avons constaté sur le terrain, dans les Aurès comme en Kabylie, il n’y a pas de jonction entre l'ancienne et la nouvelle génération de militants de la cause amazigh. Ceux des années 1970-1980 ont pris de l'âge et des responsabilités. lIs ont un boulot, une famille à charge et des enfants à élever, ce qui ne leur laisse plus le temps de militer. lIs sont donc sagement rentrés dans les rangs et ont assisté médusés à l'émergence d’une nouvelle vague de militants qui n'hésitent pas, au besoin, à défier des gendarmes surarmés. Les jeunes qui arrivent sont plus frais, plus durs et plus exigeants. lIs ont pour modèles Matoub et Abrika. C'est le cas de Fattah, l’Abrika des Aurès.

D. A.

In liberte du 11/1/2003
http://www.liberte-algerie.com

    “Anna Greki, vêtue de peau fraternelle”

Par Nassira Belloula

L’expression poétique est l’une des voies les plus empruntées par les femmes en Algérie.

Née dans un contexte difficile, celui de l’oppression traditionnelle qui les a confinées dans un monde clos, puis par l’oppression coloniale, cette écriture s’est révélée être une arme qui fit de la poésie une voix opportune pour réclamer justice. Empruntée par des voix qui vont s’affirmer dans le paysage littéraire algérien, cette première poésie se dévoile comme une interrogation, une quête identitaire, une affirmation de soi.
Et parmi ces voix, rebelles, imposantes et révoltées, celles de Jean Amrouche, Jean Sénac, Aba Nourredine, Bachir Hadj Ali mais aussi Anna Gréki, lesquels sont les précurseurs de cette écriture originelle, solitaire qui s’est manifestée à une époque où le contexte socioculturel rendait difficile la prise de parole dans une Algérie colonisée. Et l’un des poètes majeurs de cette Algérie, Anna Gréki qui consacra dans une écriture sensible et affranchie le plus bel hommage à son pays natal dans Algérie, capitale Alger paru en 1963 et Temps forts, Présence africaine en 1966. Son décès tragique suite à une hémorragie due à des couches, le 6 janvier à Alger, mit fin à une parole exigeante.
D’origine française et de son vrai nom Colette Anna Grégoire, elle est née à Batna dans les Aurès, le 14 mars 1931. Mais, c’est à Menaâ dans la localité d’Arris qu’elle passa son enfance.
Mon enfance et les délices
Naquirent là
à Menaâ, commune mixte d’Arris.
Et mes passions après vingt ans
sont le fruit de leurs prédilections
Du temps où les oiseaux tombés des nids
Tombaient aussi des mains de Nedjaï
Jusqu'au fond de mes yeux chaouïa”.
Tout comme Assia Djebbar et plusieurs autres plus tard, la poétesse, choisit pour investir l’univers de l’écriture, un pseudonyme : Anna Gréki, cette dernière ne l’a pas choisi au hasard, Gréki est une symbiose entre son vrai nom Grégoire et celui de son mari Melki. Ce pseudonyme est pour elle une sorte de voile inspiré, susceptible de la soustraire de ses propres incertitudes, car voix de femme, rebelle, née dans une région difficile, affichant un engagement politique, usant d’un verbe engagé.
“Colère devant l'enfant courant devant la guerre
Jusqu'aux frontières
Depuis sept ans sans s'arrêter
S'il ne se couche dans la terre”
Anna Gréki a chanté avant tout sa terre natale, le courage des femmes chaouies, leur lutte quotidienne, leur engagement pour la cause, cette lutte acharnée contre le colonialisme. Anna Gréki, qui adopta la nationalité algérienne, interrompit ses études pour s’engager dans la résistance, elle est arrêtée et emprisonnée à Barberousse en 1957 puis expulsée d'Algérie fin 1958 vers la Tunisie, elle regagne Alger à l’indépendance.

N. B



n El Watan du 14-1-2003
http://www.elwatan.com


BATNA / Diana, une ville antique

Peu de régions de l’Algérie possèdent un aussi riche patrimoine historique des richesses archéologiques, des trésors artistiques et antiques suscitant l’émotion, charmant l’œil et subjuguant le cœur que la capitale des Aurès. Elle était le point de rencontre de plusieurs civilisations et beaucoup de peuples y ont laissé des traces et vestiges, des chefs-d’œuvre et des sites archéologiques.

Malheureusement, ce patrimoine est en souffrance et est menacé de disparition. L’exemple est bien incarné par les ruines de la ville de Diana Veteranorum (Zana El Beïda), une «municipe» antique. A 32 km à l’ouest du chef-lieu de la wilaya de Batna, se trouvent les ruines romaines de Zana El Beïda, dans l’antiquité Diana Veteranorum, fondée par des vétérans de la troisième légion Augusta. Ces ruines couvraient autrefois un vaste espace, d’environ 15 ha, dans une plaine légèrement ondulée, à proximité d’un ancien marais qui a dû être drainé par les anciens. Le territoire de la commune de Diana Veteranorum, qualifié de municipe, s’étendait à l’ouest, au moins jusque dans le voisinage de Henchir Tifeloine, vers le sud-ouest, jusqu’au Chott El Beïda, vers l’est, jusqu'au nord-est de Seriana, vers le nord, certainement jusqu’à Henchir Ouesfane, et très probablement jusqu’à Henchir Boutermatène. Ce territoire s’est depuis rétréci et beaucoup d’édifices de la ville antique ont disparu sous les remaniements et à la suite des actes d’iconoclastes et des actions de malveillance. Même les vestiges, qui ont échappé aux effets du temps, sont continuellement sujets à des dépravations et à des dégradations continues par manque de préservations et de restauration. De belles œuvres antiques ont disparu l’indifférence des responsables. Il ne reste de cette commune richement construite que deux arcs de triomphe (mélange de l’école de Rome) : le premier est un arc à une baie, se dressant dans le voisinage immédiat du forum, dédié en 165 à Marc Aurèle et à Lucius Verus, et l’autre, à trois baies, construit sous l’empereur Macrin en l’an 217 de notre ère. Ces deux arcs résistent aux effets destructeurs de la nature. Rien ne reste du forum, voire de la forteresse byzantine, et des vestiges de l’aqueduc en blocage amenant l’eau de la source de Aïn Soltane, des pressoirs, des vestiges de citernes, de puits, des quelques fragments architecturaux d’un certain temple que mentionnent les manuels ! Il reste beaucoup plus que des pierreries, quelques infimes fragments de la poterie et peut-être beaucoup d’antiquités ensevelies. Même cette porte monumentale, qui précédait jadis un temple de Diane, a disparu. Une situation d’indigence : des ruines jonchées de pierreries et chaque jour qui passe ensevelit un monument, une pierre, un pan de cette civilisation, de ce site archéologique sans que le conservatoire des monuments archéologiques réagisse. Dommage ! On n’a pas su tirer profit de ce qui aurait pu être un grand atout touristique, et ainsi on a laissé échapper des occasions en or d’enrichir notre capital financier et culturel. Qu’attend-on pour préserver et restaurer ces sites archéologiques dont les Aurès foisonnent pour aider au développement de cette grande industrie qui est le tourisme et dont l’apport sera bénéfique pour ressourcer l’économie de la région et créer, par-là même occasion, de l’emploi aux jeunes que le chômage broie ? A moins que les intentions soient autres et que l’on ne veuille pas du bien à sa propre région !

Par B. B.



elwatan du31/10/2002
http://www.elwatan.com

BATNA / Fatima-Zohra Chikhi, au clair de la plume

On assiste ces derniers temps, dans la wilaya de Batna, à un phénomène nouveau : l’apparition de jeunes femmes écrivains qui tentent de proposer aux enfants quelque chose de «différent».

Leurs publications sont parfois au stade embryonnaire. Ce sont les marginaux de l’édition pour enfants qui, difficilement, tentent de faire des livres «différents» — et qui, souvent, y réussissent. De cette ribambelle d’écrivaines pour enfants qui ont pris la plume pour meubler le vide émerge Fatima-Zohra Chikhi , qui nous a été présentée à la journée internationale de la Douane organisée à la maison de la culture de Batna. Fatima-Zohra, animatrice de colonies de vacances d’été et chargée de la bibliothèque de l’école des Douanes de la ville de Batna, s’est vu embarquer dans ce monde de l’écriture grâce à sa fréquentation des enfants et des livres. Prise par «le virus de l’écriture», elle publie ses deux premiers contes l’Histoire de l’enseignante Nour et Les règles du jeu, tous deux illustrés par son amie Amel Yahiaoui. Alors que d’autres attendent de voir le jour, selon les termes de leur auteur. Ces premiers livres pour enfants répondent aux préoccupations quotidiennes de l’enfant. Ce sont des livres didactiques, dans un but d’éducation morale. On y trouve des leçons de comportement sous une forme supposée enfantine. On met en scène un enfant avec sa maîtresse, avec sa poupée. L’enfant sert de «modèle» qui devrait être imité. Ces contes nous sortent de la littérature de fables ou de contes de fées qui font appel au merveilleux et qui ne sont pas seulement moralisants, mais aussi traumatisants. Loin de contes de fées charriant la peur, l’horreur et la violence dont on craint qu’ils «traumatisent» l’enfant, elle propose des textes de didactique, d’apprentissage, d’éducation morale, d’identité nationale… Son effort est de «pédagogiser» ses histoires. Faire installer une culture nationale qui, même primitive, pourrait être opposée au modèle antique alors prédominant. Raconter des histoires vraies, avec des modèles «sublimes». Des livres d’apprentissage où l’on apprend à vivre, à faire, à être… Fatima-Zohra se dit prête à côtoyer ce monde des enfants pour bien le connaître afin de répondre à ses attentes, à ses désirs. A ce sujet, elle confie : «Je voudrais faire des livres avec des dessins et des textes d’enfants, leur (les enfants) donner la possibilité de rêver et de se déterminer comme ils l’entendent.» Le livre permet à l’enfant non seulement d’enrichir et de fertiliser son esprit, mais aussi de s’évader par le rêve, de vivre son idéal, «son monde parfait». Des initiatives à encourager.

Par B. B.



Être journaliste dans les Aurès face à l'arbitraire ...elwatan du 31/10/2002
http://www.elwatan.com

Khenchela :
Le correspondant d’Akher Saâ mis sous contrôle judiciaire

Le correspondant d’Akher Saâ à Chechar, au sud de Khenchela, Belhouchet Amrane, après une garde à vue d’une journée au niveau du commissariat de Chechar, a été présenté au procureur de la République qui a transmis le dossier vers le juge d’instruction qui a finalement placé le concerné sous contrôle judiciaire en compagnie de cinq autres jeunes, accusés d’incitation aux troubles à l’ordre public.

Sa disparition, une journée durant, avec le refus de communication de la part du chef de la sûreté de la daïra concernée ont installé un climat de tension parmi plusieurs confrères. L’autre correspondant d’Akher Saâ à Khenchela devait, lui, se présenter au tribunal de Khenchela, lundi dernier, pour une affaire de diffamation reportée pour le 18 novembre. Un autre confrère devait aussi être jugé, le lundi, suite à une affaire de diffamation au tribunal de Khenchela où il avait travaillé toute sa vie en tant que greffier en chef, le regretté Bachir Hakkar, le doyen des correspondants et qui travaillait à El Acil, était entre-temps décédé.

Par A. Maâchi




WWW.LEMONDE.FR
du 13/9/2002

Gabriel Camps

Préhistorien (1927-2002) s’intéressant particulièrement aux origines pré et protohistoriques des Berbères, aux cultures préhistoriques méditerranéennes et africaines, à la faune de l'art rupestre nord-africain et saharien. L’essentiel de ses recherches a été mené en Algérie, mais aussi en Corse.Il est « né le 20 mai 1927 à Misserghin, en Algérie, où il accomplit tout le cycle de ses études, du lycée d'Oran à l'université d'Alger, où il soutint ses thèses. La principale traitait des Origines de la Berbérie, en étudiant les monuments et les rites funéraires de la protohistoire ; en complément, un livre sur Massinissa, le grand roi numide, abordait les premiers temps de l'histoire de l'Afrique du Nord. A l'aube d'une grande carrière, Gabriel Camps avait ainsi déjà tracé les chemins qu'il poursuivrait pendant quarante années d'une production d'une abondance et d'une qualité également exceptionnelles. À Alger, au sortir de la guerre d'indépendance, les responsabilités lui étaient vite échues : celle d'un grand laboratoire du CNRS, le Centre de recherche d'anthropologie, de préhistoire et d'ethnographie, couplée avec la direction du Musée du Bardo et celle d'une revue, Libyca. L'Algérie, c'était aussi le Sahara, arpenté dans l'espace mais aussi dans le temps, lors de nombreuses missions au Hoggar et au Tassili au titre de la direction de l'Institut de recherches sahariennes. » (extrait d'un article de Serge Lancel, Le Monde, 14 septembre 2002).Jusqu'en 1969, il était directeur du Centre anthropologiques, préhistoriques et ethnologiques (CRAPE), ainsi que du Musée National d'Ethnographie et de Préhistoire du Bardo (Alger) et de l'Institut de Recherches Sahariennes. Gabriel Camps a été ensuite professeur de l'université de Provence (à Aix-en-Provence). « C'est à cette époque qu'il a étudié les inscriptions libyques. C'est lui qui, pour la première fois a démontré l'existence d'un Âge de bronze en Afrique du Nord. Ses deux thèses étaient consacrées Aux origines de la Berbérie ; l'une sur les Monuments et rites funéraires protohistoriques et l'autre sur Massinissa est les débuts de l*histoire. » (kabyle.com). Pendant trente ans, à partir de 1970, il a dirigé la rédaction de L'Encyclopédie berbère. Sur la ToileSon parcours universitaire, ses publications, ses recherches.Parmi ses publicationsAfrique du Nord au féminin (Perrin, 1992) : une série de portrait d'héroïnes nord-africaines de la préhidtoire à la guerre d'indépendance.L'Encyclopédie berbère (Édisud, 1985-2002) : vingt-cinq fascicules et plus de 4 000 pages, pour moitié écrites par Gabriel Camps.Berbères, mémoire et identité : ouvrage de référence pour la connaîssance du monde berbère.Préhistoire d'une île. La Corse des origines (1988 - Errance, 1991) Introduction à la préhistoire (Perrin, Collection Point Histoire, 1982) : Il aborde successivement l'image de l'homme préhistorique, l'évolution technique, les lenteurs du Paléolithique, les cultures épipaléolithiques et mésolithiques, la « Révolution néolithique », l'ouverture au Monde, le sentiment religieux, l'art.Atlas préhistorique du Midi méditerranéen français (1978-1981) : ouvrage collectif dirigé par l'auteur.Les Berbères, aux marges de l'Histoire (1980)Épipaléolithique méditerranéen (1975) : ouvrage collectif dirigé par l'auteur.L'Homme de Cro-Magnon (1970 - Faton, 1992) : ouvrage collectif dirigé par l'auteur.La liste complète de ses publications
Abcdaire du Maroc
Berbères (Les) : mémoire et identité
Berbères (Les)
Encyclopédie berbère


WWW.ELWATAN.COM
du 10/7/2002

BATNA YA BATNA ! aux rythmes de l’odyssée des aurès

La générale de L’Odyssée des Aurès, a été présentée lundi soir à la maison de la culture de Batna devant une salle archicomble. Qu’ils s’appellent Phéniciens, Romains, Vandales ou Byzantins, qu’ils parlent chacun une langue différente ou qu’ils portent des costumes différents, les conquérants se suivent et se ressemblent enfin de compte. Le peuple de l’Afrique du Nord, lui, à peine se défait-il des uns qu’il doit subir les autres. Mais l’invasion ou la conquête appelle la résistance, la guerre. Victoire, défaite. Et défilent les héros : Naravas, Massinissa, Jugurtha, Tacfarinas, Ibadas, pour ne citer que ceux des Aurès... Cependant, El Kahina n’a pas eu l’aura qui est la sienne dans cette époque. Il faut le dire : l’époque des foutouhette a été bâclée. Pourtant, il a fallu, selon l’histoire, pas moins d’une dizaine de «conquêtes» pour voir l’Islam s’installer au Maghreb.

Cette période a été survolée d’une manière incompréhensible. Y a-t-il eu des pressions quelque part ? Où est passé Kocila ? Des saynètes étoffent chacune des époques, où le tragique le dispute parfois au burlesque. Ce dernier sera joué par les deys et les beys (celui de Constantine) et leurs percepteurs turcs, qui ont affamé les populations autochtones. Le courage de le dire est à saluer. Le burlesque est également atteint par les caïds et autres harkis, sous-estimant la volonté d’un peuple de se libérer du joug du colonialisme français. L’on s’attardera sur cette époque : en 1894, le soulèvement de Oujarallah, de Amor-ou-Moussa, celui de Benzelmat, de Bouchareb... Puis la guerre de Libération, Ben Boulaïd, etc. Bien que la direction des comédiens soit maîtrisée, la chorégraphie gagnerait à être moins brutale, violente, plus suggestive, la danse plus gracieuse. N’est-elle pas la parole, l’expression du corps ? Mais qui a parlé de corps ? Les danseuses portent, sous des costumes bien faits, des pantalons, des collants... ayant la couleur de la peau ! La musique ou les différentes partitions musicales ont sauvé la «mise», ont fait oublier les autres défaillances. La beauté de la musique et celle du texte en chiîr el Melhoun, auxquelles à chaque fois le public a répondu en applaudissant, laissent deviner qu’il y a eu une recherche assez poussée de la part de l’auteur, Salim Souhali. De fait, à chaque époque correspondent une musique et un rythme qui lui collent comme un gant. Ainsi, par exemple, la première composition accompagnant la danse des clans, période précédant celle des tribus, est une musique futuriste étoffée du merveilleux son de la gasba. L’époque des Vandales est illustrée par une musique carrément celtique, celle musulmane par des gammes orientales. Mais les chants longs chaouis, les complaintes ont galvanisé l’assistance ! Tant il est vrai que l’on se reconnaît sans coup férir dans l’authenticité, qu’on le ressent vite fait. Le conteur pourrait facilement se passer du play-back.

Par A. Boumaza



WWW.LEMONDE.FR
du 05/7/2002

L'Algérie regarde la France avec une envie mêlée d'exaspération

Quarante ans après l'indépendance, commémorée vendredi 5 juillet, les jeunes, écrasés par la crise, se demandent si leurs parents n'ont pas fait le mauvais choix ; les anciens mesurent le chemin parcouru et, au-delà des désillusions, ne regrettent rien.
Alger de notre envoyée spéciale.

Bagaï ou Bagaê ? Si l'on se réfère à la langue amazighe, on retrouve une toponymie dont parle G. Mercier : Habegha, Tabegha (pluriel Tibgaïn) qui signifie ronces (plantes en épines) ou mûres sauvages. Si plusieurs divergences existent entre chercheurs, historiens et archéologues quant à la chronologie ou à d'autres aspects relatifs à la naissance de cette ville, il n'y a cependant aucun doute quant au rôle politique qu'elle a joué. Militaires et historiens lui attribuent ce rôle au vu de sa situation géographique, ce qui lui donnera la possibilité de
C'est à travers le prisme déformant - et déprimant - de leur vie quotidienne que les Algériens font le bilan de leurs quarante années d'indépendance, dont l'anniversaire est célébré ce vendredi 5 juillet. Les anciens se souviennent de quelques belles périodes, celle de la fin des années 1960 et du début des années 1970, brève parenthèse de "l'opulence et du triomphalisme", suivie un peu plus tard d'années de "dilapidation" et enfin de "régression" qui leur paraissent sans fin.
"Est-ce qu'on aurait mieux fait de rester français ?" Dans ce pays où la liberté d'expression est aujourd'hui quasi totale, beaucoup, parmi les jeunes, n'hésitent pas à poser cette question sacrilège. "Quand on est en colère ou qu'on découvre le montant des recettes pétrolières, alors oui, mes copains et moi, on se dit que nos parents ont fait le mauvais choix", raconte Ahmed (20 ans), qui rêve de se procurer un visa "par tous les moyens" pour "quitter ce bled" et qui, en attendant, vit de petits boulots au noir.
LE COÛT DU SOCIALISME
"Nos parents ont traversé leur vie dans un trou de serrure, estime Ali, jeune médecin, à bout de nerfs. Ils ont eu droit d'abord à la période coloniale, puis la crise économique et enfin au terrorisme. Si Chirac trouvait le moyen de nous faire voter pour savoir si on veut redevenir français, ce serait oui, à une immense majorité !"
Pensent-ils ce qu'ils disent ? Pas vraiment. Tous avouent tôt ou tard qu'ils parlent sous le coup de l'exaspération et que ce sont des considérations d'ordre matériel - visa, emploi, logement et pénurie d'eau, notamment - qui leur font regretter par à-coups l'ex-puissance coloniale. "Corriger les erreurs du passé, c'est plus dur que de recommencer à zéro. Nous n'avons pas fini de payer notre choix du socialisme au lendemain de l'indépendance et notre alignement sur le bloc de l'Est, même si cela partait d'une idée généreuse", soupire Hassan (45 ans), pour qui il faudra encore un temps infini avant que le pays s'en sorte.
"Les jeunes Algériens souhaitent que ça explose. Ils ont pris l'habitude de dire : "Mieux vaut être un poteau électrique en France qu'un être humain ici"", observe, un peu désabusé, Rachid Hamatou, âgé d'une trentaine d'années. Moi, ça ne me fait pas rigoler, car c'est profond comme douleur." Ce qui inquiète surtout ce journaliste photographe du Matin, c'est de voir ses compatriotes regarder "à des milliers de kilomètres, croyant qu'on les attend avec un travail, un F3 et une voiture". Pour lui, "c'est le désespoir qui fait cela, mais on le cultive, le désespoir, en Algérie".
A l'inverse de la jeune génération, aucun, parmi les plus de soixante ans, ne regrette l'indépendance du pays et n'envisage de partir. "Jamais nous n'aurions pu vivre hors d'Algérie !", s'exclament d'une même voix tous ceux qui ont participé, d'une façon ou d'une autre, à la guerre de libération, quelles qu'aient été ensuite leurs désillusions.
UN "ÉNORME GACHIS"
S'ils ont un regret, c'est qu'il n'y ait jamais eu d'effort du côté de l'Etat français pour admettre les raisons de leur soulèvement."Ce qu'étaient la colonisation, le racisme, l'exploitation des autochtones et les exactions commencées bien avant 1954... Tout cela, on l'ignore en France, déplore Leïla Ettayeb, qui a pris le maquis à l'âge de dix-sept ans et est aujourd'hui sénatrice. La France aurait pu reconnaître ce qui s'est réellement passé, en particulier dans les livres d'histoire, puis faire un geste, une sorte de mea culpa."
De son côté, Abdelkader Ammour, engagé dans la guerre de libération et torturé à l'âge de dix-neuf ans, regrette aujourd'hui encore le "gâchis énorme" commis par les tenants du colonialisme en s'opposant à toute tentative de réforme quand il en était encore temps. "Leur politique d'obstruction systématique nous a maintenus dans le statu quo, c'est-à-dire dans les marges, à la portion congrue", souligne-t-il.
Que la France "assume mieux son Histoire", ne serait-ce que pour réussir sa politique d'intégration, tel est le vœu de Leïla Aslaoui, écrivain et ancienne magistrate. Il lui paraît "intolérable" que l'on puisse mettre sur un pied d'égalité, ou "renvoyer dos à dos résistants et bourreaux",comme elle l'a souvent vu faire avec Louisette Ighilahriz, lors de débats sur les chaînes de télévision française. "Cela revient à comparer Jean Moulin à un nazi", s'indigne-t-elle, tout en reconnaissant que, du côté algérien, on doit également "assumer l'Histoire et tout d'abord l'écrire".
Dans cette histoire de l'Algérie, Leïla Aslaoui, comme beaucoup de ses compatriotes, ne manquerait pas d'inscrire les noms d'un certain nombre de Français, celui d'Henri Alleg, notamment, ainsi que de Francis Jeanson. Mais le nom qui revient le plus souvent dans les conversations est celui de Maurice Audin, ce jeune mathématicien communiste enlevé par les parachutistes à Alger en juin 1957, et jamais réapparu depuis.
"J'ai eu Josette Audin comme professeur de maths au lycée Pasteur, en 1963. Je pense souvent à elle. Je n'ai pas pu oublier la douleur de son regard", dit Leïla Aslaoui. "S'il n'y avait pas eu des gens comme Maurice Audin, souligne de son côté Mohammed Cherif Moulay, jamais nous n'aurions pu regarder la France comme nous le faisons aujourd'hui : sans aucune trace de haine."
Par : Florence Beaugé


Une situation économique préoccupante
L'Algérie était un pays économiquement dévasté au moment de l'indépendance, aujourd'hui sa situation reste préoccupante :
Chômage : autour de 30 %, il touche particulièrement les jeunes (80 % des chômeurs ont moins de trente ans).
Taux de croissance estimé pour 2002 : 4,5 %
Poids de la dette en nette diminution : 40,7 milliards de dollars en 2001 contre 65 milliards en 1998.
Service de la dette : 23 % en 2001 contre 45 % en 1998.
L'inflation : 5,6 % en 1998, 3 % en 2001.
Population : 31 millions d'habitants, dont 35,5 % de moins de quinze ans et 4 % de plus de soixante-cinq ans.
Population urbaine : 59,5 %
Espérance de vie à la naissance : 69,3 ans (à titre de comparaison : 69,9 en Tunisie et 67,2 au Maroc)
Taux de croissance démographique annuel : 2,6 %
Taux de scolarisation dans le primaire : 94 %
Nombre moyen d'enfants par femme : 3,1 ( 2,3 en Tunisie et 3,4 au Maroc ) - (Sources : PNUD et Coface.)


El Watan,05/04/2002
WWW.ELWATAN.COM

Colère populaire à Aïn Fakroun

Jeudi à partir de 17 h 30 environ, un mouvement de foule inhabituel a débuté au sein de la ville de Aïn Fakroun, distante d’une trentaine de kilomètres du chef-lieu de la wilaya d’Oum El Bouaghi.
Cette manifestation, qui s’est atténuée tard dans la nuit, a repris dès les premières heures de la matinée de vendredi. Les manifestants s’attaquent aux édifices publics notamment qu’ils détruiront partiellement tels le tribunal et Sonelgaz ainsi que le service des urgences de l’hôpital. Alors que la veille ce furent un véhicule blindé et un 4 x 4 de la gendarmerie nationale qui ont été l’objet de jets de cocktails Molotov ayant entraîné leur calcination complète. Les raisons invoquées pour justifier cette colère populaire seraient liées à l’augmentation impromptue des coûts des prestations médicales au sein des différentes structures du secteur local de la santé. Ces raisons nous seront confirmées par un cadre de la santé de la wilaya d’Oum El Bouaghi, joint par téléphone, et par quelques citoyens, alors que la brigade d’Aïn Fakroun était totalement isolée, selon des consignes reçues de la hiérarchie auprès de laquelle nous avons pu contacter un officier. Nous avons au cours du même après-midi vainement essayé d’obtenir le responsable de la cellule de communication au sein du Ve commandement régional. Selon un témoin oculaire, c’est à la sortie du stade où s’est déroulée une rencontre empreinte de fair-play entre l’équipe locale et celle de Skikda que la grogne avait commencé à se dessiner.
A. Lemili




Artcle paru dans le journal algérien en langue arabe ECHOUROUK du 3/4/2002
   

   


Le Matin, 03/042002
WWW.LEMATIN-DZ.COM

Sétif, l'appellation du nouvel aéroport
suscite la colère de la population


Une pétition a été initiée par les habitants de Sétif pour dénoncer « la manière frauduleuse » dont a été décidée l'appellation de l'aéroport de cette ville au nom du moudjahid Hadj-Lakhdar et dont l'inauguration par le Président de la République se fera prochainement. Les premiers signataires, près d'un millier, tout en saluant la mémoire de ce moudjahid de Batna, s'insurgent contre le « fait accompli » qu'ils considèrent comme « un mépris » à l'égard de la population de cette région « qui a donné beaucoup de martyrs » et demandent l'arrêt de la procédure en cours « par le retrait de l'enseigne » déjà accrochée à l'entrée de l'aéroport.

S. A.


Article posté sur le forum de ce site
Par : Y.A.


A lire absolument...!!!

Le chant de l'âne

Décidément, Il est dure d'être producteur de mots; cela réclame du malheureux qui s'y hasarde, un temps fou ; non seulement il faut peser chaque vocable avant de le coucher sur papier, mais l'on se voit, en outre et jour après jour, forcé de consacrer davantage de temps à répondre à des énergumènes qui, confondant réflexion avec agitation mentale, se croient tenus de polluer les medias matin et soir rien que pour atténuer le sentiment de futilité qui les taraude face à des échéances sur lesquelles ils n'ont aucune prise. Eh, oui, c'est que les réserves de pétrole brut ne sont hélas, pas inépuisables ! Et le sieur Othman Saadi est éperonné par un sentiment d'urgence de jour en jour plus angoissant : son statut de loyal mercenaire à la solde des Emirats et autres monarchies pétrolières le met dans l'obligation de ramasser le maximum de fric avant que les puits pétroliers ne tarissent et que ses employeurs ne se voient forcés de lui couper les vivres...

Ainsi donc, si vous voulez prévoir l'humeur d'un tel individu, il suffit de jetez un coup d'oeil sur la courbe de production de l'or noir : un forage prometteur entre mer rouge et golfe arabo-persique - ou même en Libye - et son moral s'élance vers les cimes de la fatuité. A contrario, l'ombre d'une crise, aussi passagère qui soit, qui plane un court instant sur la bourse de Rotterdam, et c'est la déprime verbeuse, voire l'hallucination pure et simple ; jugez-en par vous-mêmes : Ne saviez-vous pas, par exemple, que l'Algérie est un pays vassale, qui vit sous la suzeraineté de Cheick Zayid Bon Soltan et de Moâammr El Kadhafi? Ah, bon! Vous ne voyez pas le rapport entre les deux termes de la préposition que je viens d'énoncer? Eh ben, c'est que vous êtes mal informés.

Lisez donc l'interview qu'à accordé à ASHARQ AL AWSAT «La constitution de tamazight est anticonstitutionnelle» 21-03-2002 - Page : 4 - Et vous verrez que le sieur Saadi souffre réellement d'une diarrhée verbeuse de nature hautement hallucinatoire.

En un mot, ce monsieur est en train d'exciter ses pourvoyeurs de fonds, bach ijiw yeâtiwna triha, sous prétexte qu'une arabisation vieille de 15 siècles est mise en danger et que monsieur Saadi Othman, qui, comme chacun le sait, en est le garant et le porte-parole, sonne l'alarme en ce sens! Le malheur, c'est que cet individu se pose en nationaliste intransigeant, amoureux de sa patrie - cela va de soi. Une patrie qui, ne l'oublions pas, est reconnue par toutes les instances internationales, au sein desquelles elle siège en sa qualité d'Etat souverain. Or, ce M. Saadi n'hésite pas à appeler des puissances étrangères à venir s'ingérer dans nos affaires, et ce en contradiction flagrante avec toutes les lois universelles, connues et reconnues! C'est comme si un Saadi argentin en appelait à l'Espagne d'aller faire entendre raison au gouvernement argentin, sous prétexte que les Espagnols pratiquent une langue similaire à celle ayant cours dans ce dernier pays ! ! ! A cette perspective, les Argentins iraient sûrement se noyer dans le rio Negro - à force de se contorsionner de rire - à moins qu'il ne glissent carrément, dans les profondeurs de l'océan, toujours en se marrant comme des baleines ! Le seul hic c'est : Pouvez-vous vous imaginer un Saadi argentin ? N'insultons pas la belle Argentine ; elle mérite mieux que ça. A propos, M. Saadi, est-ce que les libanais, à moitié chrétiens, comme le sait tout un chacun, doivent participer à l'expédition que les monarchies arabes doivent lancer contre l'Algérie, ou bien alors avez-vous une petite objection d'ordre esthétique, de ce côté-là ?

Je voudrais bien m'arrêter ici et tout oublier de ce lamentable M. Saadi ; mais comme je suis foncièrement et même incurablement gentil, je ne finirai pas mon article sans rappeler à ce farfelu, histoire de rafraîchir le peu de cervelle dont il est pourvu, que si l'arabisation est vieille de 15 siècles, Thamazighth l'est de 30.000 ans - Eh ignard crotté! Et c'est un chawi mmis en yemm as qui te le dit par pure charité, car les ignorants me désolent et leur imbécilité m'accable et je n'en ai nullement besoin. Ah ! Le monde serait tellement beau, si les individus mentalement limités pouvaient s'en tenir à leurs limites et foutre la paix à l'humanité souffrante !

Y. A

 


In el watan du 29/02/2000
www.elwatan.com

SALIM SOUHALI / L'artiste chercheur de trésors

Salim Souhali est un touche-à-tout. Il fait des recherches en musicologie. Il est musicien, chanteur et caricaturiste. Il est aussi dramaturge. En un mot : un artiste. A Batna, où il vit, il semble étouffer. Trop de murailles...

Salim Souhali, qui travaille dans la discrétion, parle avec passion de la musicologie. Il ne cesse pas de sonder, depuis quinze ans, les profondeurs de la musique populaire algérienne. Ses régions préférées : les Aurès, Ouargla, le Hoggar et la Kabylie. Il tente de compenser la frustration de n'avoir pas achevé des études à l'Institut national de musique d'Alger où il était inscrit au début des années 80. Salim fut inspiré par les travaux d'un musicologue allemand. «Les Algériens n'ont pas été nombreux à faire des recherches sur leur patrimoine musical.», constate-t-il. Salim Souhali a découvert des petits trésors.
Selon lui, il existe des chants populaires en arabe dialectal dédiés à la marine algérienne aux XVIIIe et au XIXe siècles. Ces chants avaient été collectés par un chercheur français qui fut directeur de l'école franco-musulmane de Constantine en 1911. Salim Souhali relève que Ouargla, compte tenu de son passé, est riche en chansonnettes d'expression zenète, arabe et afro-arabe.
Salim y a étudié les différents rythmes marqués par une présence constante des percussions avec des influences des confréries et d'Afrique. Le gnawi, célèbre rythme africain, est tiré selon lui d'un mot berbère qui signifie étranger. «Les Berbères appelaient les Africains qui ne parlaient pas leur langue agnaw.», précise-t-il.Salim Souhali constate qu'aucune étude n'a été faite sur le patrimoine musical aurassien ni par les Algériens ni par les étrangers. Il évoque avec intérêt la légende de Boughandja. C'est celle de Anzar (le dieu de la pluie) à qui on offre une belle fille parée d'habits flamboyants. «C'est presque la même histoire que celle de Arouss En-Nil (la mariée du Nil) en Egypte», précise Salim. La légende de Boughandja est, selon lui, connue dans toute l'Afrique du Nord. Aïssa Djermouni, le plus célèbre chanteur aurassien, ressemblait pour lui à un troubadour berbère. A l'image de ceux qui égayaient les journées des tribus des Senhadja et des Zenata. «Mais, il ne faut pas croire au mythe d'un Djermouni écouté à 20 km à la ronde !», note le chercheur. A propos de la chanson Bkaou be slama ya arab Merouana (au revoirArabes de Merouana) de Aïssa Djermouni, Salim Souhali relève que l'artiste répliquait ainsi à une agression dont il aurait fait l'objet dans cette ville.
En Kabylie, le chercheur s'est intéressé à achewik (le flamenco berbère), aux variations rythmiques et à ahiha, le chant sans percussion des bergers. Ahiha a son «petite frère» dans les Hauts-Plateaux, il s'appelle sraoui. «Plusieurs mélodies commencent malheureusement à disparaître», remarque Salim Souhali. Il estime que le ministère de la Communication et de la Culture devrait faire un effort pour enregistrer le patrimoine musical avant qu'il ne se perde. Selon lui, des ministudios de 4 pistes suffisent pour ce travail. «Le folklore national doit être enseigné à l'école au même titre que Schubert ou Abdelwahab», ajoute-t-il.
Salim Souhali hésite à répondre lorsqu'on lui demande de faire éditer ses travaux de recherche écrits en arabe. «Les éditeurs estiment que ce genre de produit n'est pas vendable. En dépit de cela, je refuse d'aller proposer mes manuscrits à des maisons d'édition étrangères», souligne le chercheur. La solution n'est donc pas facile à trouver. Salim Souhali a proposé un projet de création d’un département de recherche dans les instituts de musique. Sans résultat. «J'ai l'impression que l'on craint quelque part de sauvegarder le folklore, la mémoire collective», remarque-t-il. Il faut, selon ses dires, une révolution dans les mentalités. «Avec la globalisation, j'ai peur que la génération qui va suivre soit déracinée. Il n'y aura de place ni pour la ghaïta ni pour le bendir. Il faut laisser aux jeunes des points de repère. Pour cela, il faut ouvrir les portes à la culture du pays et cesser la politique du bricolage. Où est le ballet national ? Que fait-il ?», s'interroge-t-il.
Selon lui, la quête du gain commercial a dénaturé la chanson chaoui.Salim Souhali est aussi chanteur. Il a à son actif trois cassettes.Plusieurs de ses chansons sont régulièrement diffusées sur Radio Aurès. La télévision d'Etat s'est rappelée une fois de son existence en diffusant un clip. «Je ne peux pas continuer parce que je n'arrive pas à composer des chansons qui plaisent aux éditeurs. J'aime me retrouver dans ce que je fais», confie l'artiste. Une vingtaine de chansons sont gardées bien au chaud par Salim en attendant des jours meilleurs. Cependant, il ne s'est jamais retenu d'aider les jeunes chanteurs et de les appuyer, comme Hacène Dadi, Massilia et Katcho. Pour ces jeunes, il a offert musique et paroles. Des œuvres inscrites à l'ONDA (Office national des droits d'auteurs).Cela dit, la musique assistée par ordinateur et les chanteurs qui ne respectent pas la gamme suscitent son mépris. La seconde passion de Salim Souhali est le théâtre. Il est l'auteur de plusieurs pièces jouées, notamment par le Théâtre régional de Batna (TRB).Sa première pièce H'na houma h'na (nous c'est nous) jouée au Festival de Mostaganem en présence de Kateb Yacine a décroché le deuxième prix. Mohand Afehloul et El Khatwa sont d'autres œuvres au succès reconnu. La légende de Boughandja est la dernière pièce écrite par Salim Souhali sous une forme chorégraphique.
Faute de moyens, ce produit reste au stade de projet. A travers la caricature et la bande dessinée, l'artiste donne libre cours à son esprit critique. Il avait à un moment donné collaboré avec le journal régional Ennasr. La situation de la culture dans le pays, en général, et à Batna, en particulier, le tourmente au plus haut point. Il regrette l'absence d'un statut d'artiste, la domination de la bureaucratie et des idées rétrogrades, le jacobinisme ainsi que l'absence d'une critique d'art.

Par Fayçal Metaoui




in LIBERTE du 26/04/2001
www.liberte-algerie.com

Théâtre régional de Batna

La légende de "Anzar" réinventée

Taslit M’Anzar (la fiancée d’Anzar) est une légende berbère très ancienne. C’est une des légendes de la mythologie berbère. Elle est reprise par Salim Souhali pour écrire un texte musico-théâtral dansant, où il raconte cette légende dans un style qui s’apparente au music-hall. Ce qui est en soi une expérience inédite dans l’histoire du théâtre algérien en général, et celle du TRB en particulier.

Le spectacle est une composition faite de chants, de danses pour interpréter, voire traduire la lutte continue entre le bien et le mal. Ce qui caractérise, voire distingue cette nouvelle production, c’est le retour à notre patrimoine culturel millénaire, loin des légendes importées d’ici et de là...

Le directeur du TRB nous parle de cette expérience (voir interview) et fait le point à nos lecteurs...

Liberté : On parle depuis quelque temps d’une politique d’ouverture au TR. Est-ce une nouvelle vision ?
M. Bounafâa : On ne cesse de parler de compétences nationales et locales ; pour une fois, nous avons décidé de sortir du "carcan" et diversifier les horizons. Ceci dit, nous avons fait appel à Ahmed Bénaïssa pour un travail classique, nous avons aussi pris en charge le jeune Bouzid Chawki pour introduire le genre burlesque et ce dernier a prouvé, par son talent, qu’il a des capacités énormes.

Nous avons donné, si je puis dire, une chance à nos acteurs pour monter une pièce avec notamment Ali Djebbara et, apparemment, nous avons tiré la bonne carte parce que ce dernier, avec son spectacle Le petit prince, a décroché le premier prix au premier Festival arabe de Carthage. Ceci nous amène, si on peut dire, à parler de la véritable fuite qu’a subie le théâtre algérien cette dernière décennie. Des cadres ? Justement nous avons voulu prouver qu’il existe réellement une relève en Algérie. C’est ce que vous appellez peut-être nouvelle vision...

Concrètement alors, avez-vous songé au patrimoine culturel local ?
En effet ! je peux vous dire que c’est chose faite. On a voulu produire en introduisant le génie des compétences locales, ce qui est, vous en conviendrez, un plus pour le TRB. Avec M. Salim Souhali et Mme Idami Messaouda qui est une très grande chorégraphe algérienne et pur produit de notre école nationale, nous allons produire un spectacle musical à partir de la légende d’Anzar. Ce qui constitue une grande première dans les annales du théâtre algérien. Pour ceux qui connaissent Salim Souhali, je crois qu’on peut dire que ce sera un spectacle grandiose. Seulement, ceci nous amène à aborder l’aspect financier ; une œuvre pareille nécessite de gros moyens, c’est ce qui nous fait défaut. Nous souhaitons la contribution de tous pour que le spectacle ne serait que meilleur.

Les activités du TRB ne se résument certainement pas à cette nouvelle production ?
Effectivement, en préparation du festival du théâtre pour enfants prévu à Annaba et dans un souci des contribution pour l’enrichissement du théâtre pour les enfants, le TRB préconise la complémentarité avec d’autres écoles, et c’est dans cette optique que nous avons fait appel à Fatten Djerrah qui a un projet que nous jugeons enrichissant.

En fonction de la très grande demande émanant des spectateurs, nous avons eu recours à la reprise des anciennes pièces : Dhalia (production 1997), Allem El Baâouche , de Azzedine Medjoubi ainsi que Mohand Affehloul. Et elles seront présentées à travers des tournées en Algérie. Ainsi que Djazirat ennour.

Ces productions et ces reprises nécessitent des fonds. Vous évoquiez tout à l’heure l’aspect financier.
Disons qu’en ce qui concerne les fonds, nous "bricolons", sauf pour le programme 2001. Pour Anzar et El Hafer El Fadhi, ces deux productions sont subventionnées par la tutelle.

Revenons, SVP, aux compétences locales. Certaines voix ont crié à la marginalisation dans un passé récent ; est-ce toujours le cas au TRB?
Je le dis et le répète, les portes sont grandes ouvertes aux compétences nationales ou locales. C’est la nouvelle politique du TRB. Bien entendu, on doit comprendre qu’on ne doit pas se cloisonner à Batna. Ce qui nous fait honneur, c’est la réputation qu’a acquis le TRB et je n’en veux pour preuve que le nombre d’acteurs, de réalisateurs, de dramaturges qui "se bousculent" à nos portes pour intégrer le TRB. Seulement on ne peut satisfaire tout le monde ! Les moyens font défaut.

Depuis quelques mois, vous êtes installé à la NCB. Le théâtre est en réfection. Où en sont les travaux ?
Le taux d"avancement des travaux initiés sont à la hauteur de 80%. Reste le problème crucial des équipements : le montant alloué est en deçà des besoins. Les équipements du théâtre sont chers. Pour nous aligner sur les différents théâtres réfectionnés, on a besoin : d’une rallonge de 4 milliards. Les autres théâtres ont bénéficié d’aides, pourquoi pas Batna ? Les 2,2 milliards sont insuffisants, 1,4 milliards ont été consommés rien que pour le bâtiment.

L’opération équipements du TRB est inscrite. On va être fixé d’ici à la fin du mois. Même la capacité passera à 550 places.

Au niveau local, avez-vous reçu de l’aide ?
Il y a les promesses de M. le wali et du P/APC mais on attend toujours.

Le TRB a-t-il des perspectives d’avenir ?
Tout dépend des moyens. Pour ne pas reculer et passer à la vitesse supérieure — nos 12 comédiens sont tous distribués — le TRB a acquis, voire conquis une place nationale et même internationale.

Il a surtout besoin d’aides locales. Nos comédiens sont arrivés au top niveau, on n’a pas le droit de les casser. À Skikda, ils ont fait un tabac.

Pour finir, Anzar nécessite beaucoup de moyens, tant sur le plan humain que sur celui financier.
Il est impératif d’avoir des sponsors, car c’est un véritable travail de professionnels qui se fait. Le thème appartient à une légende berbère (voir encadré NDLR). Notre souhait : que cette production fasse l’ouverture du Festival de Timgad, on va essayer de l’inscrire. C’est un spectacle authentiquement berbère, il doit être inscrit. C’est une grande première en Algérie. Le TRB vient d’avoir cette primauté qui n’a d’égale que le spectacle de Notre dame de Paris. Les spectateurs le découvriront bientôt. Ils seront en même temps nos juges.

Entretien réalisé par : A. Imadghassen



 

In liberte du 30/7/2001

www.liberte-algerie.com

Rachid Hamatou
"L’autre Aurès !"

Rachid Hamatou vient de passer à la vitesse supérieure. Il va concrétiser un vieux rêve, celui d’éditer en France un "livre photographique" où le vrai visage de l’Aurès, celui qui est caché, sera mis en exergue. Fervent militant et amoureux des Aurès à la moelle, il tente de briser des tabous établis en vérités, casser des stéréotypes et autres clichés qui collent à l’Auressien faussement. Il a bien voulu répondre à nos questions pour nos lecteurs.

Liberté : Vous avez fini par choisir d’éditer votre travail…
Rachid Hamatou : Je n’ai pas choisi ! C’est plutôt un aboutissement. Des années de photos, d’autres d’écritures ont fait que je me retrouve avec un travail qui me semble en toute modestie une halte ou plutôt un témoignage que je dois "dire" par devoir. Pourquoi l’Aurès ? On choisit ses copains mais rarement, sinon jamais, sa famille. Comme pour le lieu de naissance, je ne l’ai pas choisi ! Et l’Aurès ne vous laisse jamais indifférent. Pourquoi L’autre Aurès…

Connaissant votre parcours, comment vous est venue l’idée de passer à cette forme d’expression ?
Peut-être que c’est un peu pour passer à une autre vitesse : la culture écrite, que nos enfants et arrières-petits-enfants trouveront, aussi modestes soient elles. D’ailleurs, mon travail est dédié à mon fils Juba et à tous les enfants à qui on continue d’enseigner l’histoire des autres, mais jamais la leur.

Ne considérez-vous pas que c’est là, votre travail s’entend, une forme de révolte contre l’absence de tous moyens de communication émanant des Aurès ?
Effectivement, j'ai pu constater la soif des Auressiens quant à l’absence de toute une région dans le monde des médias. Faisant mon travail de correspondant de presse, je constate au quotidien amèrement le déficit et la carence de cette région dans la presse écrite. Ni l’ingénieur, ni le prof à l’université, ni le citoyen, ne se donnent la peine de prendre un stylo et d’écrire, rien que pour dire… Exceptés quelques correspondants qui le font et, croyez-moi, sous de hauts risques ! Car, il y a volonté de maintenir l’Aurès sous silence. Alors qu’il doit se positionner, et maintenant plus que jamais.

Soyez plus clair !
De nos jours, il est reproché aux journalistes d’écrire, de témoigner. Faut-il nous transformer en "clandestins" près des maternités ou en vendeurs de pommes de terre, rien que pour plaire ?

Revenons à votre publication, pourquoi avoir choisi de l’éditer en France ?
La tracasserie, comme la gêne, l’entrave, sont des inventions de chez nous. Comment voulez-vous que j'entame une impression ici, qui me coûte cher et qui peut me prendre des années, alors qu’ailleurs, j‘ai toutes les facilités et le respect en bonus ?

Je ne terminerai pas sans dire (…) qu’on refuse l’embrigadement et l’esprit grégaire.

Imadghassen A.

 


 


In ELWATAN du 22/9/2001

http://WWW.ELWATAN.COM

VIENT DE PARAITRE / L’Aurès au temps de la France coloniale

Les éditions Houma viennent de publier un livre historique en deux tomes intitulé L’Aurès au temps de la France
coloniale. Evolution politique, économique et sociale (1837-1939). Signé de la plume du professeur en histoire contemporaine à
l’université d’Alger, Abdelhamid Zouzou, L’Aurès au temps de la France coloniale est un volumineux ouvrage de 1996
pages réparties entre les deux tomes. La colossale étude sur les Aurès proposée par l’auteur est un travail de
longue haleine qui a nécessité quinze années de recherche et de documentation. Ce livre a fait l’objet d’une thèse de
doctorat d’Etat à l’université Paris XIIe Val-de-Marne en 1992. Pour être plus précis, Abelhamid Zouzou est le
premier historien algérien ayant traité l’évolution de l’Aurès (de 1837 à 1939). Il s’est attelé, en effet, à présenter les transformations

d’une région et de sespopulations, leurs évolutions politique, économique, sociale et démographique, mais aussi leur continuité, leurs
traditions culturelles et religieuses. Pour l’auteur de la préface, Charles-Robert Ageron, professeur à l’université
Paris XIIe Val-de-Marne, la thèse de Zouzou est une encyclopédie de savoir et de connaissances, mais aussi une
histoire construite et expliquée où les Algériens retrouveront, présentés dans une problématique
postcoloniale, tous les traits caractéristiques de ladomination coloniale. «Au total, cette thèse écrite
directement en français par un universitaire de langue arabe retient l’attention par l’ampleur de son information,
le classicisme de sa facture et la solidité de ses démonstrations», écrit Charles-Robert Ageron. Abdelhamid
Zouzou a tenu à souligner que le fait qu’il est originaire des Aurès n’explique en rien cela. La raison la plus
simple, c’est que cette partie de l’Algérie n’a fait l’objet d’aucune étude académique. Le choix chronologique
n’est pas fortuit : marquant la chute du Beylik Echark, l’année 1837 a été prise comme point de départ parce
qu’elle coïncide avec le déclenchement de la résistance auressienne ; laquelle n’avait pas attendu l’arrivée de
l’armée à Batna, en 1843, pour se manifester. Quant à 1939, qui correspond au commencement du conflit mondial, elle
fait date sur le plan psychologique au niveau de la région. «En ce sens qu’elle trace une limite séparant
nettement l’ancienne époque d’une nouvelle phase caractérisée par une entière prise de conscience politique
tout à fait apte à agir contre le système colonial», précise l’auteur. Ce dernier a tenu à souligner, par
ailleurs, que la présente étude consacrée à l’Aurès pendant l’époque coloniale se veut avant tout objective, sans aucun
préjugé contre le colonisateur ou en faveur des colonisés.


Par Nassima C.

Abdelhamid Zouzou, L’Aurès au temps de la France coloniale.
Evolution politique, économique et sociale (1837-1939).
1996 pages. Editions Houma, septembre 2001.


in ELWATAN du 30/9/2001

WWW.ELWATAN.COMM

MUSIQUE / Sur les traces de Aïssa Djermouni

Quand on évoque le patrimoine musical des Aurès, tout de suite le nom de cheikh Aïssa Djarmouni vient à l’esprit.
Figure de proue de la chanson chaouie, Aïssa Djermouni El Harkati aura permis, 50 ans après sa mort, la pérennité
d’un art pour lequel il a tout donné.

Jusqu’à aujourd’hui, il est adulé, aimé, imité. Mais personne n’est parvenu à le détrôner. Il reste le maître
incontesté de la chanson chaouie et par extension de la chanson auressienne, qui regroupe les wilayas de Batna,
Khenchela, Oum El Bouaghi et même Tébessa et Souk Ahras. Il aura permis à des artistes d’émerger comme feu Ali El
Khencheli, Salah Baïdhaoui et aujourd’hui encore, de jeunes adeptes, à l’instar de Katcho, suivent sa trace. Aïssa,
pionnier de la chanson chaouie, a néanmoins évolué dans un milieu des plus défavorables, en raison des deux guerres
mondiales et des épidémies qui en ont découlé. Ses chants mélodieux, sincères, il les dédiait au «mahfel» de femmes
qui venaient s’enivrer de sa voix à la pureté et à l’harmonie inégalables et inégalées. En cette période
difficile caractérisée par l’entre-deux guerres mondiales, cheikh Aïssa chantait sans le savoir l’amour du pays,
l’amour filial et/ou lyrique. Bien qu’analphabète, il fut convié à partir en France pour enregistrer des dizaines de
disques. Il eut même le rare privilège de chanter à l’Olympia, cet édifice qui ne s’ouvre qu’aux talents
authentiques comme il le fut lui. Sa célèbre chanson Ne pleure pas Djamila sera reprise plus tard par la chanteuse
Nora, ce qui démontre, si besoin est, l’immense talent du chantre des Aurès. Son lyrisme avait conquis un large
public de mélomanes, surtout quand il a glorifié l’amour en chantant : «Comment va le malade d’amour ? Dis-lui que je
souffre du même mal.» Il n’est pas étonnant de voir aujourd’hui de jeunes talents reprendre les chansons de son
répertoire, comme Katcho, Dihia et bien d’autres encore. Aïssa Djermouni reste une référence.

Par Lazhar Baaziz


elwatan du 16/8/2001

KHENCHELA / Baghaï aura sa reine El Kahina

Les citoyens de la localité de Baghaï, fief de la reine El Kahina, ont appris que le moule

qui servira à réaliser une stèle de la reine El Kahina, prêtresse de Baghaï, est arrivé en
cette journée de lundi. Le P/APC de la localité, M. Himeur Djamel, récemment installé à la
demande des jeunes de la localité, durant les émeutes où ceux-ci avait bloqué la
circulation, contacté au sujet de ladite stèle, a confirmé l’information, précisant
également que la réalisation sera assuré, par un professeur de l'Ecole des beaux-arts
d’Alger incessamment. Le moule, faisant 3 m sur 1,6 m, a été ramené de Riad El Feth.
Le P/APC a précisé également que ses priorités sont l’eau potable - puisque l’eau commence
à couler des robinets ce qui était inimaginable auparavant en raison d’une mauvaise
distribution l’éclairage public, l’assainissement et l’aménagement urbain car tout cela
figure sur les tablettes des élus de la localité puisque ses besoins ont été exprimés par
la population. La réaction de la tutelle est restée au stade des promesses.

Par A. Maachi


le soir d'algerie du 18/3/2001

KHENCHELA : Journées d’étude sur la reine des Aurès El-Kahina

Sous l’égide de l’Association culturelle et scientifique, la wilaya de Khenchela abrite
trois journées pédagogiques et historiques sur la reine des Aurès El-Kahina. Ce rendez-vous
culturel est le deuxième du genre après le séminaire organisé l’année derrière sur la vie
du philosophe algérien saint Augustin.Abderahmane Hakkar (Le soir) - Au cours de la première
journée et au niveau de la salle de l’ex-cinéma du Chabord, des conférences ont été données par
des chercheurs et historiens qui ont brossé un tableau sur la vie de la reine et sur la culture et la langue amazighes.
Un riche débat a eu lieu en présence d’une foule peu nombreuse qui a assisté aux différentes
conférences. Répondant à la question d’un jeune chercheur sur le but de ces journées,
M. Bennabes, membre de l’association, n’a pas manqué de préciser que, par l’organisation de
ces rencontres, l’association voulait faire mieux connaître aux citoyens de Khenchela,
en particulier, et de la région, en général, l’histoire de nos ancêtres et de la culture
algérienne. Poursuivant ses réponses aux questions des participants l’orateur, devait
répondre à un intervenant : “ Écoutez, les Arabes sont venus chez nous et ont squatté
nos terres et c’est pour cette raison que notre reine les a combattus.”Prenant la parole,
M. Ounissi, vice-président de l’association et écrivain en langue amazighe, a mis l’accent
sur l’histoire et la culture de l’Algérie. “L’histoire de notre pays a été écrite par des
étrangers et il est de notre devoir de commencer déjà à préparer l’écriture de notre histoire
par nous-mêmes.”Au sujet de la culture, M. Ounissi devait ajouter qu’au niveau des écoles,
on enseigne la culture des autres tout en oubliant la culture algérienne. “Les Algériens ont
abandonné les habits de leurs ancêtres tels que le burnous, la kachabia et la malhafa pour
se vêtir d’autres vêtements complètement étrangers à notre culture et à notre civilisation.”
Le moment est venu pour casser tous les tabous ont indiqué les conférenciers, qui se se
questionnent sur le pourquoi des voix qui s’élèvent à chaque fois que l’on parle de la
véritable culture algérienne. La statue de la reine El-Kahina était, elle aussi, au cœur
du débat mais sans que des réponses exactes ne soient données à ce sujet. Toujours et
concernant la statue d’El-Kahina, des intervenants ont indiqué que des personnes militent
pour qu’elle ne soit pas installée à Khenchela mais, toutefois, sans donner de précisions.
Ces mêmes intervenants s’interrogent sur le pourquoi de l’existence du mausolée de Okba Ibn
Nafâa à Biskra et non celle d’El Kahina à Khenchela. C’est en quelque sorte les deux poids
deux mesures, ont-ils indiqué. Des sorties sur terrain seront organisées lors de la dernière
journée dans la commune de Baghaï, village natal de la reine des Aurès, ce qui permettra aux
invités de visiter les sites archéologiques de la région.

A. Hakkar